Le beatmaker Ackryte n’est pas (que) de passage

mardi 4 février 2014, par Cedric.

En 2014 il fait plutôt bon être beatmaker. Longtemps, les rappeurs, et dans une moindre mesure, les DJ, centraient l’attention de tout ce qui touchait au hip hop. Les graphs, beatmakers et autres vidéomakers étaient les laissés pour compte du milieu. Pas étonnant pour ces bosseurs de l’ombre. On reconnaissait leur taff, mais peu avaient droit à la lumière des médias. Heureusement pour eux les choses ont tendance à changer, en particulier pour les beatmakers, dont la voie de la starification a été pavée par des Swizz Beatz, DJ Khaled, Just Blaze et d’autres collègues. Une génération qui s’est mise en scène dans ses confections musicales et clips, jusqu’à chanter les refrains de leurs sons. Désormais, ils bénéficient d’une exposition médiatique nettement plus adaptée à leur valeur. Qu’ils soient connus dès le plus jeune âge – Hit-Boy et Mike Will Made It on vous voit – ou moins renommés comme Knwledge ou Ackryte, cette acception soudaine (ou logique) leur permet de sortir des projets pour mettre en valeur leur travail. Tous seuls, sans rappeurs à côté. Comme des grands. Justement, c’est par le biais d’un de ses projets que l’on a découvert Acryte, jeune beatmaker de Minneapolis, qui bluffe par l’originalité et la variété de ses beats.

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Son surnom pourrait titiller l’oreille des plus nostalgiques. Notre jeune ami Ackryte tient son pseudo d’un rappeur que l’on connait bien : “Je tiens mon pseudo du morceau “Ackryte” tiré de l’album The Chronic 2001 du rappeur Dr. Dre. Il était très populaire quand j’étais au lycée.” De son propre aveu, lui et ses camarades enchaînaient les consultations avec le docteur de Compton, accro à leur came et aux tracks voluptueuses du doc. Les seules phrases qui sortaient de la bouches des lycéens, c’étaient les prescriptions du toubib. Véritable fan du rappeur/beatmaker, c’est à cette époque qu’Ackryte commence à diffuser sa musique. Une suite logique à son parcours puisqu’il a toujours baigné dans la musique : “J’ai toujours été dans la musique; et créer ma propre musique, c’est quelque chose que j’ai toujours fait. J’ai pris des leçons de piano pendant 12 ans et joué un peu de la guitare.”

Son nouvel instrument ? Sony Acid Pro sur lequel il “ joue avec des boucles”.  Ni bien sérieux ni trop professionnel. Juste de l’entraînement. Jusqu’à ce qu’il découvre qu’il peut partager ses productions avec le monde. Sony a eu la bonne idée de créer un site sur lequel les utilisateurs pourraient partager leurs prods, acidplanet.com – le père alcoolique et absent de Soundcloud. Seule formalité requise pour partager ses prods : la création d’un pseudo. Tout naturellement, notre jeune ami de Minneapolis va choisir celui d’Ackryte “ parce que j’ai aimé le son et je savais que ce pseudo était libre”. L’aventure pouvait commencer.

En grandissant, son matos et ses compétences se sont diversifiées. Au lycée, époque de ses débuts en tant que beatmaker, son truc c’était donc Acid, un logiciel avec lequel il créait des morceaux house et drum’n’bass. Une période qu’il essaye d’oublier de toutes ses forces : “Je n’aime pas y penser, parce que c’était méchamment dégueulasse”. Pas découragé pour autant, Ackryte continue son exploration. Pas dénué d’ambition, le beatmaker va se lancer dans une incroyable croisade, et va sampler toute sa collection musicale. Son but avoué est d’imiter ses producteurs favoris. Sans dévoiler qu’il se cherche encore un style. C’est après avoir ratissé toute sa collection qu’il se trouve enfin une esthétique, un mélange de d’electro, de funk, de R&B et de jazz. C’était à la fin de l’université. Depuis, Acryte est hyper-actif.

En septembre dernier, le jeune beatmaker a balancé sur bandcamp son 12eme projet en 3 ans. Cette frénésie musicale lui a permis d’acquérir une certaine notoriété dans le milieu, l’amenant à collaborer avec quelques très bons artistes hip hop. Pas les plus connus, certes, mais tous dotés d’un réel talent. Avec J’Von, il sort Aqua fin mai 2013. Un album de 10 titres entièrement composé par lui. Avec WriteGroove, un rappeur de sa ville, il sort en décembre dernier AckWrite, un superbe EP dont les 8 tracks sont tissées de sa main. En attendant peut-être un projet avec Toro Y Moi, avec qui il aimerait bien bosser “Je ne dirais pas que je «rêve» de travailler avec un artiste en particulier, mais ce serait cool de travailler avec Chaz Bundick.”

Ces multiples collaborations sont révélatrices d’une nouvelle donne dans le monde du hip hop. Alors qu’avant les beatmakers étaient condamnés à courir après les artistes pour leur faire connaitre leurs instrus, et par la même occasion se faire connaitre. Aujourd’hui, ils n’ont plus qu’à attendre les propositions des rappeurs. Bien sûr, c’est un schéma simplifié, mais il faut bien dire que le rapport de force n’est plus le même. Dj Premier et The Alchemist avaient montré la voie, aujourd’hui ce mode de fonctionnement s’est démocratisé.  Bien évidemment, pour que ces collaborations soient effectives, il faut que le rappeur et le beatmaker partagent le même univers. Celui d’Ackryte est porté par ses sens : “Je n’aime pas trop analyser ma musique. Je n’ai pas de formule. Il suffit juste de la sentir…d’une certaine façon.” Cette désinvolture créative donne à ses morceaux une ambiance plutôt “chill”, cool & relax. Le parfait cocktail pour séduire.

En pleine ascension, Ackryte ne compte pas lâcher la grappe. De toute façon, la musique, il ne connait que ça : “ Hors musique, mes passions sont ma femme, ma famille et mes amis, et c’est tout. Je n’ai le temps pour rien d’autre !” Lui qui a plein de projet sous la main, ça tombe bien. Il pourra nous inonder de morceaux, seul ou avec d’autres rappeurs. Ou même avec une émission télévisée, lui qui a vu un de ses morceaux passer sur Adult Swim. C’était en 2005 ; “Ce qui est étonnant pour moi parce que c’était de la merde d’amateur. J’étais fier d’avoir ce genre d’exposition, mais à l’époque je n’étais pas encore dans le business.” Maintenant il en est. Et ce n’est pas pour faire de la figuration.

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