« Because The Internet », Childish Gambino sous influences

vendredi 13 décembre 2013, par Antoine Laurent.

Trois jours depuis la sortie de Because The Internet, le deuxième album de Childish Gambino. Donald Glover, Childish Gambino, peu importe. Tous les gens qui s’y intéressent savent précisemment qui est ce mec-là, à la fois acteur plutôt drôle dans Community, tisseur de vannes en stand-up et rappeur à ses heures perdues.

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DR / AVICLUB.com

Des heures perdues qu’il a justement retrouvées en quittant la série d’NBC début 2013, lui permettant de se remettre à faire de la musique. Un temps qu’il a su mettre à profit jusqu’à Because The Internet, son album sophomore, sorti le 10 décembre dernier. Un projet attendu par beaucoup d’adeptes du bonhomme, notamment après le succès de ses mixtapes – Sick Boi en 2008, Poindexter en 2009, Culdesac en 2010, Royalty en 2012 – et de son premier album, Camp, acclamé par une partie de la critique à sa sortie en 2011. Une partie seulement, Pitchfork l’ayant affublé d’un méchant 1,6/10. Cette même partie qui classe le projet sous l’étiquette « hip hop alternatif », faisant fi de tous les critiques et puristes qui le descendent à chaque occasion.

« Hip hop alternatif » : en gros, un rap moins cru aux sonorités exotiques, porteur d’un message socialement acceptable qui a bu se libérer des carcans machistes et matérialistes du genre. Voilà, pour faire court. Mais n’en déplaise aux éclairés créateurs de catégories, Childish Gambino est un rappeur. Il rappe, selon la large définition que l’on donne à cette discipline en 2013. Oh, on est rentré dans l’ère Drake chers amis, il est temps de se mettre à la page. Après, est-ce que Donald Glover – vous avez bien compris que Gambino et Glover sont la seule et même personne, hein ? – est capable de produire un bon album de rap ? Là, le débat est autre.

Tantôt Drake, tantôt Frank Ocean, tantôt Big Sean. Sans trop se détacher d’un timbre nasillard et de métaphores extravagantes façon Lil Wayne. Ca fait beaucoup pour celui qui s’auto-proclame « the son of Kanye West ». A l’écoute des 19 titres de Because The Internet, de nombreuses sonorités semblent familières. Oui, il est clair que Gambino vit dans son temps et qu’il n’est pas déconnecté de ce qui peut se faire autour de lui. Logique pour un mec qui passe beaucoup de temps sur le web – trop, à en croire son album – et  embrasse tous les succès actuels pour mieux les mixer. Il s’en influence grandement et ça se ressent sur son projet. « Worldstar », c’est du Big Sean ; « Shadows », « Telegraph Ave. », « Zealot of Stockholm », c’est du Drake ; « No Exit », ça respire Odd Future ; « Flight Navigator », du Frank Ocean.

DR / Flickr PHILLM.com

DR / Flickr PHILLM.com

Mais peut-on vraiment lui reprocher ? Le mec ne copie pas, il s’inspire, il avale les tendances comme un moteur de recherche crawle les pages du web. Glover a le mérite de reconnaître ses tendances-là, de s’en inspirer et d’en tirer un produit plus qu’écoutable. Le mec a beaucoup de talent, c’est indéniable, et en s’appuyant sur un courant musical auquel il est, comme beaucoup de monde, sensible, il réussit à produire un album complet et réussi. Mieux, il y transmet un message : sa volonté de s’émanciper de son obsession chronophage d’Internet. Vraiment ?

 

« Don’t get me wrong, I love the internet. I think it’s great and it’s the only reason I’m here »

 

Internet, une obsession qui ne l’empêche pas d’accompagner la sortie de ce projet d’un script qui mobilise toute sa créativité et tisse des liens entre sa facette musicale et celle plus audiovisuelle. Tout comme l’étrange prélude « Clapping for the Wrong Reason« . Internet, la source de toutes ses inspirations et de tous ses maux. Une véritable schizophrénie artistique qui l’amène même à une sorte de détresse, bien réelle cette fois. Internet, lieu de perdition, mais aussi espace de thérapie et d’expression publique. Toute l’ambivalence de celui qui avait choisi son blaze sur le « Wu-Tang Name Generator » et incarne le mieux cet ère du « Social Media Artist » : une hyper-présence du rappeur plus une hyper-sollicitation de sa communauté, qui au final le rend totalement sous l’emprise de la Toile, tiraillé entre les trolls et les adorateurs.

Certains font de Because The Internet l’un des albums de cette année 2013, référence d’une génération ultra-connectée et engluée dans la pop-culture. D’autres le rejettent au niveau d’une vulgaire « Erreur 404 ». Ici, on se situe entre les deux, sans considérer que sa carrière rap s’apparente à un bug. Par contre, on peut le remercier sincèrement pour une chose : il aura permis à beaucoup de retrouver un morceau écoutable – « Earth : The Oldest Computer » – avec Azealia Banks dessus. Encore une histoire d’ordinateur.

 

Crédit photo cover : Flickr its_drei

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