[Chronique] 3 albums oubliés en 2012

samedi 23 juin 2012, par Sylvain Caillé.

Depuis 2012 on a vu une multitude de bons albums envahir notre quotidien musical. Mais par manque de temps nous n’avons pas pu tout faire. C’est l’heure des rattrapages d’été, aujourd’hui on parle de Schoolboy Q, de Lushlife et de C2C. Découverte en quelques lignes avec une triple chronique.

Schoolboy Q – Habits and Contradictions

Issu du boys-band Black Hippy, Schoolboy Q est sans aucun doute le plus atteint des lascars. Des mimiques vocales reconnaissables à des kilomètres, un ton parfois agressif mais rassurant, des beats chelou à la pelle et une étrange addiction à tout ce qui se rapporte à la drogue. Malgré ce comportement déviant et ses particularités, le MC a su toucher un public assez large avec son second LP Habits & Contradictions – pour s’insérer dans le cercle des NRE, les nouveaux rappeurs émergents – et se distinguer de ses camarades Kendrick Lamar, Jay Rock et Ab-Soul.

Perché dans un univers maîtrisé – deux mixtapes et deux albums indépendants au palmarès – Quincy Matthew Hanley de son vrai nom transcende les foules avec des titres rageusement accrocheurs comme « There He Go » ou encore « Oxy Music ». A noter également le featuring transformé en single par la nouvelle superstar du rap crassouillard aka A$AP Rocky sur « Hands On The Wheel » avec un sample du Pursuit Of Happiness de l’ami Kid Cudi repris en live par l’artiste américaine Lissie. Trois versions différentes pour trois plaisirs distincts. Schoolboy Q enchaine l’album entier sans bavures. A la longue, son style n’est pas usant comme du dirty south nocif ou comme de l’underground abstrait soporifique pourraient l’être. En plus tous ses vieux potes sont là et viennent donner de la plus-value au LP. Ab-Soul pose sur l’inquiétant « Druggys wit Hoes Again », Kendrick Lamar est aux commandes sur « Blessed » et Jay Rock vient compléter et conclure l’album avec « 2 Raw ». A l’image des morceaux « NiggaHs.Already.Know.Davers.Flow » et « My Hatin’ Joint » qui sont totalement différents et pourtant très intéressants, Schoolboy s’avère être un rappeur attachant et polyvalent de par le charisme qu’il dégage. A ne pas rater sous peine de subir le courroux du Black Hippy tout entier.

Lushlife – Plateau Vision

Le N.E.R.D. prodige Lushlife signe son retour avec son nouvel album Plateau Vision. Un projet mené à maturité dans l’indifférence générale – forcément, la populasse préfère s’éclater sur du Guetta & cie –  et qui fait suite à l’exquise mixtape automnal No More Golden Days. D’ailleurs on recroise certains des meilleurs morceaux de la tape sur le LP. A la fois auteur, compositeur, producteur et rappeur, le rappeur stakhanoviste nous présente une synthèse du travail accompli, le tout en 11 tracks soit un peu moins de trois quart d’heure. Une simplicité et une légèreté qui en séduiront plus d’un.

Il est loin le temps de Cassette City où tout était enregistré dans un minuscule appartement reconverti en studio pour l’occasion. Désormais, Lushlife est entré dans une nouvelle dimension, un peu plus professionnelle et un peu moins geek informatique inconnu. Cela se ressent sur l’ensemble de ses morceaux qui bénéficient d’une réelle qualité de finition. Par exemple sur la très bonne introduction « Magnolia »  ou bien sur le planant « Romance Of The Telescope ». Et puis la voix du MC qui fusionne avec les tracks n’est vraiment pas dégueulasse. Le meilleur son venant prouver l’évolution du personnage n’est autre que « Still I Hear the Word Progress » feat Styles P, bien digital mais énormément travaillé au niveau du beat avec notamment des samples vocaux et un clip un peu barré. L’ensemble du LP est cohérent, dans un ton relativement mélancolique comme sur « Gymnopedie 1.2 ». De plus c’est bourré de références, un petit exemple avec « Hale-Bopp Was the Bedouins » feat Heems des Das Racists, certainement pas la chanson la plus accrocheuse, mais la fin sample  une interview de Mathieu Kassovitz himself racontant l’histoire de sa première paire de Jordans. Une référence étonnante et inattendue pour un américain. A tester aussi, « Anthem » toujours dans la même veine, celle d’un rap plus si indépendant que ça, qui tend à se développer d’oreille en oreille pour parvenir à se faire un nom dans le tourbillon du rap game. Même si il se trouve peu médiatisé, Lush est un artiste capable de réaliser de grandes choses et c’est certain qui il faudra compter sur lui dans les années à venir.

C2C – Down The Road EP

Ok on triche un peu, Down The Road des C2C n’est pas un album à proprement parler. Mais il est si incontournable que nous ne pouvions pas l’esquiver une nouvelle fois. En général, quand on évoque les Deejays cela se résume à une vidéo youtube qui est resté dans le top of mind des amateurs du genre, le DMC 2005. Il était donc temps de passer à autre chose. Avec 5 tracks et 1 remix, l’addiction musicale distillée par les DJ dans cet EP est si forte qu’il faut le saigner à blanc pour se rassasier et en oublier sa soif. Telle une frappe chirurgicale d’une puissance atomique, cette cassette provoque inévitablement une explosion dans les oreilles de tous ceux qui s’y essayent.

On commence directement avec « Down The Road », dans une ambiance cow-boy/western qui s’installe durant tout le long du titre. Les C2C mixent avec un instrument peu commun, un harmonica utilisé avec une justesse étonnante. Un sample vocal accompagne également toute la chanson. Une prise de risque récompensée par un résultat final intriguant et plutôt génial.  Dans les meilleurs titres on retrouve l’incroyable single « F.U.Y.A. », qui ferait presque penser à du Ratatat à certains moments au niveau des instruments et de la variation du rythme. Un ensemble magique qu’on ne se lasse pas de réécouter, again and again… « The Beat », nouvellement clippé se trouve être le morceau le plus dynamique avec pareillement un sample vocal qui vient se marier au beat et même une courte partie rap qui sublime ce track. En ce qui me concerne, le son « Arcades » est tout simplement le clou du spectacle. Une rythmique extraordinaire, un petit passage au clavecin, du scratch à tout va, en résumé une orgie auriculaire. Avec du recul, on s’aperçoit qu’en fait, tout l’EP est solide et que le tour de force des DJ’s est largement réussi. Un come-back épatant qui soulage grassement la musique française. Avec à une musique hybride, des samples de fou et un arrière-gout Hip Hop, les Coups 2 Cross ont su trouver la formule magique pour produire une drogue sonore qui sera bientôt prolongée par un album en septembre. L’attente va être longue…

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