[Chronique] Kanye x Jay-Z – Watch the Throne

vendredi 12 août 2011, par SURL.

« Syndrome Watch The Throne : se dit d’un album blockbuster, qui a généré une attente monstre et cause ainsi des jugements excessifs, voire hyperboliques. Futur synonyme : Detox. » 

Pour chroniquer cet éléphantesque album collaboratif de Kanye West et Jay-Z, qui forcément exacerbe les passions, on s’est dit qu’il fallait proposer plusieurs avis, qu’un seul jugement ne serait pas assez représentatif de la team SURL. Trois opinions donc, choisissez celle qui vous correspond le mieux. Vous pouvez d’ailleurs écouter l’intégralité de cet album ici, si ce n’est pas encore fait.

 

[highlight]Joackim : un costume Armani pas hyper bien coupé[/highlight]

 

C’était écrit. Le phénomène était déjà apparu à la sortie de My Beautiful Dark Twisted Fantasy, mais cette fois le gouffre s’est encore plus creusé. L’orientation de la carrière des « frères » Kanye et Hov déchaîne les foules et sépare les accrocs dithyrambiques des puristes dépités. Sauf que ce qui était défendable à mes yeux sur le dernier solo de Yeezy, qui même surcoté restait un excellent LP, l’est moins sur un projet qui s’est vu un peu trop beau.

Mégalo de la cover aux lyrics, en passant par les samples de luxe et les producteurs-stars, ce Watch The Throne réserve de très, très bons moments. Du beat lourd de Lex Luger sur le terrible « H.A.M. » aux sublimes choeurs qui ponctuent « Illest Motherfucker Alive », on en prend plein les mirettes en déroulant la plupart des pistes. Mention également à l’intro « No Church In The Wild » qui plonge direct dans l’ambiance, aux quelques tracks à l’esprit soul mais audacieuses (« Otis », « Gotta Have It » et « The Joy » avec Pete Rock) et au futur hymne pour winners « Niggas in Paris », qui s’élève en haute altitude artistique en fin de morceau. J’oubliais, le concept sympa de « Murder to Excellence », partagé en deux parties successives et dédié à Danroy Henry.

Autant d’excellents passages entachés de mini-flops qui ne devraient pas flatter l’ego des deux rockstars. A commencer par ce facile plagiat de Cassius, qui a du s’en mettre plein les poches (« Why I Love You ») . Un caprice qui ne fait pas honneur à ‘Ye le roi du sampling, pourtant globalement inspiré sur ce LP. Paradoxalement le duo y lâche presque leurs meilleurs couplets du projet. Autres choix : une prod dégueulasse de Swizz Beatz sur « Welcome to the Jungle » ou encore un « Lift Off » qui résonne comme un « All of the Lights » du pauvre. Plus grave, l’impression de décousue qui émane du projet, visiblement construit sans queue ni tête, ainsi que le manque de complémentarité frappant entre les deux artistes. Chacun semble faire son truc à sa sauce, sans trop se soucier de ce que fait l’autre. D’ailleurs, s’ils ont beaucoup de choses à raconter, leurs couplets les plus émotionnels et introspectifs, oui il y en a, se noient dans un flow de matérialisme facile et un listing des marques de luxe. Dommage.

Ce jugement sévère ne remet pas en cause la qualité de l’album. Cependant, l’égo sur-gonflé des deux rappeurs a poussé  à fond notre niveau d’exigence, puis ne l’a pas totalement satisfait. Un rap grand spectacle qui résonne parfois un peu creux. Ecouter Watch the Throne, c’est comme acheter un costume Armani pas hyper bien coupé : on s’en plaint beaucoup car l’attente était très élevée, mais faut pas perdre de vue qu’au fond ça reste bien mieux qu’un costard C&A

 

[highlight]Rachid: un bon album de rap sans prise de risque.[/highlight]

 

Je m’attendais à un projet plus audacieux, plus prétentieux, dantesque même, à la hauteur de la kitchissime cover de Ricardo Tisci, après la claque My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Mais finalement on obtient « juste » un bon album de rap sans prise de risque.

Preuve de ce manque de culot, les bonus tracks s’avèrent meilleures que les chansons de l’album.  Un peu comme dans Relapse d’Eminem, il faut attendre les bonus pour capter des musiques plus osées. On reconnaît à peine la patte de RZA sur la prod de « New Day », même si le sample vocodé de Nina Simone leur va très bien je trouve. Un des meilleurs sons à mon goût. Malgré des bons titres, on a l’impression de toucher aux limites de Kanye en terme de style de prods, de choix de samples. Jay-Z ne se foule pas trop et assure le travail. Rien de transcendant en soi, à l’image de la balade « Made in America », même si le thème est noble. Il faut attendre les tracks 11 et 12 pour trouver plus d’audace : la reprise de Cassius avec « Why I Love You », puis les envolées de chœurs dans « Illest Motherfucker Alive ». La fin du LP me fait presque penser à l’époque des premiers Kanye…

Un bon album, loin du déjà culte MBDTF de Kanye dont je soupçonne WTT d’en contenir des chutes… Si Kanye et Jay-Z sont allés vers la facilité, même avec talent, j’espère maintenant qu’ils vont assurer au niveau de la tournée et des clips, puis nous proposer des gros remix à l’image de Radiohead. Ils auraient peut-être dû s’entourer d’autres artistes et s’ouvrir un champ musical encore plus large et varié. Côté feat, je m’attendais à Rihanna mais on a récupéré pire… Beyonce.

Je termine avec mes titres préférés : « No Church In The Wild », « Niggas in Paris », « Gotta Have It », « Murder to Excellence » et « New Day »

 

[highlight]Sylvain:On ne digère pas ce genre de projet en moins d’une semaine[/highlight]

 

J’attendais beaucoup de cet album. Kanye et Jay sont pour moi de bons artistes mainstream, et cette fusion ne pouvait qu’être bénéfique pour le Hip Hop. Après une multitude d’écoute je suis satisfait, mais pas surpris. Cet album est bon c’est certain. Quand vous réunissez les monstres de la planète rap il est difficile d’en faire autrement. Mais il manque une touche d’originalité, je m’attendais tout de même à quelque chose d’un peu plus explosif.

Sur chacun de ces LP Kanye a su se réinventer. Mais Watch The Throne est dans la continuité de My Beautiful Dark Twisted Fantasy, en moins bien. Cet album marque t’il la fin d’un règne ?Le déclin de deux superpuissances du rap ? Il est compliqué de prévoir ce genre de choses.
Selon moi, il est encore un peu tôt pour parler de ce LP. On ne « digère » pas ce genre de projet en moins d’une semaine. Il faut le situer dans l’univers du Hip Hop actuel pour comprendre sa réelle signification et le travail des artistes. Car derrière chaque album il y a un contexte. Bref, on retrouve de très bonnes productions, je pense à « No Church In The Wild » qui nous introduit dans une ambiance un peu sombre, mais très détaillée (aviez-vous remarqué les cris de singe à la fin du refrain ?). Kanye fait le boulot à la prod sur «Otis» avec un gros sample du mythique Otis Redding. On note également «Primetime» avec une excellente production de No ID. Ce titre me fait penser à certaines instrus d’Eminem. Dans les autres bons titres je citerai « Gotta Have It » – je m’attendais pas à une prod comme cela de la part des Neptunes -, « New Day » un titre tout en douceur très planant, « That’s My Bitch » avec ses très bonnes percussions. L’album dispose également d’une facette un peu dirty south avec « H.A.M. » ou « Niggas In Paris » qui pourrait bien être un futur single. Je finis sur les points forts en parlant du génial « Murder To Excellence » avec deux beats différents qui se complètent et des lyrics très fortes.

Cela fait beaucoup de bons titres, mais ce n’est pas l’accumulation de bonnes chansons qui fait un album. Certains tracks m’ont totalement dégouté. Je pense à « Who Gon Stop Me ». Sur cette chanson Ye et Hov sont tombés bien bas. L’original de Flux Pavilion est génial et les Chiddy Bang avaient déjà réussi à se l’approprier en freestyle. Mais là c’est mou, il y a rien… Pareil pour « Lift Off », dès la première écoute j’ai compris que ce morceau était dédié au grand public pour en faire un single et empocher de l’argent. C’est bien triste. Swizz Beatz fait mieux que d’habitude sur « Welcome To The Jungle » mais cela reste insuffisant, comme toujours. Je ne comprends pas trop le délire sur « Made In America », on dirait une chanson tout droit sorti d’un album de R’n’B périmé. Frank Ocean ne s’en sort pas trop mal. Je n’ai pas du tout capté le délire sur « Illest Motherfucker Alive », c’est bien le genre de musique que je n’aime pas. Genre on se la pète, on sait rapper sur toutes sortes de productions. Le résultat c’est une chanson très moyenne. J’ai également remarqué qu’en général, le flow de Jay-Z est moins tranchant que d’habitude. C’est vrai qu’il commence à se faire vieux le Shawn Carter. Il ne se détache pas vraiment de Kanye West alors qu’auparavant il était bien meilleur. Enfin, un dernier point qui ne m’a pas satisfait: les fins de chansons. Certaines fins sont bien réalisées alors que d’autres sont bâclées. Or une des force de Kanye West à la production est de finir en beauté ses chansons avec l’instru. Tant pis…

En résumé cet album doit être écouté, c’est un évènement musical et passer à côté serait une erreur. Kanye et Jay-Z sont deux artistes qui influent directement sur le Hip Hop actuel. Et même si ce n’est certainement pas l’album du siècle, il est à prendre en considération qu’il pourrait marquer une génération d’artistes et d’amateurs. Certains aimeront alors que d’autres crieront au scandale commercial. Pour ma part, j’ai pris du plaisir à écouter cet album. Néanmoins je m’inquiète un peu pour la suite de la carrière de ces monstres. Une vie comblée désormais par l’argent mais plus par la musique…

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