La généaologie de Hip Hop Family Tree

jeudi 1 janvier 2015, par Cedric.

Les cours d’histoire ont toujours eu le don d’endormir les élèves. Même les plus attentifs et les plus disciplinés, comme Charles-François-Henri, le bolosse de ta classe toujours assis au premier rang, ont pu vaciller et fermer un oeil entre les frasques de Louis XIV et les horreurs de la Terreur. Les profs d’histoire, non les historiens en général, ne font rien pour rendre l’Histoire intéressante. S’ils avaient procédé comme Ed Piskor, croyez-moi, nous serions tous des grosses têtes en la matière, plutôt que des blogueurs précaires.

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De la fraîcheur, c’est ce que nous propose Ed Piskor avec sa nouvelle série, Hip Hop Family Tree. Nouvelle parce que Ed n’est pas nouveau dans le milieu. Depuis tout petit, ce pur produit de Pittsburgh – shoutout to Mac Miller – trempe dans la bande dessinée. Les 21 premières années de sa vie ont été rythmées par le dessin et la lecture de comics. Son immersion dans le monde de la bande dessinée commence avec la lecture de comics mainstream comme The Amazing Spider-ManSuperman ou encore Ucanny X-men. C’est en tombant par hasard sur un documentaire intitulé Comic Book Confidential que le jeune Ed, alors âge de 9 ans, va découvrir une une toute autre culture de la bande dessinée, plus underground, qui se nourri non pas de super-héros et de super-villains qui jouent à « qui a la plus grosse » mais plutôt de blagues salaces, d’humoir noir et de losers qui deviennent non pas des héros mais restent des losers. Inspiré par les ébauches de dessins venant de légendes comme Harvey Pekar et Robert Crumb, des ébauches qui défilent frénétiquement devant ses yeux, Ed ne pense qu’une chose « moi aussi je peux faire ça ».

« Même Chuck D a validé le projet. »

Ed se met alors à dessiner, presque autant qu’il enchaîne les comics. C’est à dire beaucoup. Faut dire que le dessin, c’est son seul talent : à l’école, il n’était doué pour rien d’autre. En sport, on devait limite choisir le bigleu unijambiste de la classe avant de le sélectionner lui. Naturellement, après ses premiers dessins viennent ses premiers récits, teinté d’un humour noir qui défie toutes les lois de la bienséance. Son premier projet, c’est Deviant Funnies. Un court comic strip de 24 pages qui narre les histoires délirantes de la famille Wizmantle. La bande dessinée est en noir et blanc pour accentuer la nature tragi-comique de la situation. Il sera rapidement suivi par Isolation Chamber, un autre comic strip, tout aussi court, mais plus autobiographique. Avec toujours cet humoir noir, trait caractéristique de l’auteur.

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C’est probablement son penchant pour la bédé disruptive qui l’amènera à collaborer avec son mentor, Harvey Pekar, pour l’illustration de 3 bandes dessinées : la mythique série American Splendor, Macedonia et The Beats.  Viendra ensuite la série Wizzywig, déclinée en 3 tomes, qui raconte l’histoire de Kevin « Boingthump » Phenicle, un jeune pirate informatique qui défie le système. Avec ce nouveau projet, Ed change complètement de registre et trempe dans la littérature documentaire. Avec une double lecture, on pourrait croire que, à la manière d’un Nicolas Hulot, Piskor tente de nous éduquer et nous imposer une nécessaire réflexion sociétale. Avec humour bien sûr, et en jouant avec nos sentiments. Chacun se fera sa propre interprétation mais les indices laissées ça et là par Piskor dans ses interviews portent à croire que le personnage de Phenicle est inspiré de véritables hackers, parmi lesquelles se trouvent un des amis de Piskor. Cette visée quelque peu éducative de son travail, on l’a retrouve dans son nouveau projet, Hip Hop Family Tree.

« l’arbre généalogique du hip hop est calqué sur l’organigramme construit par les condés pour coincer Avon Barksdale »

Ici, Ed Piskor entend remonter aux origines du hip hop. Un thème complètement à l’opposé de ce qu’il a pu faire auparavant, mais qui s’explique par la relation qu’entretien Piskor avec la culture hip hop. Son habilité au crayon, il l’a développé en soumettant ses créations aux regards moqueurs – envieurs ? – de ses potes. Ils étaient attentifs, car il fallait sortir les meilleures vannes pour obtenir le prix du hater de l’année. Cet esprit de compétition , propre au mouvement hip hop, a contribué à le faire travailler pour pouvoir exceller dans son domaine. Le seul pour lequel il avait du talent. Sans ces duels au micro crayon, il n’en serait peut-être pas là. A ses yeux, le hip hop et les comics vont ensemble comme le chocolat et le beurre de cacahuète. Ce n’est donc pas une surprise si on le retrouve aujourd’hui à écrire les mémoires du hip hop.

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Au départ, il n’envisageait pas vraiment de faire une oeuvre complète sur le mouvement. Il a commencé par balancer une planche sur boingboing.net, puis une deuxième, puis une troisième…en pensant s’arrêter à 32. Mais de son propre aveu « il y a beaucoup trop à raconter ! » S’il continue à poster chaque semaine une nouvelle planche de son oeuvre, son appétit pour le dessin combiné à la riche histoire du hip hop l’ont amené à pondre le Tome 1 de la série Hip Hop family tree, qui couvre la période 1975-1981. La Genèse. Il n’était pas née, et n’a certainement pas assisté aux événements qu’il retranscrit dans son bouquin, mais en veritable hip hop heads, il a effectué de nombreuses recherches et questionné de nombreuses personnes pour pouvoir écrire sa bande dessinée. Son travail d’investigation, il le compare à celui effectué par les flics dans The Wire. D’ailleurs, pour l’anecdote – attention spoil – l’arbre généalogique du hip hop est calqué sur l’organigramme construit par les condés pour coincer Avon Barksdale. On peut lui donner raison tant la somme d’information qu’il nous transmet est incroyable. Même s’il ne rentre pas dans les détails, on a une vue assez claire et précise sur les acteurs majeurs et les actions menées qui ont donné naissance au mouvement.

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Après la lecture des 112 premières pages de la série, on sait qui sont Afrika BambaataaGrandmaster Flash, Kool Keith, Nick Rubin ou encore Fab Five Freddy, et on connait les grandes étapes de la propagation de cette nouvelle culture. Le tout sans avoir ouvert un bouquin de la taille de la Bible ou avoir traîné dans une classe. Plus que l’histoire en elle même, c’est le médium et l’esthétique qui plaisent. C’est toujours plus plaisant d’apprendre avec des dessins et des petites histoires. Les amateurs de bande dessinées ne seront pas dépaysés puisque Ed Piskor adapte tout simplement les codes des bouquins existant à son oeuvre, c’est-à-dire une ambiance un peu décalée avec des scènes de fights dantestes dignes de l’Incroyable Hulk, des dialogues amusants et des personnages ayant un bon côté fun. Tout juste adopte-t-il une esthétique un peu old school, pour coller à l’époque, avec des couleurs fades pour les dessins, et un papier un peu vieilli, qui sent l’histoire, pour la version physique du livre.

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Cette version reliure de Hip Hop Family Tree aurait pu ne pas voir le jour si les fans n’étaient pas aussi nombreux. Même Chuck D a validé le projet. L’engouement des fans est tel que le tome 2 de la série est déjà bouclé, et sortira en août prochain. Ed Piskor ne sait pas encore jusqu’où il ira, mais son souhait est de terminer la série avec la mort de Tupac et Biggie Smalls « parce que nous sommes tous à peu près d’accord pour dire que ces deux là sont les derniers vrais MCs ». En attendant, vous pouvez suivre son travail sur le site boingboing.net où il balance chaque semaine une nouvelle planche. Et pour ceux qui ne jurent que par le papier, vous pouvez vous procurer le tome 1 de hip hop family tree sur Amazon. Pour peu que l’on soit familier avec la langue de Sheakespeare, cette bande dessinée est un must-have. Parce qu’on a déjà fait pire comme cours d’Histoire.

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Bref, si toi aussi tu désires en apprendre sur le Hip Hop sans avoir le cerveau qui ramollit au bout de 3 minutes, viens découvrir la bande dessinée qui te réconciliera avec l’Histoire.

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 Le tumblr de Ed Piskor // Son site officiel

 

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