Interview – Joke n’est pas là pour blaguer

dimanche 11 novembre 2012, par Joackim Le Goff.

Twista, « Adrenaline Rush ». Posé dans un studio d’enregistrement près de Gare de l’Est, Joke réfléchit déjà à ses prochains morceaux en écoutant du bon son. Pourtant, il vient à peine de boucler un EP intitulé Kyoto, qui s’annonce comme l’une des grosses sorties hip-hop de cette fin d’année. Porté par le succès de « MTP Anthem » et de « Triumph », le rappeur de Montpellier pourrait bien exploser à la face du grand public avant la fin du monde. Le moment idéal pour prendre le pouls auprès d’un des artistes les plus chauds du moment, pour discuter de ses projets, de musique, sappes et forcément de sa ville.

SURL: tu t’attendais que à ce que ton clip « Triumph » soit aussi plébiscité ?
Joke : En fait, à l’origine je ne comptais même pas le sortir. Quand le EP s’est fait, il ne devait pas sortir, puis je sais pas je l’ai réécouté et je me suis dit « quand même faut le faire ce clip ». C’est pas que je m’y attendais, mais comme il y avait eu « MTP Anthem » avant et qu’il y avait de l’attente, je pensais que ça allait tourner.

Pourquoi intituler cet EP Kyoto ?
En fait, c’est un concept de deux EP : Kyoto et Tokyo après. Je kiffe grave le Japon, j’ai envie de partir là-bas. Le délire, c’est que je me dis que ce sont ces deux EP qui vont m’y emmener, y faire des concerts. Pour moi, c’est comme si c’était mes passeports pour le Japon.

Qu’est ce qui te plaît au Japon ?
La culture, leur avance technologique, … La ville de Tokyo, ça fait rêver, ça m’attire !

T’as essayé de transposer ça musicalement ?
J’ai pas cherché à rentrer dans un univers asiatique ou manga. J’ai fait ce qui me plaît : c’est le Joke de d’habitude, mais en meilleur ! Enfin pas que je me sente forcément meilleur, mais encore plus travaillé.

Tu as mis combien de temps à le préparer ?
En tout, on va dire 6-7 mois.

Que va-t-on retrouver dedans ?
Il va y avoir 11 sons, dont 2 bonus. Là on va tourner un clip cette semaine, un remix d’un morceau qui s’appelle « Scorpion » avec Mac Tyer et Niro (ndlr : le clip vient de sortir). « Journée » doit suivre, un son un peu jazzy, en featuring avec un gars de L.A. qui s’appelle Ayomari. Après on va enchaîner.

[highlight]Je posais déjà sur des instrus dubstep à l’époque, de Rusko, pratiquement personne ne tentait ça.[/highlight]

En checkant certains communiqués de presse à ton sujet, tu es un peu présenté comme le « nouveau rookie du rap ». Pourtant t’es loin d’être un débutant, ça fait plusieurs années que tu es dans le milieu déjà. Si on te « vend » de cette manière, ça ne te dérange pas ?
Non ça me gêne pas, je me dis que pour le grand public je suis un peu un rookie. Je suis là depuis plus de 3 ans, mais il y a plein de gens qui me découvrent maintenant. Donc au final ça ne me dérange pas. Puis je suis encore jeune !

Tu devais sortir une mixtape intitulée Delorean Music en début d’année. Que s’est-il passé ?
Je devais la faire, d’ailleurs « Triumph » devait être dedans. Mais cet esprit « Delorean », « Retour vers le Futur », ça a été repris un peu de partout, ça m’a saoulé. J’étais dans ce truc de « Marty McFly » avant, mais tout le monde s’est approprié ce genre de délire et ça s’est généralisé, donc j’ai lâché l’affaire avec ça. J’ai du stock du coup, des sons avec Willow Amsgood et d’autres, peut-être que je les ressortirai plus tard.

Revenons un peu en arrière. En t’écoutant depuis Prêt pour l’argent, qui date de quelques années, t’étais déjà influencé par des ambiances électro. En 2012, Guetta est le meilleur pote de tous les rappeurs, le mix rap/électro devenu une tendance. Finalement tu te dis pas que tu étais en avance sur les attentes du public  ?
C’est ce que je me dis parfois. Enfin, Prêt pour l’argent a pris comme il devait prendre, il n’y avait pas eu beaucoup de promo, donc c’est peut-être aussi ça qui m’avait un peu causé du tort. Je posais déjà sur des instrus dubstep à l’époque, de Rusko, pratiquement personne ne tentait ça : ni des cainris ni des français le faisaient, peut-être des anglais. C’était Orgasmic qui me faisaient écouter ces morceaux et j’avais kiffé. Mais tant mieux que les gens apprécient ça maintenant. Mieux vaut tard que jamais !

D’ailleurs, comment as-tu vécu la fin d’Institubes et Stunts ? Tu le sentais venir ou c’était un choc ?
Le truc c’est que je suis parti avant. Stunts c’était plutôt une ambiance de potes qu’une ambiance véritablement professionnelle. Mais malgré que le label se soit cassé la gueule, on a gardé des bons contacts. Je l’ai appris avant que les gens le sachent, mais ça ne m’a pas choqué. Je voyais que ça devenait galère pour monter des clips, les budgets se resserraient, … J’ai compris.

Du coup toujours en bons termes avec cette équipe ?
Ouais bien sûr ! Je dois voir Orgasmic demain normalement. Tout se passe bien avec tous.

Tu répétais déjà il y a quelques années que le rap français ne te convenait pas. Il te convient un peu plus maintenant ?
Je ne peux pas dire qu’il me convient, mais il va dans un sens qui me fait penser que dans un an ou deux, je pourrais en écouter avec plaisir. Après il y a des artistes que j’aime hein. Globalement, c’est une bonne évolution en ce moment, surtout au niveau musical, des instrus. C’est différent de ce qui ce faisait avant, donc je trouve que c’est bien.

Dans l’intro de « Triumph », tu déclares que tu « ne fais pas de rap français ». Si tu ne fais pas du rap français, comment définirais-tu ta musique ?
Je fais du rap, c’est tout. Pour moi il n’y a pas « rap US » et « rap français » : il y a « rap » et « rap français ». Ce sont les américains qui ont inventé le rap, donc le rap c’est eux ! Après, il y a un style « rap français » qui s’est créé et ce style-là, moi … Il y a quelques trucs qui me plaisent, mais je ne le défends pas particulièrement. Pour moi, je fais du rap. Par exemple, un gars qui s’appelle Hef est influencé cainri alors qu’il vient de Rotterdam, mais pour moi c’est du rap. A mon sens, tous les mecs qui font du rap regardent vers les US, parce que ça vient de là-bas. C’est même pas une histoire de pompage, pour moi le game est mondial !

Musicalement, qui te fait kiffer en ce moment ?
Je reste beaucoup sur les trucs que j’écoutais avant. J’écoute beaucoup de Jay-Z, les premiers Kanye, même si sa récente compilation ne m’a pas trop touché. Max B je l’écoute beaucoup, les tapes de Vado & Cam’ron aussi. Je suis beaucoup branché New York.

Dès qu’on aborde ton côté égotrip, la comparaison avec Booba devient souvent inévitable. Cette comparaison te flatte ou tu sens que ton son est distinct ? 
Pour moi c’est distinct, mais au final je peux pas être mécontent : ce n’est pas comme si j’étais comparé à un gars qui rappait mal ! Pour moi c’est le numéro 1, donc si on te compares au numéro 1 c’est que dans un sens on te trouve bon aussi. Puis les gens apprendront à connaître ma musique et se rendront compte qu’on ne fait pas la même chose.

Si tu devais bosser avec un musicien, rappeur, producteur, ça serait qui ?
Just Blaze. Sans hésitation.

[highlight] »Le rap français ? Je ne peux pas dire qu’il me convient, mais il va dans un sens qui me fait penser que dans un an ou deux, je pourrais en écouter avec plaisir. »[/highlight]

Un mot sur ta signature sur le label Golden Eye Music, comment s’est passée la connexion ?
Avant Golden Eye, je faisais mes trucs tout seul. Dixon a parlé de moi à Blastar. Blastar m’a contacté pour faire du son, on s’est vus à Paris, puis on s’est revus avec Oumar (ndlr : le boss du label). On a discuté de ce que je voulais faire, du game, puis comme ça concordait on s’est dit qu’on allait bosser ensemble. Je suis content de l’EP qu’on a fait, la promo, tout se passe bien.

Un de tes gros morceaux que j’ai longtemps écouté, c’est « Gotham » avec Jo A, un producteur qui monte bien. Nouvelle collaboration possible prochainement ?
On a fait un morceau pour l’EP mais qui était un peu retard, donc il sera intégré dans Tokyo.

Excepté Kyoto et Tokyo, tu prépares un truc ton crew, Les M0nsieurs ?
Pour le moment chacun bosse ses projets perso. C’est possible qu’il se fasse une mixtape après, mais on ne l’a pas encore en vue.

Idem pour l’album ?
Non, je réfléchis déjà à l’album. Après Tokyo, et même pendant, il faut que je bosse dessus. Pour l’instant, je pense plus à l’album qu’à une mixtape collective. Ca viendra peut-être même après l’album, si j’arrive à m’installer, pour pousser les autres.

A part les white tee, des marques qui te plaisent ? 
Je suis très, je vais pas dire classique, mais j’aime pas les trucs trop extravagants.

Donc pas du adidas et Jeremy Scott ?
Ah non, ça va trop loin là (rires) ! Ca me gêne pas sur les gens, mais moi je pourrais pas porter les chaussures avec les nounours ! Par contre j’aime bien les paires de Gourmet. Niveau jeans, je suis beaucoup sur les toiles japonaises. D’ailleurs je kiffe Evisu, mais ça s’est grillé à une époque. J’essaie encore de m’y accrocher, mais tout ce qui sort aujourd’hui est un peu cramé, c’est moins bien coupé donc j’ai un peu de mal. J’ai la nostalgie ! J’aime bien Nudie aussi.

L’endroit que tu nous conseilles à Montpellier ?
Burger N Co, c’est très chaud. En bas de la rue de l’Aiguillerie. Il y a Majestic, un magasin de sappes. C’est un peu de la pub là hein (rires) ?! Il y a des trucs très chaud à Majestic, qu’il n’y a même pas à Paris. A People’s rag aussi.

Pour la déconne : en tant que montpellierain, ça te fait pas chier que Wati B sponsorise le club de foot ?
Ooooh, non, ça ne me gêne même pas. Ca m’a fait rire, mais tant mieux ça veut dire que leur business monte. Tranquille. S’il y a des parisiens qui peuvent porter le maillot de Montpellier parce qu’il y a du Wati B dessus, ça pourrait être pas mal ! Mais bon ça m’étonnerait quand même, ils sont pas si fous que ça (rires) !

Le 21 décembre, fin du monde prévue à La Maroquinerie ?
On va déclencher le truc ! On prépare un très, très gros show. On fait un spectacle vraiment, ça va pas être en mode showcase, pour que les gens en aient pour leur argent. On va penser le truc, ça va être un peu théâtral, un vrai show !

Quelle est ta meilleure punchline dans l’EP ?
Je pourrais pas la donner là, j’ai pas envie de gâcher la surprise : elle n’aura pas le même impact si les gens la connaissent avant ! Pour moi, elle se trouve soit dans « One », soit dans « Cristal ». Ou peut-être dans l’intro.

Notre question traditionnelle pour terminer nos interviews : si ta musique était un plat, quelle serait la recette ?
Un plat cuisiné … (il réfléchit). Je crois que ça serait un burger, mais pas un burger de fast food de merde ! Un bon burger de chef ! Avec du boeuf de la boucherie et du vrai cheddar. Le côté street, mais bien présenté et de qualité. Feuille de salade dans le burger et quelques frites maisons sur le côté !

Pré-commande  »Kyoto » sur Itunes pour 4.99€
En concert à La Maroquinerie de Paris le 21 décembre

Merci à Djamel et l’équipe de Golden Eye Music.

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