Keny Arkana : « Je croyais être la seule folle »

jeudi 1 janvier 2015, par Julie Green.

En 2012, au moment de la sortie de Tout tourne autour du soleil, nous interviewions la grande Keny Arkana. Cette citoyenne du monde se confiait sur tout, de son besoin de communion à son désir de fuite perpétuelle en passant par ses envies de révolution. Entretien avec la voix de tout un peuple.

Il y a près d’un an, lassés des débats naissant dans la communauté rap, nous débutions une longue série d’interviews autour de ses principaux acteurs. Nous souhaitions alors répondre à ses détracteurs, qui l’estimaient « mieux avant ». S’en suivit une longue série de rencontres, de concerts, souvenirs, bières échangées, bouteille de Perrier, de traversées de Paris, de remerciements, de coup de fils… Il est temps : merci à Rocca, merci à Vicelow, merci à Akhenaton, à Manu Key, à Triptik, à Youssoupha, merci à Shurik’n. Merci à eux d’avoir accepté de nous rencontrer et d’avoir accepté de répondre à nos questions. Nous étions conscient d’enfoncer une porte ouverte, mais il nous semblait nécessaire d’y aller quand même. Le rap est une mission, et nous lui devions ce combat.

Nous nous sommes rapidement retrouvés face à une certitude : le rap allait bien. Il a alors été question de cesser car satisfaits du parcours, nous avions nous aussi contribué à prouver, nous l’espérons, à ceux que nous visions que le rap était en pleine forme. C’était sans compter Keny Arkana. Maintenant que notre rencontre a eu lieu, je me rends compte que passer à côté, c’eut été passer à côté de tout. A coté du présent, à côté du passé, à côté de l’avenir, à côté de toutes les questions que nous nous posions. Cette rencontre qui devait durer vingt minutes, s’est prolongée durant près d’une heure, durant laquelle Keny, naturelle et bouleversante, nous a offert le meilleur d’elle-même, si cliché puisse paraître la formule.

Nous n’arrêterons donc pas. Nous continuerons durant les années qu’il reste à SURL à montrer à la France que son rap est bon, que son rap est nécessaire, qu’il est brillant et qu’il est d’une fraîcheur désormais salvatrice dans le monde de la musique.

J’ai l’impression que le rap, c’est avant tout un vecteur pour faire passer un message, plus un truc qui t’est tombé dessus qu’une réelle passion pour le genre. Tu peux nous expliquer brièvement ton rapport à la musique, puis au rap ?
Oh non non, quand même pas. Le rap c’est aussi une passion. En fait j’ai commencé vachement jeune, je devais avoir 12/13 ans. Donc ça demande quand même de la passion à cet age-là. Puis ensuite j’ai fait ça toute mon adolescence. Après, vraiment, la conscience c’est aussi au fur et à mesure, tu grandis, tout ça… C’est vrai qu’au moment où j’ai sorti mon premier album, j’étais beaucoup plus sur le terrain que artiste. Et à un moment j’aurai pu arrêter la musique, mais je me suis dit que c’était quand même un bon fond pour faire passer un message. Bon, mais c’est clair que c’est aussi une passion. J’ai fais mes classes quoi ! Et puis en même temps, j’ai quand même grandit avec le rap des années 90, qui était assez dénonciateur aussi. Même si c’était pas forcément politique, y’avait souvent un message derrière, pas forcément politique mais au moins social, et c’est ça qui m’a touché aussi. C’est cette sensibilité là du rap qui m’a touchée.

Quelles sont tes influences dans la musique ?
J’écoutais quand même du rap américain. Pas pour les même raisons, parce que je comprenais pas les paroles, mais j’écoutais. En rap français, les NTM, Assassin, IAM, Sages Po… Surtout Assassin et NTM en fait. IAM, j’ai vraiment adhéré à L’Ecole du Micro d’Argent, avant j’avais un peu de mal. Y’a quand même des morceaux qui m’ont grave touchés, genre « Sachet Blanc », des trucs comme ça…

J’ai écouté le nouvel album. On sent pas ce désir d’aller chercher des prods énormes, de faire des feats, de peser dans le « rap game », et pourtant il y a cette sincérité désarmante et surement ce flow inné qui font de toi quelqu’un qui compte dans la paysage. C’est malgré toi ? Comment tu te places par rapport à ça ?
Ok, y’a pas de feats, mais y’a quand même du boulot ! J’ai l’impression d’avoir essayé d’innover quand même, d’apporter quelque chose dans le rap qui n’existait pas, rien que pour les flows par exemple.

Ouais mais ce truc, tu l’as apporté en arrivant…
Dans le fond, ouais je suis d’accord. Mais quand tu prends « Entre Ciment et Belle Etoile », il est quand même vachement plus classique au niveau du rap que cet album… J’essaye vraiment de sortir des nouveaux flows. Que ce soit « Capitale de La Rupture », « Gens Pressés », que ce soit « J’ai Osé »… C’est pas un débit classique. Ou du moins le débit naturel auquel tu t’attends avec une instru classique. J’ai essayé de prendre des BPM différents les uns  des autres pour justement avoir une manière de rapper toujours différente sur chaque morceau. Et ça c’est purement hip-hop, d’essayer de ramener des flows, des concepts, des trucs comme ça. J’ai toujours ce même moteur c’est vrai, mais tout en essayant artistiquement d’apporter ce truc nouveau, en tout cas dans la forme.

 En fait, j’ai l’impression que les journalistes commencent à lancer ce cliché « Keny la rappeuse consciente, le rap c’est un vecteur, moi c’est l’altermondialisme »…
Non mais après c’est vrai. Tu vois par exemple, le journaliste avant me demandait « comment tu te projettes dans la musique ? ». Mais je me projette pas dans la musique ! Je vis au jour le jour. Si je penses à l’avenir, si je me projette, je pense pas à la musique. Je pense à collectivement, qu’est ce qu’on va faire. On vit à une époque charnière ou maintenant il faut faire des vrais choix, parce que sinon, y’aura pas 40 générations derrière nous. Donc quand je me projette, c’est plutôt pour essayer de trouver des projets concrets, genre racheter de la terre pour qu’il y ait de l’espace pour construire, des écoles alternatives, des nouvelles choses, des villages… C’est ça ma projection : c’est moi en tant que petite humaine sur une planète, à une époque charnière ou on sait très bien qu’on ne peut pas continuer comme ça, qu’est ce que je peux proposer ? C’est sur ces questions que je me projette, je me demande pas combien de disques je vais vendre. C’est ça qui me prend le plus aux tripes. J’ai une vision assez simple de la vie. Après ça veut pas dire que je néglige la musique et que je la prends de haut. La musique, c’est ma manière de m’exprimer, et c’est quelque chose qui me touche. C’est un truc qui rentre dans le coeur des gens, qui fait parti d’un moment de leur vie, et de pouvoir rentrer dans le coeur des gens de cette manière, ça te donne un pouvoir : celui de les niveler vers le haut, ou les niveler vers le bas. Ça change l’émotion, la musique. Tu peux faire mal à quelqu’un, comme tu peux essayer de le réconforter. Et encore plus quand t’es jeune et paumé. J’ai conscience en cette responsabilité là aussi. J’essaye de faire un peu le bien. Peut-être que j’arrive pas tout le temps mais c’est  mon intention en tout cas.

 

« À 15 ans, j’étais déjà plus en France, j’avais fait quasiment tous les pays d’Europe »

 

Tu voyages beaucoup. C’est quoi, ce désir de voyage, c’est l’éternel ado de « Je me barre » qui a la foi ou…
Déjà, j’ai passé mon enfance à fuguer. J’ai commencé très jeune. C’est pour ça que le juge m’a foutu en foyer et s’est mêlé de ma vie. Avant d’être une jeune qui fait des conneries, j’étais juste une fugueuse. Bon, après, forcément qu’après tu fais des conneries, il faut bien manger, se vêtir et tout… Certainement que mes premières fugues c’était pas par plaisir. Mais j’y ai vite pris goût. Fuguer du foyer, c’était génial ! En plus j’avais la réputation d’être une grosse fugueuse, alors y’avait ce coté défi qui s’ajoutait. Mais surtout j’adorais ça. Me sentir libre, aller ou je veux… Même si y’a des galères, la nuit forcément t’as faim, t’as froid, mais au delà de ça y’avait un truc qui me faisait vibrer de ouf. Je suis allée de plus en plus loin. Et plus j’arrivais à aller loin, plus j’adorais. À partir de mes 15 ans, j’étais déjà plus en France, j’avais déjà fait quasiment tous les pays d’Europe. Et de toute façon à partir de 16 ans j’étais même plus déclarée comme fugueuse tellement tout le monde était habitué. Et je crois que maintenant, quand je pars avec mon sac à dos… bah j’ai l’impression d’avoir la même énergie. Il y a toujours cette première passion de partir en terre inconnue, de pas savoir où tu vas, comment tu vas faire… Et j’adore ça. La débrouille, les rencontres. En plus à chaque fois, je vis un peu ça comme une pèlerinage. Je pars avec le bon Dieu et je suis les signes. J’adore faire ça. Si trois fois dans la même journée on me parle d’un endroit, c’est bon, j’y vais… enfin des trucs à la con en fait. Mais j’adore. Et puis ça fait grandir ma foi de ouf. Ça me reconnecte à moi même, à mon intuition, aux miracles de la vie qui font que ça raconte de la magie.

Ça alimente vraiment ta foi, au premier degré ?
Ouais parce que je saute dans l’inconnu et qu’il y a toujours des hyper belles surprises ! Et inversement, quand il y a des épreuves, j’essaye de comprendre pourquoi, je me pose des questions, j’obtiens des réponses, et ça me fait grandir. On m’a déscolarisée très jeune, du coup, les fugues aussi, ça m’a vachement appris à cultiver l’intuition, la perspicacité, le fait d’être vachement connectée au ressenti. Parce qu’en tant qu’être humain, si il t’arrive un truc hardcore, avant même qu’il arrive, tu le ressens. Il faut savoir s’écouter, c’est primordial. J’ai cultivé ça toute mon adolescence, et à chaque fois que je pars, comme c’est toujours vraiment à l’arrache, genre j’ai envie de bouger je prends un billet pour le lendemain et j’me taille, et bien ça me reconnecte à tout ça. Ça me met dans le risque et l’inconnu. T’es obligée de sentir les trucs. Et puis c’est magique. C’est que des belles surprises.

 

« En France, quelqu’un de bien c’est quelqu’un de cultivé et d’intelligent. Moi c’est pas ma définition. »

 

Tu as dis un truc qui m’a vraiment interpellé : « Je n’ai pas l’impression d’être une intellectuelle, j’ai du mal avec l’intelligence à la française, celle qui n’a pas de cœur. » Avec le gros essor du rap en France en ce moment, j’ai l’impression que subitement, les gens se réveillent et pleins de questions se posent, qu’on se posait pas avant.
Ah bon ? On a toujours pas mal parlé du rap non ?

Pas autant que maintenant quand même. Sur l’intellectualisation des rappeurs notamment, des Oxmo, des Youssoupha. Qu’est ce que tu penses du paysage rap aujourd’hui ? C’est une bonne chose, cette effervescence selon toi, ou tu penses justement qu’elle porte trop cette « intelligence à la française », opportuniste et sans coeur ?
En fait quand je dis ça, c’est que moi on m’a tout de suite collée l’étiquette « rap conscient ». De toute façon, avec l’écriture et la musique j’ai une manière très spontanée de fonctionner. La musique me fait écrire. À l’avance, je peux pas savoir. Si j’essaye de planifier j’y arrive pas de toute façon. C’est très instinctif. Et quand je parle de l’intelligentsia à la française, c’est tu sais… dans chaque pays tu as un prototype de quelqu’un de bien. Tu vas au Maghreb, quelqu’un de bien ça va être quelqu’un d’humble, qui a le sens de l’accueil, du partage, quelqu’un de pieux, etc. En Italie, c’est quelqu’un de sympathique, de populaire, que tout le monde connait quand il rentre dans un bar, en Angleterre ce sera quelqu’un de poli, de discret. En France, quelqu’un de bien c’est quelqu’un de cultivé et d’intelligent. Moi c’est pas ma définition de quelqu’un de bien. Un mec cultivé ça peut aussi être un gros sadique, un stratège qui va avoir plein de petites combines de merde. Je préfère l’intelligence du coeur, je préfère quelqu’un qui a fait un peu moins d’études, de loin.

L’instinct, c’est peut-être ça l’intelligence du coeur.
Bah c’est possible. Je pense qu’il y a quatre intelligences, en rapport avec les quatre éléments : la Terre c’est ton corps physique, l’Eau, c’est ton conscient, l’Air c’est ton cérébral, ton mental, ta boite à outil et le Feu, c’est l’esprit. L’esprit, c’est l’illimité. C’est l’intuition, l’inspiration. Donc oui, il y a l’intelligence cérébrale et il y a l’intelligence du coeur, mais aussi l’intelligence psychologique, de comprendre l’autre, la colère, sa tristesse, tu vas capter si quelqu’un est pas bien alors qu’il sourit. L’intelligence de la terre, c’est la débrouille. Et c’est pas parce que t’as ça que t’as du coeur non plus. Et puis l’intelligence spirituelle est peut-être la plus difficile à définir, c’est cette possibilité de prendre un grand recul sur les choses, d’accepter le plus difficile parce que tu sais que ça fait parti d’un ensemble plus grand, bon, bref. Je crois à ces intelligences ça. Et je vais rebondir sur cette histoire de quatre éléments parce que c’est aussi pour ça que j’ai appelé mon album Tout tourne autour du soleil. Tout tourne autour de l’esprit. Tout ne tourne pas autour du paraître ni de ta paire de basket, mais de ce qu’il y a a l’intérieur de toi. Après, ce titre veut dire beaucoup de choses. « Cinquième Soleil », je parle aussi de la lumière intérieure et c’est mon cinquième disque, et là encore il y a aussi le sens premier : tout ne tourne pas autour du nombril de l’homme, nous aussi on tourne autour du soleil et toute la création n’est pas faite pour nous, contrairement à ce que l’homme moderne incarne. Et puis aussi, l’aspect révolutionnaire. La définition de la révolution, c’est la Terre qui tourne autour du Soleil. C’est pas forcément la révolution avec les armes genre on va décapiter tout le monde. Ça ne sert à rien. Ça ne changera rien puisque nous sommes aussi le reflet de ce monde que l’on veut changer. Donc, ce que j’appelle la révolution totale doit prendre en compte la révolution des consciences, celle qui arrive en soi-même. Avant de critiquer tel dictateur, regarde toi. Est-ce que toi, tu n’es pas un peu dictateur à ta manière, avec tes proches, avec tes pensées ? C’est pas un état la révolution, c’est une éternelle remise en question, pour une éternelle amélioration des choses. C’est pas un truc inerte. L’immobilisme nous tue. Cet éternel mouvement de vie, cette Terre qui tourne autour du Soleil, pour moi, voilà, c’est ça la révolution. C’est pas un état statique, c’est vraiment un mouvement. Et donc tu la vis tous les jours la révolution. Aujourd’hui, de toute façon, c’est pas avec les armes que ça va se résoudre. On a en face de nous une machine de guerre. Si ils veulent ils nous envoient un satellite dessus, leurs armes dépasseront toujours les nôtres ! Le rapport de force, c’est la vraie base de Babylone. Alors il faut construire. Et on assiste en ce moment dans le monde à des mouvements, des jeunes urbains qui quittent les villes, qui retournent à la terre pour construire le village qui leur ressemble, avec une logique d’auto-gestion. Autonomie alimentaire, autonomie énergétique, autonomie médicinale via les plantes et les vieux savoirs ancestraux. Aujourd’hui, on ne le sait pas, mais on a un truc qui s’appelle le Codex Alimentarus, c’est une sorte alliance entre la mafia agro-alimentaire et la mafia pharmaceutique qui vise à interdire plein de trucs naturels. En gros, ils veulent nous empoisonner. Et c’est très grave. Bref, excuse, je me suis un peu écartée.

 

« Certaines personnes PASSENT toute leur vie à coté d’elles-mêmes Et contemplent sur leur lit de mort l’immensité des possibles passés »

Ce qui est important c’est que beaucoup de jeunes construisent sans le système, dans des villes, et toutes ces poches de résistance en train de se construire, si demain elles se mettent en réseau, si demain tout le monde s’y met, le système va tomber. C’est pour ça que je te disais que je voulais racheter de la terre. J’aimerais avoir les moyens de le faire, de financer ce genre de projet. Pour que les gens avec des projets alternatifs puissent pouvoir construire le monde de demain. Pour moi c’est tellement important. Comme il est important de créer. L’humanité créatrice est fondamentale. Si l’humanité est destructrice, c’est car elle n’a pas l’espace de créer. Pour moi c’est la même énergie. Si tu as un coeur plein d’amour et de la haine en face de toi, tu vas transformer ton amour en haine. Ces énergies sont communes, c’est juste qu’elles sont soumises à des écartèlements. Quand tu crées, ça inverse la spirale vers l’épanouissement. Il faut remettre son esprit créatif en marche. Le pouvoir créateur, c’est celui qui peut par exemple te faire construire la maison de tes rêves. Quand je vois des frères et des soeurs qui squattent dans la forêt et qui construisent leurs villages et leurs vêtements, un truc qui leur ressemble, peu importe… c’est kiffant. On a besoin de ça pour se sentir bien. À force d’être aliénés, d’être des moutons, de toujours laisser le pouvoir décisionnaire à des chefs… on a tellement peu confiance en nous. On a coupé notre connexion à nous même. Certaines personnes passent toute leur vie à côté d’-elles-mêmes et contemplent, sur leur lit de mort, l’immensité des possibles passés. Et c’est trop tard. Tout ça à cause du regard des autres. C’est pour ça que j’ai fait un morceau sur l’audace. C’est trop important. Il faut briser tout ça. Il faut donner la possibilité aux choses de changer. Et les trois quarts du temps, ça se passe bien ! Quand tu as l’audace, la vie te réserve tellement de belles surprises ! Si tu ne le fais pas, après en plus c’est source de culpabilité, et de frustrations. Tu te dis « pourquoi j’ai pas fait ça !?! » Et c’est pour ça que cette connexion est importante, et c’est vachement important de NIQUE SA MERE le regard des autres (sic), nique sa mère la société, fais ce qui te fait vibrer, parce que si tu te fais du bien, tu feras du bien au monde. Si tu es épanoui, tu feras le bien autour de toi. Et sinon t’auras juste la haine. Il faut oser, c’est tout. Passer toute sa vie à coté de soi-même… franchement c’est triste. La vie elle passe trop vite. On a trop de choses à faire. On a trop de belles choses en nous qu’on endort. Il faut y aller. Il faut inventer. C’est ce que j’essaye d’insuffler dans ma musique. Tu vois, parfois, je vais avoir des morceaux dénonciateurs, et d’autres plus spirituels. Et parfois je vais avoir des morceaux ou je vais dire « je ». C’est pas pour raconter ma vie. « J’ai osé », c’est parce que j’ai l’audace justement, et que la personne qui va l’écouter, le je, ça va devenir lui. C’était trop important pour que les gens passent à coté. Peut-être dans un moment charnière dans sa vie, peut-être que ce morceau va marcher.

Un peu à la « Je Me Barre » en fait ?
Ouais voilà ! C’est pour donner confiance. Les morceaux à la première personne comme « Fille du Vent », c’est faire kiffer les gens sur la liberté. Qu’ils arrêtent d’avoir peur. Si à un moment l’autre il a envie de prendre son sac et de partir au bout du monde, qu’il n’ait pas peur et qu’il y aille. Et donc voilà, parfois c’est important le « je ». J’essaye d’enlever des peurs.

Toi qui aime tant la route et si peu les contraintes, comment appréhendes tu cette tournée qui arrive ?
C’est sûr qu’en tournée, c’est pas là où tu voyages et où tu vois le plus les villes. Après, j’adore les concerts, c’est ce que je préfère dans la musique avec l’écriture. J’ai commencé par ça, y’a un vrai échange. Et tu peux pas tricher en live. Enfin tu peux, mais ça se voit. On se donne de la force les uns les autres, et puis y’a un truc presque chamanique ! Moi des fois j’arrive super malade, en fièvre, aphone, je sors : j’ai plus rien. Y’a tellement d’énergie, d’amour, d’échange, de partage… Putain je sors, je suis reboostée. Après ouais, le truc qui peut me stresser, c’est genre je veux partir, et je peux pas. Ma vie est programmée pendant un an. Ça reste des belles choses, mais bon, je peux pas partir. J’essaye de pas y penser, parce que c’est un peu flippant. Si je pars, je mets tout le monde dans la merde ! Mais bon, ça va, c’est des belles choses. Là tu vois, mon album il sort en Amérique du Sud, donc au Mexique, au Venezuela, en Colombie, au Brésil, en Argentine, au Chili, et en Europe. Je crois que c’est un peu une première dans le rap français d’ailleurs. Alors je vais aller là bas. J’ai une tournée en France et en Europe mais dès la rentrée 2013, ça va être que l’Amérique du Sud, c’est trop kiffant ! Après, l’international, quand tu chantes en français, c’est un peu frustrant. Ok, ils traduisent… Mais j’ai tellement envie de leur parler… Au Danemark… imagine, je sais pas comment faire ! T’as envie de parler aux gens, et tu peux pas. C’est un peu frustrant, mais ça reste magnifique. À Athènes y’avait genre 20 000 personnes, ça remplace tout. En Grèce, en plus, c’est vraiment l’insurrection. C’est très fort. Tu es face au combat des gens.

Toi tu sais, eux ils savent.
C’est clair qu’il y a un truc au delà de la musique de toute façon. Même en France. Je suis sure que si je n’avais pas fait du rap mais de la chanson, j’aurais exactement le même public. Donc ouais, je pense que c’est au delà de la musique. On se comprend. On partage. C’est beaucoup plus profond que la formule musicale pure. Quand je fais des concerts, c’est pas l’artiste et son public. C’est une famille. On se donne de la force. Et voilà, ce lien est vrai. Des fois les gens me disent « truc de ouf, je pensais être le seul à penser ça, maintenant je sais qu’on est plein », mais moi ça me fait exactement la même chose ! La personne qui me dit ça, mais moi aussi je croyais que j’étais seule ! Et qu’on me comprenait pas, et que j’étais la seule folle. Ce que eux ils ressentent, je le ressens. À l’époque, quand j’ai fait Entre Ciment et Belle Etoile, la plupart des thèmes étaient des thèmes jamais exploités, ou très peu dans la musique. Mais tu vois, à l’époque, j’ai fait le choix d’être sincère en prenant le risque que personne ne me suivent. C’est beau. C’était pas gagné d’avance.

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