Atmosphere plane toujours au-dessus du rap

lundi 2 juin 2014, par Valentin.

Atmosphere plane toujours au-dessus du rap. Au-delà du jeu de mots fastoche, le titre peut paraître un rien pompeux. On pourrait laisser entendre que Slug et Ant dominent le hip-hop sans partage, ce qui n’est pas vraiment le cas. Seulement, les gars du Minnesota développent leur musique dans une bulle complètement hermétique aux sirènes actuelles du genre. Ce n’est pas leur neuvième album sorti en mai, Southsiders, qui va inverser la tendance. Décollage vers les cieux, vers un rap intime et harmonieux.

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Entre la paternité de Slug et  l’arrivée dans le groupe du guitariste Nate Collis plus d’Erick Anderson au clavier, le précédent opus The Family Sign s’enfonçait plus que jamais dans une poésie teinté de mélancolie, à la manière du triste climat de leur région d’origine. Une direction artistique déjà initiée par le cultissime When Life Gives You Lemons You Paint That Shit Gold, leur plus grand succès commercial mais paradoxalement le plus déroutant, initiant leur style posé et résolument introspectif. Suffit de ré-écouter le magnifique « Yesterday » message anachronique de Slug adressé à son père décédé, entre autres morceaux poignants évoqués sur des instrus minimalistes. Une ambiance moins centrée soul (You Can’t Imagine How Much Fun We’re Having en 2005) ou boom-bap comme à l’époque d’Overcast, premier projet et succès du groupe en 1997 avant le départ de Spawn, autre rappeur du collectif.

Evolution vers la maturité d’un groupe qui a la bouteille, foutrement productif au fil des années. Depuis 2000, Atmosphere a sorti un album quasiment tous les ans, tout en se produisant sur un nombre incroyable de scènes à travers les Etats-Unis et le reste du globe. Fortiche.

Atmosphere est un de ces groupes de la fin des années 90 caractérisé par leur singularité. Ils sont les acteurs d’une époque qui a vu émerger un Hip-Hop sans vrai frontières, une musique qui a su se confondre avec des accords folk, du rock’n’roll plus trash et qui a su accompagner les débuts de la musique électronique. Un témoin fidèle de cette époque est assurément la tracklist des jeux vidéos Tony Hawk. Les kids qui ont vécu la sortie des différents opus se rappellent sans doute de certains morceaux qui ont marqué leur expérience vidéoludique. Cela n’est pas si anodin que cela, car peu de productions culturelles peuvent se vanter d’avoir réuni des artistes tels que : The Casualties, Dead Boys, Handsome Boy Modelling School ou The Stooges. Atmosphere est donc véritablement emprunt de ces diverses influences et c’est ce qui lui permet de livrer des albums aussi rafraîchissant que celui dont nous sommes témoins aujourd’hui.

 

Une mise à nue rapologique qui résiste à la tentation d’accabler l’auditeur ou de sombrer dans l’emo-rap très à la mode.

 

Southsiders refroidit autant qu’un canette de ***Insère ta boisson favorite ici*** en pleine canicule. Un sentiment de fraîcheur qui ne rime pas avec banger ou légèreté. Chaque morceau raconte une tranche de vie, évoque les aléas de chacun au travers de nombreuses thématiques, des relations platoniques aux relations charnelles en passant par le rapport à la mort ou à l’art. Une mise à nue rapologique qui résiste à la tentation d’accabler l’auditeur ou de sombrer dans l’emo-rap très à la mode. Ni fatalisme ni optimisme, juste un gros « fuck it » à toutes les inquiétudes et appréhensions du quotidien. « I don’t need my defensivenes. I keep to myself, my family and friendships. I got enough people I could disappoint. If you disagree, I think you missed the point ». Avec toute la démagogie que cela puisse impliquer, c’est un vrai bol d’air dans une industrie qui a tendance à se prendre méchamment le chou.

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Musicalement parlant, on était en droit d’avoir quelques inquiétudes. Dans le passé, Atmosphere a su créer de très belles choses mais s’est également rétamer sur plusieurs productions. De ce côté la, Southsiders est également une réussite. Ant est magistral et parvient à créer une nouvel univers à chaque morceaux. Il s’illustre notamment sur « Mr Interpret », « Southsiders » ou « My Lady Got Two Men ». Quant à Slug, il dépose son flow délicat et adulte, qui nous amène à écouter attentivement chacune de ces histoires. Le duo prouve à nouveau qu’il fonctionne diablement bien et qu’il réussit à conserver un style unique.

Ainsi, on ne peut que saluer cette nouvelle performance. Atmosphere s’inscrit parmi ces cas particuliers du hip-hop, d’ailleurs bien représentés au sein du label Rhymesayers. Mais ce serait trop facile de parler, comme on le fait trop souvent, « d’ovnis ». Avec son statut d’indépendant après plus de 15 ans de carrière, Atmosphere défend une facette particulière du rap, qui ne vit pas dans le passé mais ne pompe pas les sonorités du présent. Dur de redescendre sur la terre ferme.

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