Chronique – A$AP Rocky – Long Live A$AP

mercredi 16 janvier 2013, par Joackim Le Goff.

Le gamin qui valait 3 millions est de retour. Plus d’un an après LiveLoveA$AP – sa prodigieuse mixtapeA$AP Rocky a sorti son premier album solo Long.Live.A$AP ce mardi 15 janvier. Un LP maintes fois repoussé qui à la base fut annoncé pour le 11 septembre, puis pour le 31 octobre 2012. On va pas se mentir, cet événement était sans conteste le plus attendu de ce début d’année 2013 dans la sphère du rap, même si le leak survenu un mois auparavant a un peu tué le suspens. Alors que la west coast a déjà trouvé son nouveau roi, la east coast quant à elle peine à trouver un représentant légitime de la jeune génération. Pour A$AP Rocky, un des sérieux prétendant au titre, c’est l’heure de la confirmation. Petite nouveauté, à ses heures perdues le rappeur se transforme également en producteur, empruntant le pseudonyme de Lord Flacko :  il est impliqué dans 5 tracks du disque.

Long Live A$AP

A l’image d’un Kendrick Lamar – en feat sur deux titres – ayant grandi dans les quartiers malsains de Compton, Rocky a fait son chemin dans un environnement dangereux, Harlem étant en 1991 selon le New York Times « le quartier avec l’un des taux de criminalité les plus élevés de la ville, des ordures éparpillées, des terrains vagues et des immeubles désaffectés ». Et même si depuis le coin a subit de nombreux changements, il n’en reste pas moins que l’enfance n’a pas dû être des plus faciles. C’est ce qui fait l’objet de la première ligne de l’album : « I Thought I’d probably die in prison ». Sur l’excellente introduction Long Live A$AP, le pretty boy fait l’analogie entre rap game et gangstérisme avec son LP comme arme. L’ultime lyric « Strangers make me nervous, who’s that peekin’ in my window with a pistol to my curtains ? » reflète globalement l’inquiétant quotidien d’Harlem, « where they shoot without a purpose ». Surveille tes arrières car tout peux arriver.

C’est dans ce contexte sombre illuminé d’une production bien nasty que l’album commence. Rocky est bouillant, et pour son retour il a convoqué ses fidèles généraux dans l’espoir de frapper un grand coup. Ainsi sont de la partie Clams Casino, A$AP Ty Beats ou encore Soufien3000 – le frenchie. Manque à l’appel un certain SpaceGhostPurrp avec qui il s’est embrouillé pour une histoire de gang. Une stupide affaire de Raider Klan vs A$AP Mob qui ne fait qu’amplifier la rivalité entre les deux rappeurs. D’ailleurs le gamin de Harlem y va de sa petite pique sur « Angels » « Niggas claim they the God of black/Well your name is purple I’m the God of that/Gave you my back nigga’ pardon that ». L’absence de SGP se ressent dans l’impression générale procurée par le disque, pas assez obscur à mon goût. Pour compenser, Rocky a fait appel à deux producteurs à succès – récemment aperçus sur good kid, m.A.A.d. city – issus de la même génération : Hit-Boy et T-Minus. Le premier est à créditer de deux prods, le single » Goldie » en tête de gondole et le hit « 1 Train », superproduction regroupant un agglomérat de rappeur talentueux avec Kendrick Lamar, Danny Brown, Action Bronson, Big K.R.I.T., Joey Bada$$ ou encore Yelawolf. Sample oriental, absence délibérée de refrain et punchlines en folie, ce track apparu le 18 décembre dernier – le même jour que l’album – sur la toile est une réussite. T-Minus quant à lui largue un puissante instru sur « PMW » (All I Really Need), titre évocateur qui résume les différentes lubies de Rocky en compagnie d’un Schoolboy Q toujours à l’affut.

Clams Casino déjà compositeur de près d’un tiers des sons de la mixtape « LiveLoveA$AP » réitère son allégeance en offrant deux beats au rappeur. Si « LVL » peut être considéré comme l’un des meilleurs morceaux – à tel point qu’A$AP conclura en lâchant « Lord Pretty Flacko, bitch, I behead people/Kneel and kiss the ring, all hail the King/Long live A$AP put that on everything » – de par la qualité de la production, il en va différemment pour « Hell ». Accompagné d’une Santigold inutile qui ne se remet toujours pas d’être moins cool que M.I.A., le Harlem Boy explore de nouveaux horizons plus ou moins risqués, ce titre expérimental en est la preuve. Mais il ne s’arrête pas là. Quelle ne fut pas notre surprise lors de la publication de la tracklist d’observer avec impuissance à la participation du Dj Skrillex au projet. C’est le genre de featuring qui te ruine une carrière ça. Pourtant ce track issu d’un son original des Birdy Nam Nam remixé ensuite par Skrillex et Lord Flacko n’est pas si médiocre. Malgré un refrain insupportablement trop aigu et une production électroniquement commerciale, l’intense prouesse technique de Rocky au micro et son flow découpant viennent noyer le poisson de manière plutôt agile. On touche tout de même aux limites de l’expérimental et il serait dangereux pour le MC de s’aventurer plus loin. N’ayant peur de rien, le rappeur tente et réussit brillamment une combinaison pop/rap sur Phoenix à l’aide du génie Brian Burton aka Danger MouseGnarls Barkley, Gorillaz, Broken Bells, Electric Guest, toussa toussa. Le combo est impressionnant, à tel point qu’A$AP se livre de manière très personnelle en évoquant le thème du suicide. La polyvalence d’A$AP Rocky est à l’image de cette excellente production. Le gamin est capable de rapper sur tout et n’importe quoi. Un atout qu’on lui attribuait déjà lorsqu’il a signé son deal de 3 millions chez Sony, RCA Record et Polo Grounds Music.

« On attendait une confirmation et au final on repart avec quelques questions. »

Alors A$AP, on lui souhaite longue vie ou pas ? Le problème de cet album, c’est qu’il n’infirme pas tous nos doutes. On attendait une confirmation et au final on repart avec quelques questions. D’une part car même si Long.Live.A$AP est un LP truffé de bons sons – « Ghetto Symphony », « Long Live A$AP », « 1 Train », « LVL », « Phoenix », … – il reste inconstant sur certains aspects, notamment celui des invités où les présences de Santigold et de Skrillex sont plus que litigieuses. Certains tracks dont l’abstrait « Jodye » ou le single en carton « Fuckin problems » sont carrément à jeter et à oublier d’urgence. En s’interdisant une mainstreamisation dans les règles – chose qu’on applaudit dans l’idée – le pretty boy s’aventure sur des sentiers expérimentaux parfois franchement biscornus. D’autre part il manque la surprise. La claque. Le truc qui justifie toute l’attente autour du projet et qui manque au rendu final. De là à cracher dans la soupe ? Faut pas rêver, même si il est imparfait cet album s’écoute et s’apprécie avec plaisir. Il faut reconnaître que Rocky a un talent énorme de par sa polyvalence et son flow incisif. Et même si il est encore trop tôt pour lui attribuer le titre de roi de New-York, A$AP Rocky est l’un des porte-drapeaux d’une nouvelle génération que beaucoup apprécient.

Chroniqué par Sylvain Caillé / Co rédigé avec Antoine Laurent

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