[Chronique] Disiz – Lucide

jeudi 5 avril 2012, par SURL.

« Un meurtrier retourne toujours sur la scène de son crime. » Disiz.

Le rappeur d’Evry saura mieux que nous expliquer son retour dans le rap. Ou du moins c’est un peu ce qu’est Lucide : une mise au point. Oubliez la peste, Sérigne Mbaye Gueye revient plus mature et plus vénère que jamais. Une série de Good Friday à la Kanye West et quelques clips plus tard sort donc Lucide, EP de 8 titres, trois ans après Disiz The End. Adieu Peter Punk. Disiz referme la parenthèse et revient à ses premiers amours.

Promotion oblige, c’est le titre « Toussa Toussa » qui lance réellement Lucide. L’instrumentale est chiadée, le flow de Disiz intacte, son message plus profond. Une recette que le rappeur connait bien et qui lui réussie. Pas de prise de risque, mais l’ancienne peste avait prévenu, elle revient prendre sa place. Et ça balance, ça dénonce, ça kick et on aime. Tout y passe, de la vénalité des rappeurs actuels à leur superficialité, Disiz assume ses propos et ses choix. Le rap est sur les genoux. Le décor est planté.

 

[highlight] »Aujourd’hui je reviens plus fort, grâce à ce qui m’est arrivé avant ».[/highlight]

 

Sur « Moïse », le emcee continue son essai critique sur le rap français: les rappeurs parlent de capitaux, on a tous capitulé. Choisir son camp, c’est la revendication de Disiz. Mais pourquoi ? Pour cela il faut revenir en arrière et se rappeler pourquoi Disiz a déserté le rap game français. Il l’explique d’ailleurs drôlement bien dans une interview de So Foot : « En 2007, quand je commence à enregistrer l’album « Disiz The End », qui est sorti un an plus tard, le climat était délétère et violent, on était encore sous l’influence de 50 Cent ». Le syndrome Get Rich Or Die Tryin l’a gavé et il s’en est allé, voilà tout.

Son come-back était attendu, les fans de la première heure impatients. Disiz se lâche d’ailleurs complètement sur le morceau « J’ai La Haine », les séquences de guitare et les samples robotisés s’enchainent parfaitement avec les couplets du rappeur: « j’ai pas demandé à naître, c’est simple et direct, allez tous vous faire mettre ». La phrase suffit à comprendre le fond du titre. Disiz pioche dans ses expériences passées pour faire un morceau expérimental qui frôle la perfection avec un aspect brouillon qui colle bien à la rage du bonhomme.

Tes rimes sont trop complexes pense à ton public, « Sérigne tu t’entètes à quoi bon? Fais toi du fric ! »  Toujours sur la même longueur d’ondes, Disiz déballe son flow sur « Mon Amour », un morceau aux couplets engagés comme toujours et au refrain entrainant. L’instru bouge, le titre est réussi. Mais comment expliquer ce retour sur le devant de la scène ? S’essayant également à la littérature avec son roman-fiction René précédé du bouquin Les derniers de la rue Ponty, le petit mec d’Evry a bien grandi. Peut-on lui en vouloir de s’aventurer dans plusieurs domaines ?

J’étais plutôt dans l’idée de répondre positivement jusqu’à ce que je comprenne pourquoi cette envie d’aller voir ailleurs s’est faite pressente chez le rappeur. « Aujourd’hui je reviens plus fort, grâce à ce qui m’est arrivé avant ». Disiz évoque, toujours dans So Foot, des problèmes d’argent, des problèmes personnels mais surtout cette émission, élément déclencheur d’un ras le bol total. 12 Septembre 2009, On N’est Pas Couché sur France 2. La peste se défend comme elle peut face aux deux fauves que sont Naulleau et Zemmour. Un clash qui restera dans les archives de l’INA a coup sûr, mais qui a profondément marqué le rappeur.

Ces problèmes il les évoque dans le morceau « Un Frigo, un Coeur et des Couilles ». « La dernière fois, mon fils rentre de l’école, me dit : papa, reprend le rap et lâche le rock’n’roll », c’est cet appel qui amène Disiz a reprendre le mic en apprenant de son passé. Son envie de kicker est plus forte que le reste, une force qui fait de Lucide un EP réussi et plein de sincérité.

Parce que oui, je ne m’étalerai pas sur les trois autres morceaux de l’album. « Bête de bombe V «  a évidemment un goût de déjà vu mais c’est surtout ces deux titres avec 1995 qui me déçoivent. Non pas qu’ils soient mauvais, mais je milite pour un Disiz en solo. Tandis que d’autres le taxent d’opportuniste, surfer sur la vague 1995 est avant tout pour Disiz une source de satisfaction personnelle: « Je vais passer pour prétentieux et arrogant, mais tant pis. Je pense que si aujourd’hui, je peux poser mon flow avec la nouvelle génération, sans passer pour un ancien, c’est que je sais rapper. »

Ca oui, Disiz sait rapper. Mais qui en aurait douté ?

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