[Chronique] Orelsan – Le Chant Des Sirènes

samedi 1 octobre 2011, par Sylvain Caillé.

Un deuxième album ? Orelsan nous avait pourtant promis qu’il n’y en aurait qu’un seul. Mais sur Le Chant Des Sirènes, le jeune MC de Caen n’est plus le même artiste. Partagé entre son double maléfique Raelsan et lui-même, il vogue dans un rap futuriste doppé par des productions parfois abstraites. Le changement est radical, les textes sont réfléchis et l’immaturité qui pouvait lui faire défaut s’est volatilisée. Ne vous attendez pas à une copie du premier album, il n’en est rien.

« Raelsan« : ce nouveau pseudonyme censé symboliser le mal brûlant à l’intérieur du rappeur. C’est le premier morceau du LP et c’est tout simplement le meilleur. Un beat à des années lumières de ce que l’on peut écouter aujourd’hui dans le rap français, des punchlines violentes du genre « Je sais que ta petite copine aime pas mes textes/Mais si j’écoutais toutes les juments je ferais du rap équestre« , du dynamisme, un petit violon pour une ambiance sinistrement monstrueuse et une fin explosive. Le clip qui va avec est également très bien réalisé. Une grosse claque, un retour en fanfare qui introduit parfaitement le CD. Au fil de l’album, on ressent une réelle évolution du personnage. Orelsan est une personne ordinaire qui vit, expérimente et change. Au final on retrouve des textes bien moins agressifs et des thèmes bien plus personnels. Le MC passe plus de temps à parler de lui-même, abandonnant au passage le buzz qu’il avait crée en blâmant tout et rien lors de son premier LP. Un seul track est réellement dédié à toutes les critiques de la société: « Suicide Social« . Une orgie de stéréotypes tous cassés les uns à la suite des autres. Des lyrics d’une puissance inouïe qui expriment le mal-être d’un artiste se voulant porte-parole d’un peuple à la dérive. Tout au long du titre, Orel fait monter la pression. On passe d’un début calme à une fin apocalyptique. L’ultime coup de feu nous fait brusquement sortir de cet enchaînement de punchlines. Impressionnant.

Le petit clin d’oeil rétro/futur réalisé avec les deux morceaux « 1990 » et « 2010 » est très intéressant. Pour la première chanson, cela ressemble plus à une pseudo-caricature du rap old school mais réalisé de manière brillante. Le MC remonte le temps pour nous faire replonger dans les années 90, époque d’un rap presque sans business. A l’inverse, « 2010 » se veut bien plus futuriste que ce soit au niveau de la prod, des paroles ou même du flow. Dans le mille. On savoure l’habileté au micro du bonhomme. J’ai également apprécié le titre « Mauvaise Idée » sur lequel Orelsan rappe sur un son type Dubstep. Assez novateur en somme et très amusant. Le concept nous donne le sourire: « T’es petit tu te réveilles en pleine nuit/Tu rentres dans la chambre de tes parents sans frapper: mauvaise idée » « Tu crois faire des rêves prémonitoires/Tu paries la moitié de ton salaire que Caen va gagner: mauvaise idée« . Mon coup de coeur sur cet album?  La chanson « Ils Sont Cools » avec le seul featuring du LP j’ai nommé Gringe. Un bon délire entre potes servi sur une production très entraînante avec des paroles explosives.

On retrouve du bon, mais aussi du moins bon. En effet le problème de cet album, c’est qu’il est un peu inconstant. La maturité glanée au fil des années plombe certains morceaux. Ils sont plus mous et les textes en perdent leurs saveurs. C’est vraiment dommage. Je pense à des titres comme « Si Seul« , « La Morale » ou encore « La Terre Est Ronde« . On ne reconnait presque plus l’artiste de 2009 qui nous avait charmé par ses clashs et ses lyrics culottés. C’est à cet instant précis que l’on comprends vraiment l’évolution du rappeur. A côté de cela, je n’ai vraiment pas accroché à la chanson « Plus Rien Ne M’étonne » malgré un clip assez marrant. La production est un cran en dessous du reste, limite enfantine.

Album en demi-teinte alors ? Non, au vu du contexte, c’est impossible de dire cela. Ce LP est réussi, mais l’essence de Perdu d’avance n’est plus trop présente. Il faut savoir accepter et respecter l’évolution de l’artiste. Je ne suis pas déçu, Orelsan m’a fait découvrir une nouvelle partie de sa personnalité. Une partie plus intime avec des thèmes évoquant sa vie quotidienne (journée et soirée). Le tout sur des prods digitales et futuristes voir électro, mais toujours avec une touche d’humour au niveau des textes.  Le MC n’est plus le même, pour le meilleur ou pour le pire ? A vous de juger maintenant …

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