Rick Ross – God Forgives, I Don’t

lundi 6 août 2012, par Joackim Le Goff.

Chaque jour, le responsable marque chez Maybach doit commencer à se demander si l’entreprise automobile, dont il gère l’image, ne se fait pas détrousser son influence par un « vulgaire » rappeur / entrepreneur accompagné de sa clique d’égos sur pattes. En 2012, aucune contestation n’est possible : la mappemonde du rap  est tatouée du sceau MMG. Les plaques tectoniques bougent au rythme des bourrelets de Rick Ross. L’époque « Officer Ricky » est révolue, plus personne n’ose contester la puissance acquise par le « Boss » autoproclamé.

MMG ? Monopolistique, Médiatique, Grandiloquent. Pour retrouver une domination si imposante d’un crew de rap, il faut remonter à l’époque du G-Unit. C’est dit : Rick Ross est le 50 Cent des années 2010. Ouais, ok, quelques différences les distinguent : l’un est tout en muscle, l’autre tout en graisse ; l’un a pris des balles, l’autre donné des coups de matraques dans son costume de maton. Surtout, Fiddy n’a jamais proposé meilleur album que son premier LP GRODT, tandis que Rozay s’améliore à chaque essai. Teflon Don marquait l’apogée de sa carrière. God forgives, I don’t, s’inscrit-il encore dans cette logique de progression ? C’est pas dit …

Au moment d’écrire sur ce 5e album, je me suis confronté à un problème un peu idiot mais tout à fait révélateur de ce que renferme ce projet : j’écrivais la même chose que dans la chronique de sa mixtape Rich Forever, déjà très semblable dans l’esprit à Teflon Don. L’analogie que j’avais tracé avec Jerry Bruckheimer fonctionne toujours à haute dose. « No surprise, no problem » : le Biggie from Miami nous sert ses sujets favoris, on s’y attendais : trafic, luxe, femmes, éloge personnelle, drogue et références bibliques … Le topo habituel des films de gangsters. Même lorsqu’il s’attaque à la géographie dans « Amsterdam », forcément c’est axé sur le Red Light District. Idem du côté du « Diced Pineapples » : chaque matin, Rozay s’enfilait de l’ananas sur les conseils de son médecin suite à son attaque cardiaque. Un sujet qui aurait pu amener un morceau plus personnel, sauf que le MC a préféré ramener ce fruit à ses proies féminines, une autre sorte de consommation.

Bien sûr, les mêmes acteurs reviennent devant la caméra : Wale, Drake, Cool & Dre, John Legend, Meek Mill, JUSTICE League, Stalley, quoique pas de Kanye cette fois. L’ambiance sonore ne déroge non plus à sa règle habituelle : une moitié jazzy très « Maybach Music » qui s’écoute au Caesars Palace en portant un smoking blanc Tom Ford; une autre récupérée dans les rues d’Atlanta, des boucles fracassées à la manière de Lex Luger. Les tracks laid-back ambiance cabaret laissent d’ailleurs les meilleurs souvenirs. « 3 Kingz » n’est pas la bombe de la décennie, mais suffisamment portée par son line-up 5 étoiles et l’instru de Jake One. Par contre, Dre ne peut plus rapper un couplet sans en placer une sur ses casques, tandis que Jay-Z risque de lâcher une dédicace à sa fille dans chacun de ses 250 prochains couplets. Le producteur Reefa sort son meilleur taff depuis « One Blood » sur le terrible « Ice Cold », « Ashamed » devrait intégrer toutes les bandes-son des prochains GTA : Ricky Ross récupère toujours les meilleurs beats, ou en tout cas les choisis avec autant de soin que ses montres Audemars. Mais la masterpierce dure en plus 8 minutes 20, en grande partie grâce à la présence du meilleur guest possible sur un album : Andre 3000 défonce la baraque sur « Sixteen », se permettant même une anaphore en « Before » digne du « Moi Président » de François H. « How’s he God if he lets Lucifer let loose on us? » 16 bars ne suffisent pas pour résumer la vie de deux personnages hollywoodiens.

Un quasi sans-faute, si un bon tiers de cet album n’était pas inodore et incolore. En voulant à tout prix surfer sur la vague « B.M.F. » qui a déjà plusieurs années derrière elle, Rick Ross plonge ce LP dans le vide : « 911 », « So Sophisticated », ou un « Hold Me Back » complètement calqué sur « Actin Up ». A force de vouloir conserver une crédibilité street, alors que tout son public s’en tape sinon on parlerait encore de ses anciens « boulots », le roi de la poudre blanche nous a provoqué une overdose ce type de sons. Dommage, ça résonne fort mais un peu dans le vide.

Heureusement, n’étant pas aussi impartial que Rozay, je pardonnerai ce résultat en partie décevant sans mal, en espérant qu’il se renouvelle un peu la prochaine fois. Ou que, sur un coup de tête, il parte dans un trip Michael Bublé en balançant un produit intégralement soutenu par un orchestre à en faire rougir Sinatra, puis parte en tournée affublé d’un noeud pap.

 

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