Au cinéma, le rappeur Edgar Sekloka revisite Charlie Chaplin

mercredi 9 novembre 2016, par Etienne Anthem. .

Décidément, les ex-membres de Milk Coffee & Sugar savent explorer de nouveaux territoires, tout en restant fidèles à leur douce poésie. Alors que Gaël Faye, fraîchement auréolé du prix du premier roman, joue les premiers rôles littéraires, Edgar Sekloka – connu aussi sous le nom de Suga – continue lui aussi son chemin, au service d’un nouveau projet iconoclaste, dans lequel sa musique va à la rencontre de l’oeuvre de Charlie Chaplin. Ça s’appelle le cycle Ciné-Jam, et c’est programmé au ciné MK2 de Paris Gambetta, jusqu’au mois de juin.

Rien de si surprenant pour les auditeurs de l’album de Milk Coffee & Sugar, sorti en 2010, qui connaissent l’aisance des deux emcees à développer un discours original et anticonformiste. Qui d’autre a su démarrer un morceau par de puissantes phrases de Pierre Bourdieu (extraites du brillant documentaire de Pierre Carles La sociologie est un sport de combat), tout en répondant habilement à la phase de Kery James : « Je veux pas brûler des voitures, je veux en construire et puis en vendre. » C’était le morceau Alien, fait de rimes capables de porter un peu plus loin la critique sociale, et de politiser le débat au-delà des postures de self made-man.

Intrigué par ce concept de Ciné-Jam, je me suis donc rendu jeudi dernier au ciné MK2 de Paris Gambetta, où un cycle de sept séances a été programmé. Entouré de Simon Chesnais à la guitare et de Xavier Hamon aux percussions, Edgar reçoit à chaque séance un nouvel artiste pour l’accompagner. Après Melissa Laveaux lors de la première, ce fut FM Laeti lors de cette seconde séance. Une chanteuse à la chaude voix aux accents soul, parfait complément au flow d’Edgar, qui mue facilement son rap en chant, capable de jouer sur les deux tableaux. Ce soir là, ce sont deux films de Charlie Chaplin qui se sont succédés : Charlot et le chronomètre (1914) puis Pour gagner sa vie (1920). Deux films d’une dizaine de minutes, datant des débuts de la carrière de Chaplin, aux prémisses de la création du personnage de Charlot. Aux pianos et violons des versions originales, se substitue le groove de Sekloka et de son invitée. Faite de titres composés spécialement pour  l’occasion, en adéquation avec ce qui se passe à l’écran, la sauce concoctée par Sekloka et FM Laeti prend, et donne un sérieux coup de jeune à Charlot, soulignant la dimension intemporelle de son comique burlesque. Après les films, le quartet prolonge le plaisir, en jouant encore quelques morceaux issus du répertoire des deux artistes, face à un public qui finit debout, visiblement conquis.

Si ce projet bousculera peut-être les puristes de part et d’autre , il crée des passerelles que bien des gens n’auraient pas soupçonné, et fait plus voyager le rap que certains obsédés de la tendance outre-atlantique. Allez-y, les yeux et les oreilles grands ouverts. Vous retrouverez tous les renseignements ici. Au passage, le clip « Croire en nous » de Milk Coffee & Sugar vient également de sortir.

Article recommandés

2017, une année rap en 17 actes
2017 touche à sa fin. Que retenir ? Qu’a-t-on le droit d’oublier ? Chaque fin d’année, c’est toujours la même histoire. Tout le monde se demande quels épisodes des 365…
Le rap, eldorado des nouvelles techniques de pub
Rap et publicité, rien de bien nouveau sous les lumières artificielles. Les personnalités du mouvement hip-hop ont fait leur entrée dans l’industrie publicitaire dès que celle-ci a commencé à flairer…

les plus populaires