ZI, rappeur franco-tunisien à la sauce kainri

dimanche 4 août 2013, par Valentin.

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais les frenchies qui rappent en anglais sont tous emprunts d’une marque particulière, d’une emprunte singulière qui les détache des autres productions, qu’elles soient anglaises ou américaines. ZI a.k.a ZI the warrior n’échappe pas à la règle et développe un flow posé qui laisse sa trace à chaque écoute.

Né d’une mère américaine et d’un père tunisien, Zi de son prénom Zaki Abdelwahed, a pour l’instant peu fait parler de lui malgré une discographie déjà bien étoffée. Pourtant, c’est le genre d’artiste qui provoque l’adhésion de chaque personne ayant déjà écouté sa musique. Ses rimes m’ont convaincu de vous partager quelques infos sur cet homme et ses créations, façon « Positive Thinking ».

Depuis septembre 2011, le MC a sorti 5 mixtapes. Une hyperactivité qui joue des tours, car oui j’aimerais pouvoir taper un résumé concret et concis sur l’oeuvre, histoire que le lecteur puisse se dire «Oui, ce mec là sait de quoi il parle, il maîtrise la critique musicale, on devrait ériger une statue à son effigie…». Mais non, je vais encore être obligé de m’égarer, faire une croix sur une reproduction de ma silhouette en marbre. 

Troublant, car ses cassettes s’illustrent par un éclectisme absolument pas simulé. Difficile de poser un style ou une étiquette précise sur l’ensemble des mixtapes : on passe de la côte est à la côte ouest, du soul au funk, du chill au conscient. Malgré ces esquisses des portraits de l’Amérique hip-hop, Zi parvient à conserver avec ardeur sa «French Touch». Si son métissage est riche, sa ville c’est Paris.

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Plusieurs sentiments se chevauchent lorsque l’on se branche sur les projets de Mister ZI. Le truc qui fait vraiment plaisir, c’est que ce n’est ni un français essayant grossièrement de se raccrocher aux productions américaines, ni un ricain qui tente de faire son beurre en servant un rap anglophone approximatif. C’est un rap qui est surtout efficace, appuyé par des instrumentales fonctionnant terriblement bien. 
Alors afin de connaitre les influences et aspirations du warrior, le mieux était de lui poser directement nos questions.

SURL :  Tu peux te présenter rapidement ?
ZI : Donc ZI, rappeur français car je suis né ici, mais je rappe en anglais car je suis d’origine américaine. Cela fait maintenant 12 ans que je rappe et 3 ans que je rappe sérieusement, pas que je n’étais pas sérieux auparavant mais j’avais la priorité des études histoire d’avoir un plan B. Donc après mes études, j’ai commencé mon premier projet doucement, et les choses ont commencés a se mettre en place.

// On peut voir que tu es un artiste très prolifique, tu vois le hip hop plus comme une envie ou un besoin ?
En fait surtout par rapport a l’ère dans laquelle on vie, j’essaye de m’adapter. Je fais pas de concerts pour le moment, j’ai pas une masse d’actualité pour l’instant. Donc ma façon de créer cette actualité c’était de ne pas me limiter aux sorties de mes gros projets et de sortir des sons entre temps. J’ai eu une bonne période de transition après l’aboutissement de mon premier projet, où on m’a collé cette étiquette un peu «old school», qui n’était pas forcément recherchée. Donc après avoir formulé plusieurs sons dans la même veine, j’ai essayé de changer mon approche pour le second projet, mais du coup certains sons ne collaient plus a cette nouvelle direction. Alors plutôt que de les laisser passer à la trappe, car ce sont quand même des sons que j’aime bien, je me suis dit que tout les deux mois j’allais sortir un «4 titres», même si c’est vrai que là je me suis un peu essoufflé; ça fait 6 mois que je n’ai rien sorti, mais dans l’idéal j’aime sortir des sons très fréquemment si possible, car on est dans une ère ou c’est facile de faire ça et puis c’est cool pour les gens qui soutiennent d’avoir régulièrement des sons, après il faut savoir doser, c’est un équilibre.

// On t’a collé l’étiquette « Old School », et c’est en effet assez clair quand on écoute ton premier album, tu n’as vraiment pas voulu opérer un genre de retour sources ?
Ce n’est surtout pas quelque chose que je renie car j’adore ces sons, c’est aussi ce que j’écoute. Pour le premier album je me suis pas vraiment posé de questions, quand je travaillais avec mon ancien producteur, c’est lui qui me passait des instrus, je posais dessus, et il me disait « ça ça le fait, ça ça le fait pas » …. Après on s’est séparé car ça avançait pas aussi vite que je voulais, j’ai donc commencé à voler de mes propres ailes et choisi mes propres instrus, donc je me suis pas pris la tête, j’ai pris les instrus que j’écoutais, que j’aimais. Donc j’ai fait mon projet, je l’ai sorti et on m’a directement collé cette étiquette, c’est pas que je voulais m’écarter à tout prix de cela mais les mecs que l’on aime encore écouté étaient à l’avant garde de leur époque, c’est pour cela qu’ils ont marqués leur temps. Donc si je veux laisser mon empreinte, je dois me détacher un minimum de l’aspect nostalgique. Après ça se fait, des mecs comme 1995 construisent un public et une carrière la dessus. Plus tard je pense que ça se multipliera, comme des gens font de la funk à l’heure actuelle alors que c’est pas vraiment tendance. Le hip-hop est encore jeune. Kendrick Lamar a par exemple trouvé le bon compromis entre ce coté «source», qui est à la fois une source musicale et une source en terme de valeur ou d’éthique. Dans les années 90, il y avait ce type d’instrus mais c’était aussi avec leur message et leur authenticité, c’était dans une démarche peut être un peu moins commerciale. Même si le commercial en tant que tel ne me dérange pas, si un jour je fais beaucoup d’argent grâce au rap, je ne serai pas pour autant un vendu. Les gens ont tendance à systématiser, c’est aussi comme ça que tu peux continuer à faire ce que tu aimes.

[highlight] »Le problème avec beaucoup de gens c’est que dès qu’ils ont apprécié ce rap engagé, ils ont voulu le reproduire, mais sans avoir le vécu. »[/highlight]

 

// On peut percevoir une multitude de styles dans ta musique, quels sont tes principales influences ?
A l’ancienne Tupac clairement … Tupac c’est ma première inspiration. Après le gars que j’ai commencé à étudier à mes débuts c’est Eminem, c’est une putain de force. Pour moi c’était le Rakim de notre temps, c’était un niveau technique de dingue et j’ai commencé à rapper en essayant d’être aussi fort qu’Eminem, et du coup j’en ai déchiré des feuilles … Mais oui Tupac m’a clairement scotché dès le début, surtout l’impact qu’il a pu avoir sur les gens. De voir qu’un gars 15 ans après sa mort il vend encore des CD, il influence à l’autre bout du monde, ça m’a vraiment choqué. C’est aussi pour ça que j’ai voulu faire de la musique, cette relation aux gens. Beaucoup d’artistes le font pour eux, pour se soigner … Moi j’ai jamais eu cette relation à la musique, ça a toujours été dans le but de toucher les gens d’une manière ou d’une autre. Après récemment Jay-Z, au niveau de la carrière. J’ai un respect immense pour le niveau qu’il a atteint, et même si il est immensément riche et tout ça, il est en quelque sorte resté le même. T’as pas l’impression qu’il s’est un jour perdu dans sa musique, les sujets ont changés, il est passé de la drogue à la mode mais il a jamais fait du Dirty quand c’était la mode du Dirty, il a jamais fait de l’autotune à l’heure de l’autotune. Et je crois que c’est en restant fidèle à lui même qu’il a la place qu’il occupe aujourd’hui. Dans les nouveaux, c’est aussi Kendrick Lamar qui a réussi ce que toute une génération essaye de faire, rendre hommage aux légendes du Hip-Hop tout en se projetant dans le futur. J’ai beaucoup aimé J-Cole également, maintenant un peu moins car je crois qu’il n’a pas relevé le défi de ce que l’on attendait de lui.

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// La tunisie étant un des berceaux du printemps arabe, tu as également eu envie d’en parler dans tes textes ?
C’est marrant que tu me demande ça car au moment du printemps arabe, pas mal de gens autour de moi et même des gens de ma famille m’ont demandé ça. Ma réponse c’était que je voulais pas en parler car j’essaie d’être le plus honnête possible dans ma musique, je veux que l’on retienne l’authenticité dans ma musique. Et le printemps arabe je l’ai pas vécu, pas directement. J’ai pu percevoir les événements par le biais des gens ou de la télévision, et je crois que c’est la pire des choses que de se baser la dessus pour apporter sa vision. Je n’ai pas vécu directement la dictature tunisienne, j’allais voir ma famille quand j’étais plus jeune mais on calculait pas tout ça. Quand tu vas en Tunisie tu ne perçois pas directement la dictature, les gens n’ont pas de foulards, t’as l’impression que les gens sont libres. Donc j’avais juste pas assez de vécu pour en parler. Et je ne voulais pas en parler non plus car je voulais pas me servir de tout ça et qu’après les gens applaudissent en disant « tu as fait une chanson pour nous ».

// Tu avais peur de ne pas avoir assez de recul ?
Oui voila, tout simplement j’étais mal placé pour parler du sujet. Pour extrapoler un peu, ça en revient un peu à la problématique du rap conscient, car j’ai eu une grosse période, notamment sous l’influence de Tupac, où j’ai voulu faire du rap conscient, j’ai voulu parler des problèmes de société. Mais j’ai réalisé que des mecs comme Tupac ou NWA ne font pas du rap conscient, ils relatent leur vie, ils étaient oppressés, ils en avaient marre et voulaient s’exprimer dans ce sens. Et même si après ils proposaient des idéaux ou des solutions ça partait toujours du vécu. Le problème avec beaucoup de gens c’est que dès qu’ils ont apprécié ce rap engagé, ils ont voulu le reproduire, mais cela sans avoir le vécu. Du coup c’est comme chercher la merde, chercher les trucs qui vont pas alors que si ça se trouve tu as une vie très bien dans un quartier sympa, juste pour reproduire ce rap que tu as aimé. C’est ce que j’ai pas envie de faire et ce que j’étais peut-être en train de faire. Maintenant si un jour je vais faire un concert en Tunisie, ou si je reste là-bas, et que je constate tout ça, t’inquiètes que j’en parlerai.

 

[highlight] »Tu vois des gars comme Mac Miller ou 1995 renvoient un image un peu « classe moyenne qui rap » et certaines personnes ont du mal avec ça, mais moi je trouve ça kiffant. »[/highlight]

 

 

// Il y a un truc en particulier qui te prend la tête dans la sphère musicale actuelle ?
Je dirais pas «me prend la tête» car je pense être quelqu’un d’assez ouvert et d’assez compréhensif dans le sens où si quelques chose me plait pas je vais pas aller en guerre contre lui. Ce que j’aime dans l’époque c’est que c’est ouvert à tout le monde. Tu vois des gars comme Mac Miller ou 1995 renvoient un image un peu «classe moyenne qui rap» et certaines personnes ont du mal avec ça, mais moi je trouve ça kiffant. Le fait que tu aies toutes les classes sociales représentées, toutes les couleurs de peau, c’est que du positif. Après en terme de musicalité, ça peut me faire chier d’entendre toujours la même chose à la radio, moi le seul truc qui me ferait plaisir c’est plus d’équilibre : si demain à la radio il n’y avait que du «hip-hop puriste», je pense que ça ferait chier tout autant les gens, c’est le manque d’équilibre qui fait chier, c’est pas forcément le commercial. Il y a des moments où tu as besoin de profondeur et de sérieux et d’autres où tu t’en fou et tu veux juste des sons légers. Il en faut pour tout le monde pour toutes les ambiances. Tu vois, Internet c’est chiant car il y a 30 000 personnes donc c’est dur de sortir du lot mais ce serait con de s’en plaindre car c’est une opportunité de ouf, tu n’as besoin de personne pour t’en sortir. Si demain tu as un public, tu peux te produire, tu n’as plus besoin de quoi que ce soit. Tout ce qui est négatif a son positif, donc à l’heure actuelle rien ne me fait chier vraiment.

// Tu peux nous parler un peu de tes projets à venir ?
Mon but à présent est de trouver un label afin de continuer à faire ce que j’aime, j’espère prochainement pouvoir amener un concept qui soit en mesure de casser des briques tout de suite. Le concept est donc déjà formulé pour le second album, il va falloir désormais faire coller les sons et évidemment j’espère que j’aurais un maximum de soutien dans cette création.

Pour plus d’infos : www.zi-music.com

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