La Gale, celle qui démange le rap français

dimanche 11 août 2013, par Antoine Laurent.

En mai dernier, Karine a.k.a La Gale était de passage à Toulouse dans la cadre de sa tournée à travers l’Europe. Chic, ça faisait pas mal de temps qu’on essayait de l’avoir en interview tellement on avait été intrigué par son album. Faut dire qu’une rappeuse suisse au message punk, ça vous façonne un personnage. A côté de ça, c’est elle qui était devant la caméra de La Rumeur pour le film « De l’Encre », en tant qu’actrice principale. Une artiste complexe et mystérieuse, discrète sur les Internets et extravertie un micro devant la bouche. En plus d’une lourde performance live dans la petite salle du Connexion Café – depuis L’Original, on la savait douée -, elle nous a reçu quelques instant avant de monter sur scène. Dans sa loge, entourée de ses potes, elle a répondu à nos questions concoctées, as usual, avec Le Vrai Rap Français.

SURL : J’ai lu un article sur toi dans L’Orient Le Jour qui titrait : « Ces jeunes libanais de la diaspora qui font parler d’eux ». Tu peux nous parler un peu de toi, de ton parcours avant le rap ? La Suisse, Le Liban, tes origines ?
La Gale : Moi j’ai grandi à la campagne, en Suisse, pendant à peu près une vingtaine d’année avant de bouger en ville. Je ne suis pas née au Liban hein, j’ai pas un parcours de vie libanais… Pour te le dire clairement, j’ai jamais fait plus d’un mois sur place, tu vois.

Ouais, j’ai lu que tu y étais allée quelques fois.
J’y suis allée une quinzaine de fois, et j’ai joué là bas trois ou quatre fois. Sinon ma vie ben voilà rien à dire de spécial, avant le peura je faisais d’autres trucs. Je fais vraiment de la zik depuis à peu près une quinzaine d’années.

En parlant du Liban, il me semble que tu as déjà collaboré avec des artistes locaux, notamment une certaine Malikah Beiruth. Tu peux nous en dire plus sur ces collaborations ?
Ben écoute, ça s’est fait au fur et à mesure, quand tu te retrouves sur place et que t’as envie de chercher des scènes qui se rapprochent de ce à quoi tu te réfères. Et je dirais qu’on s’est assez bien trouvé.

C’est de cette époque que date la phase « Je vais me marier pour les papiers parce que je comprends pas les frontières, si quelqu’un pouvait m’expliquer pourquoi on a dessiné des lignes par terre » ?
Ca date d’avant ça. C’est pas une chanson qui a été écrite par moi, ça a été co-écrit. C’est pour ça qu’on ne la fait plus.

J’ai fait des recherches et tu sais qu’il est très dur de trouver quoi que ce soit que tu aies pu faire avant 2008, notamment cette chanson là, « J’vais me marier », que tu as semblé vouloir effacer…
(elle nous coupe) Si c’est difficile de trouver des trucs que j’ai fait avant 2008 c’est parce que j’avais jamais rien enregistré. On a fait beaucoup de concerts mais on a fait peu de studio.

Et ton ancien Myspace d’ailleurs qui n’est plus disponible ?
Ouais, Myspace c’est pas fonctionnel.

Quand es tu véritablement devenue La Gale ?
Quand on a commencé à faire des projets sur scène, c’est à dire en 2007.

En 2008, tu effectues une apparition au Festival « HipHop Underground » à Saint-Etienne. C’était ton premier contact avec le public français ? (on lui avait imprimé l’affiche)
(elle se tourne vers ses potes) Oh putain, hey Rynox, tu te rappelles de ça ?
Rynox : Ouais ouais…. Ça date.

A l’ancienne.
(elle rit) Ouais ouais, c’était la première fois qu’on jouait en France ! C’était vachement bien, on s’est bien marré. Y a des potes qu’on a pas revu depuis longtemps, notamment les potes de Force Pure.

 

[highlight] »Travailler avec La Rumeur, ça t’influence. »[/highlight]

 

Et jusqu’en 2011 tu as fait quoi ? Parce qu’on sait que t’as joué dans « De l’Encre », notamment, et que ton album est sorti après. Mais qu’est ce que t’as fait entre 2008 et 2011 ?
Comme n’importe quelle personne normale, j’ai travaillé. Je me suis fait un peu de sous pour essayer de survivre, puis j’ai bossé la zik. On a fait beaucoup de concerts, c’est juste qu’ils étaient pas… ils étaient pas promus par les réseaux qui font qu’on en entend parler, mais on était déjà très actifs.

J’ai appris que tu avais une formation d’ingénieur du son et de technicienne du spectacle, c’est toi qui mets en scène tes propres concerts ?
Je mets rien en scène du tout, c’est spontané. Il n’y a pas de scénographie qui est travaillée. De là à dire qu’il n’y a aucun truc qui est travaillé en amont, ça c’est faux. Mais on fait pas une scénographie de nos lives, c’est pas un spectacle de théâtre. Tu vois ce que je veux dire ? C’est pas un opéra, c’est pas une comédie musicale.

En 2011, tu joues donc dans le film « De l’Encre » signé par Hamé et Ekoué de La Rumeur. Ekoué nous avait dit que pour faire ce film, ils étaient volontairement allés chercher une rappeuse pour la faire devenir actrice, et non l’inverse, tu peux nous parler de cette rencontre ?
C’était début 2010, on faisait l’ouverture pour La Rumeur et Ekoué est venu nous parler du projet. On s’est lancé dans une série d’essais autour du casting du film et puis finalement on a tourné.

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La Chronique de son album

Report de son live à l’Original Festival

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Est ce que ça t’as changé cette expérience d’actrice ? Ca a joué sur ta carrière de rappeuse ?
Ouais. Ce serait mentir que de te dire le contraire. Ca m’a influencé, ça j’en sais rien mais de toute façon travailler avec La Rumeur, ça t’influence.

Même si le film t’as offert une certaine notoriété, on sent que tu n’as pas voulu profiter de ce « buzz » là pour lancer ton album. Et pourtant, celui-ci a rapidement fait parler de lui dans l’hexagone où beaucoup l’ont chroniqué. C’était un choix de dissocier ta carrière de rappeuse de ton parcours d’actrice ?
C’est impossible de ne pas le faire. C’est pas du tout les mêmes milieux, on n’attend pas la même chose de toi et puis quand t’es acteur, t’es exécutant souvent. C’est pas la même chose, quand tu décides de drainer ton propre projet, c’est toi qui tient les rennes, enfin la plupart du temps.

A propos de ton album, on sait qu’en France il a été plutôt bien reçu par la critique. En Suisse ça s’est passé comment ?
Pareil, plutôt bien.

Pourquoi tu avais décidé de ne placer que dix titres sachant que de nos jours on table sur des albums à rallonge qui sont de plus en plus long ?
Parce que je ne me voyais pas faire vingt titres, j’avais pas vingt titres à faire sur ce projet là. Il y en a dix, il y aurait pu en avoir une douzaine mais finalement on s’est rendu compte que c’était pas nécessaire. C’est comme si tu te demandais pourquoi t’as fait un bouquin de cent pages au lieu d’en faire un de deux-cent pages, ce qui est plutôt normalement ce qui se fait. Mais il n’y a pas de raison particulière à ça, c’est qu’on a décidé qu’il commençait à un endroit et qu’il s’arrêtait à un autre.

On ressent dans ton album des sonorités et des influences diverses, des choix musicaux venant de beaucoup de styles différents. Qu’est ce qui t’a inspiré ?
Musicalement ? J’écoute plein de trucs en fait donc ce serait un peu dur à dire mais je travaille sous l’influence du beatmaker surtout. Et j’écoute des trucs très vastes, j’écoute du rap, j’écoute du punk/rock, j’écoute de la funky, j’écoute du hardcore…

Tu peux nous citer des groupes ?
En peura, bien sûr que j’écoute La Rumeur, mais j’écoute des groupes comme Mobb Deep, Mos Def, j’aime bien The Roots, dans ces carcans-là. Après j’aime bien mes potes. En France il y a plein de gens soit avec qui je travaille, soit que je côtoie un peu et que j’apprécie. En France, t’as des meufs comme Pand’or, des gars comme Saké ou Swift Guad que je trouve bien. Et après dans d’autres genres, en country j’aime bien Hank Williams, j’aime bien Johnny Cash.

Par rapport au beatmaker, on sait que Christian Pahud a réalisé toutes les productions. Comment s’est passé la construction de l’album avec lui ? Vous avez fait les chansons au fur et à mesure ou bien c’est lui qui à tout amené d’un coup et tu t’es adaptée ?
Ca s’est fait au fur et à mesure et après on a procédé par bloc.

Tout le monde sait que tu es quelqu’un d’engagé. D’où provient cet engagement, dans ta vie comme dans tes textes ?
Je pars du principe que dans la vie, si t’as des yeux, des oreilles, une bouche et un cœur, si t’es pas vener c’est que t’es juste un con. Il y a suffisamment de trucs qui nous montrent tous les jours que si t’es pas vener, t’as bien réussi à t’anesthésier le cerveau.

Et politiquement, t’es t’engagée en Suisse également ?
Ouais mais je pense que je le suis de toute manière par extension, mais j’adhère à aucun parti.

Autrement, tu as des projets avec des artistes du Moyen-Orient ?
Oui mais je n’en parle pas. Je ne parle pas de ce qui sort pas. Tant que c’est pas fait… C’est ma petite devise.

Tu peux nous dire un mot sur la scène hip hop de ces régions et nous conseiller quelques artistes à découvrir ?
Malikah que tu citais tout à l’heure, RGB…

Tu parles arabe ?
Ouais. Mais je le maîtrise pas assez bien pour le parler dans mes chansons.

« De l’encre » avait mis une belle claque à beaucoup, t’as des nouveaux projets ou d’autres propositions pour le cinéma ? Et en rap ?
 Comme je t’ai dit, tant que c’est pas fait j’en parle pas. C’est la petite devise. Y a un deuxième album en cours mais je te dis pas avec qui et je dis pas comment parce que rien n’est encore fait. Jene  suis pas superstitieuse mais j’aime procéder dans le bon ordre.

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 Propos recueillis par Sylvain Caillé

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