Vic Mensa, l’autre visage du rap de Chicago

jeudi 22 mai 2014, par Antoine Laurent.

Quand on repense à nos 20 ans, difficile de ne pas être admiratifs devant l’assurance de certains artistes à peine majeurs. La maturité de leurs projets étonne, surtout pour des mecs qui, finalement, ne sont encore que de grands enfants. Dans cette horde de baby MCs qui pullulent, certains se démarquent plus que d’autres ; le Chicagoan Vic Mensa, c’est le haut du panier. Fier membre de la liste des Freshmen 2014 de XXL, le prodige incarne aujourd’hui la nouvelle vague de Windy City, bien loin d’une drill qui domine le paysage musical de la ville depuis qu’un certain dreadeu s’en est fait le porte-drapeau.

Ancien membre du groupe Kids These Days, Vic Mensa débute dans un registre assez différent de ce qu’il peut faire en 2014. Même si le nom du groupe annonçait quelque chose d’un peu turbulent, leurs titres sont partagés entre influences folks et parties rappées dans un registre définitivement à la cool. Le résultat est assez réussi : dans le clip de « Summerscent », on découvre une bande de potes qui chantonnent sous le soleil et qu’on a envie de rejoindre dans leur consommation de burger sous palmiers. À des années lumières de l’atmosphère d’un « Love Sosa », Vic Mensa veut donner une vision différente de la ville où 415 personnes ont été tuées par balle en 2013. Qu’on aime ou pas le mélange un peu inattendu des deux genres, on ne peut que saluer l’essai et la volonté de reconnaissance : la nouvelle vague de Chicago, ce n’est pas que Chief Keef et le reste du three hunna.

Même si la collaboration de Mensa avec le groupe prend fin en mai 2013, le kid du quartier d’Hyde Park ne s’arrête pas en si bon chemin et prend son envol en solo. Il balance sa très bonne première mixtape, INNANETAPE, avant de se faire repérer par un autre rappeur local en vogue, Chance the Rapper – lui aussi fraîchement élu Freshmen 2014. Chance prend Vic sous son aile et le fait apparaître sur sa deuxième mixtape à succès, Acid Rap, aux côtés d’autres pointures comme Action Bronson, Childish Gambino ou encore Ab-soul. En accolant son nom à d’autres blazes qui montent, Vic Mensa sait être au bon endroit au bon moment, pas de doute là-dessus.

On retrouve les mêmes ingrédients à succès chez les deux rappeurs, les deux mêmes recettes du bon goût du moment : d’indéniables sonorités hip hop parsemées d’un flow mi parlé-mi chanté et une bonne humeur communicative, teintée d’une nonchalance un peu feinte mais toujours sympathique. Dans les multiples facettes de Chicago, Vic Mensa et Chance The Rapper se retrouvent dans celle qui embrasse la lumière et les sodas à l’orange, plutôt que dans celle qui ne jure que par l’ombre et le sirop de codéine.

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Mais Vic Mensa n’a rien d’un suiveur, la preuve avec sa dernière petite bombe, « Down On My Luck », aux influences très disco qui nous rappelle fortement le récent virage musical opéré par Asher Roth avec son dernier album, RetroHash. « Down On My Club » est un morceau plein de symbolique : l’aboutissement de l’identité musicale de Vic Mensa, déjà, mais aussi une porte ouverte sur une branche rapologique encore peu abordée. Ce « disco rap », c’est une forme musicale propre à l’Illinois : les MCs posent sur l’électro footwork initié par le défunt DJ Rashad. Mais Vic Mensa n’en est pas à son coup d’essai, le rappeur nous avait déjà fait plaisir avec son freestyle sur un titre de Disclosure il y a quelques semaines et semble vouloir poursuivre dans les voies de la house. Le clip aussi s’éloigne des décors ensoleillés de ses débuts et en poussant un peu, on peut même le voir comme une mise en abîme de sa propre carrière : le petit grandit, apprend et nous offre ce qui pourrait devenir un des tubes de l’été.

Ce tournant n’a vraiment rien d’un reniement, encore moins d’un éparpillement dans son parcours. Il nous montre simplement le potentiel et l’éclectisme d’un artiste dont on n’a certainement pas fini d’entendre parler

Rédigé par Mathilde Lemoine. 

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