Vice Shorts : notre sélection dérangée

dimanche 9 mars 2014, par Valentin.

Comme on l’a déjà montré dans un article précédent , les VICE Shorts sont une vitrine privilégiée pour les cinéastes de tous horizons. Elle permet de mettre en lumière des petites réalisations indépendantes servies majoritairement par des individus loin d’être mauvais quand ils manient une caméra. Aujourd’hui, on te présente une sélection de trois courts-métrages intrigants et un peu dérangés, à déguster après ta session de bronzette dominicale en fonction de ta situation. Prépare le pop-corn sucré salé, toujours le salé en premier.

Si tu as un voisin timbré qui veut t’inviter à dîner

EAT
Réalisé par Janicza Bravo

Pitch
Une jeune femme perd ses clefs et se trouve enfermée dehors, elle trouve alors « refuge » chez son voisin qui semble avoir quelques difficultés à communiquer. On suit alors la construction de la relation entre ces deux individus. A ton avis, ça se termine en partie de jambes en l’air dans la chambre, ou en découpage de membres dans la cave ?

Alors ce court ?
La relation entre un mec un peu creepy et une jolie fille fut largement abordée dans le cinéma et notamment dans les courts-métrages. En plus d’être souvent un peu chelou lui-même et de se reconnaître dans ce personnage, le réalisateur peut élaborer une montée en pression, construite en partant du convenu vers le singulier. En plus, cette situation rappelle facilement la vie quotidienne du spectateur. On rencontre tous les jours des individus qui semblent échapper à notre interprétation de la normalité et ce genre de court permet d’aller beaucoup plus loin dans les relations furtives que nous esquivons. Cependant le risque dans ce genre de réalisations : oublier le côté humain et le côté sensible de chaque personnage. Piège dans lequel ce projet ne tombe pas. La fille qui s’invite chez notre ami associal n’a rien d’une fille passive ou écervelée, au début du film c’est même plutôt une connasse rusée. Quant à notre ami le psychotique, il parvient à être aussi attachant que dérangeant.

Ce VICE Shorts parvient à poser la question de la normalité. Jusqu’à la fin, tu as du mal à deviner où se loge la folie et où se cache la paranoïa. S’extirper d’un propos manichéen dans ce genre de film est aussi complexe qu’intéressant. De plus le discours est appuyé par des plans impeccables et une lumière soignée.
Un court réussi, qui par contre ne t’encouragera certainement pas à inviter n’importe qui à ta pendaison de crémaillère.

Si t’es fasciné par la mort et suscite l’inquiétude de ton entourage

Danse Macabre
Réalisé par Jeffrey Bowers

Pitch
De la mort à la crémation. Rien que ça.

Alors ce court ?
Ce VICE Shorts promettait beaucoup. C’est le premier court-métrage indépendant filmé intégralement par Pedro Pires. Si tu ne connais pas le bonhomme, sache seulement qu’en 2010 il a réalisé HOPE, oeuvre qui reste à ce jour une preuve que l’on peut passer du théâtre à la pellicule avec génie (Qui a dit le dîner de cons ?). Il fut également un proche collaborateur de François Girard ou de Robert Lepage. Mais outre le CV de son cadreur, le film amène un propos intéressant. En effet les réalisateurs s’intéressent le plus souvent à la mort à travers le discours de ses témoins. La mort n’existerait donc au cinéma qu’a travers les observateurs de celle-ci. Ce film choisi de se décharger de ce principe. 
Le seul témoin de la mort, c’est la caméra. Elle assiste, sublime et souligne ce que représente la mort dans son côté le plus charnel. Elle s’insinue dans des espaces à la fois inaccessibles et inévitables. Malheureusement, ce qui devait se produire se produit. Le film, en fait trop, beaucoup trop. La scène de pendaison qui n’apporte rien à la construction, la bande-son opéra tragique, les mouvements du corps avec option « Danse contemporaine conceptuel ». Non, définitivement, non.

La mort est déjà largement fantasmé par tous, pourquoi en faire plus ? Un film avec plus de simplicité, aurait permis l’identification et ainsi pour nous spectateurs de faire le lien entre notre statut de vivant et l’aspect impersonnel de notre mort. La collaboration entre Pedro Pires et Jeffrey Bowers n’a pas vraiment fonctionné. Dommage.

Si tu veux délaisser ta vie hipster pour vivre en caravane avec des chats

Dumpy goes to the big smoke
Réalisé par Mirrah Foulkes

Pitch
Un couple , une caravane, des chats dans un hangar. Le décor est planté. On suit alors les pérégrinations des personnages. Puis la rencontre de la femme avec un inconnu qui est tombé en panne, dans le hangar …

Alors ce court ?
Créer des situations qui sortent de l’entendement ça peur être cool. En plus si c’est bien amené, ça peut donner une vraie profondeur à la réalisation . La seule chose qu’il ne faut pas faire c’est trop appuyer sur cette absence de logique. Genre « Hey, Hey, regarde je sors des conventions, j’extrait son sens du réel, je suis un réalisateur brillant non ? ». C’est très rapidement agaçant et c’est le plus souvent complètement vide de sens.

Mirrah Foulkes à éviter cette écueil, et putain c’est agréable. On assiste à une situation totalement incongrue sans qu’elle occulte la sensibilité des personnages. Le rythme du court est très étrange et pourtant on ne décroche pas. L’absence de logique ne nous empêche jamais de nous identifier. Ce film parvient en fait à être terriblement juste. La réalisation fait appel à tout un panel de symboliques filmiques et les transforme afin de créer cette délicieuse incohérence. Le film nous présente l’Amérique white trash dans sa caravane et pourtant extirpe de cette image tout les lieux communs auquel elle est toujours raccrochée.
L’Australian Blue Tongue Film Collective a encore frappée et ce pour notre plus grand plaisir. On t’avait déjà présenté leurs VICE Shorts L’Ours et J’aime Sarah Jane : avec Dumpy goes to the big smoke, ils recréent une atmosphère qui leur est propre, sans jamais s’enfermer dans une routine de création. Je ne peux que t’encourager à consulter l’ensemble de leurs créations.

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Alors, t’es plus sensible aux petits chats, aux cadavres ou aux voisins dérangés ?

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