Beyoncé et Jay-Z : la fin d’un mythe ?

samedi 13 septembre 2014, par Julie Green.

Beyoncé et Jay-Z donnaient hier soir au Stade de France l’un des deux derniers concerts de leur magistrale tournée On The Run, annoncée comme l’un des évènements majeurs de leurs carrières respectives. Après avoir teasé la planète entière avec une promo tonitruante sur le web, à coup de trailers ultra sensuels et de photos de famille sur Instagram, le couple le plus puissant de l’industrie musicale, visiblement épuisé et à cours de munitions, a majoritairement déçu hier soir. Les rumeurs de divorces en ont presque pris le dessus comme justification d’une performance, pourtant millimétrée et étonnamment longue (2h30 de show annoncé), à la hauteur de l’ambition démesurée des deux artistes, mais illusoire.

« Faire ce qu’ils semblent désormais savoir faire de mieux : semblant »

Malmenés au cours des derniers mois par de persistantes rumeurs de divorce, le couple, alors en pleine tournée, a décidé tout au long de l’été de faire ce qu’il semble désormais savoir faire de mieux : semblant. Alors on vous rassure tout de suite : hier, Be ne fait pas semblant d’être belle et Jay n’a pas fait semblant de rapper.  On a même eu le droit à une très belle intro sur Bonnie & Clyde, classiques parmi les classiques et fer de lance d’une stratégie de comm’ sur leur alliance toute puissante débutée il y a de ça douze ans. Avant le mariage secret en 2008, avant Blue Ivy, la première enfant au nom déposé avant ses trois mois, avant la couverture du Times, avant que le couple n’en vienne à ne faire presque plus sens qu’ensemble.

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Crédits photo : Amandine Amar

Seulement cette fois ci, la cérémonie a un peu tourné au vinaigre. Et pour cause : comme le rapporte le très bon report de TheYellowKid, on a eu du mal à croire au petit manège des deux superstars, visiblement plus préoccupées par les rumeurs qu’ils cherchent à tout prix à ne pas laisser paraître, et dont l’évidente distance a choqué, jusqu’à tourner au malaise. Balancés par une setlist pas vraiment cohérente entre leurs deux répertoires, on est presque venus à regretter les apparitions surprises de Be aux concerts de Jay et vice-versa, qui auraient finalement bien suffit à faire le job hier soir et aurait évité aux spectateurs d’avoir l’impression d’assister à un règlement de comptes en direct.

« Le documentaire de la sexualité affolante du couple le plus puissant de l’industrie »

Je ne m’attarderai pas sur les questions de séquences vidéos trop longues, du rythme épuisé par leur fréquence et des choix parfois discutables des titres choisis, dont l’enchaînement a parfois carrément tourné au glauque. Ex Factor, Song Cry, Resentment… vraiment ? À mon sens, le malaise ne vient toutefois pas de là. Je ne m’exprimerai pas non plus au nom des fans fidèles de Jay-Z ou de Beyoncé qui, comme tous fans, avaient largement de quoi trouver leur compte hier soir. Alors oui, on a vu Beyoncé danser, chanter, croiser les bras et toiser la foule, star parmi les stars dans un stade volontiers subjugué par une aura toujours bien réelle. Oui, on a entendu Hardknock Life, oui Jay Z a fait le foufou sur Big Pimpin’ et c’est vrai qu’à ce moment là, on était plus beaucoup à demander notre reste. Seulement voilà : hier, je venais voir une démonstration de force, pas seulement un concert. Et encore moins deux. Je venais voir le documentaire en musique de la sexualité affolante du couple le plus puissant de l’industrie, celui d’un rappeur brillant et d’une icône RnB, catapultés ensemble au sommet dès leurs débuts et maîtres incontestés d’un trône qu’ils ont eux-mêmes construit. Je venais voir la formule magique de Beyoncé et Jay-Z, et je voulais me la prendre en pleine face.

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Crédits photo : Julie Déléant

Malheureusement, il n’en a jamais été question. Après un Crazy In Love sans trop de saveur, on se retrouve les yeux rivés sur les écrans, à la recherche d’un peu d’alchimie, rempli d’espoir mais surtout des premières craintes. Et ça ne loupe pas : très vite, le couple semble s’éviter, les attentes entre les morceaux sont tantôt trop longues, tantôt trop courtes, c’est selon. On a comme l’impression d’assister à deux shows sans véritable autre lien que celui suggéré par les vidéos, illustrations quasi-obsessionnelles des vestiges d’une alchimie qui semble désormais paumée quelque part dans les vapeurs du temps. Chacun son rythme, chacun son espace, chacun ses titres. Et un « Putain, déjà ? » quand le couple interprète l’ultra sensuel Drunk In Love. On se demande presque s’ils ne cherchent pas à s’en débarrasser, comme si chaque interaction était désormais vécue comme une nouvelle prise de risque : celle de faire tomber le masque une bonne fois pour toute.

Jay-Z tente bien de faire le job, il sourit (un peu), il rappe, il bougeotte et ne renoncera pas au show avant la toute fin, qui aura pourtant le triste goût d’un soulagement.  Beyoncé fait le job, mais elle, ne sourit pas vraiment (du tout), et le malaise est souvent omniprésent, en dépit des chorégraphies millimétrées de Queen B et de l’intervention éclair de Nicki Minaj.

Le final a bien des allures de résurrections, on se surprend même à se demander : « Mais alors, tu crois qu’ils s’aiment ou pas ? », alors qu’on était pas vraiment venu pour ça et qu’on était, en vrai, en même temps un peu ailleurs, emportés par le mash up Forever Young/Halo. Et après un dernier baiser échangé sur scène, on repart avec la triste impression d’avoir été pendant 2h30 les spectateurs forcés d’un couple en lutte contre une débâcle peut-être pas si sérieuse, mais tellement redoutée qu’il en a oublié l’essentiel : le spectacle. Et alors, Beyoncé et Jay-Z, plus humains que jamais du haut de leur citadelle imprenable, sont repartis main dans la main, des larmes au coin de l’œil comme des petits blessés parmi les morts, retrouver les coulisses dans lesquelles doit certainement se jouer un autre spectacle. Dont on espère, avouons-le, ne jamais entendre parler.

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