PNL, pleins phares sur le futur

mardi 31 mars 2015, par Baptiste Biarneix.

Avec l’album QLF, les deux rappeurs des Târterets qui forment PNL font une entrée remarquée dans le paysage du rap français. Une balade en douze morceaux dans le sombre univers d’Ademo et NOS, entre spleen et survie permanente. À suivre de près.

« PNL, que la famille, que la famille, que la famille. » C’est sur ces mots que s’ouvre l’album d’Ademo et NOS, les deux jeunes Essoniens de PNL (Peace’N’Lovés). Un groupe dans l’air du temps, si tant est que l’on parle du futur. Un peu de Booba, un peu de Jul, un peu de Green Money, un peu de Maitre Gims. Une cuillerée d’autotune tartinée sur une grosse tranche de rue.

Leur premier opus, Que La Famille, est la bande son d’une génération qui navigue entre les petits frères, les compagnons d’armes, les morts, les filles faciles, la drogue, l’argent et la déprime. La cover en dit long sur l’album : une photo de classe encadrée dans un cœur pansé par des billets de 500. Et cette inscription, « QLF » pour « Que La Famille ». La famille, le clan, le sang. L’élèment le plus central d’un album plein de promesses. Une fuite en avant dans un cabriolet roulant sous la pluie, la misère comme passager, avec l’amour sur la banquette arrière et des billets plein le coffre. Pleins phares sur le futur. Douze titres qui se confondent, 50 minutes qui semblent n’en durer que cinq.

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Brouillées par un nuage d’effets sonores, les voix de NOS et d’Ademo se distinguent mal. Leurs cordes vocales sont une talkbox pour la rue. Elle chante à travers eux toute sa tristesse avec un flow robotique. « Ma drogue dans le Gabanna, aux arrivants avec mon Gabanna, j’sors ma *** de mon Gabanna, ton oseille dans la poche de mon Gabanna. » C’est de cela qu’il s’agit. La rue dans un survêment D&G. Oseille dans la poche gauche, plantes vertes dans la poche droite, à côté de l’iPhone 6. Il y a les appels de cette fille, et les appels des clients. « Ien-ien fidèles pas besoin de la loyauté de cette go. » Oublier cette pétasse, partir chercher cet argent. « J’me rappelle plus d’mon ex, j’me rappelle de mon iencli Hervé. » Depuis Corbeil Essonne, direction Paris centre, Paris ouest, Paris XVI. Un ticket RATP pour les billets. « On t’fait l’taga on t’fait la beuh, tu viens du 16 on t’fait la cc. » RER D dans les deux sens. « Bismillah à l’aller, bismillah au retour. »

 METTRE BIEN CEUX QUI RESTENT

Le père. Tout lui est dû. « J’dois faire le million pour papa. » L’argent pour le géniteur, quelle qu’en soit la provenance. Que la fraîche soit d’origine colombienne ou marocaine, que les billets soient couleur blanche, verte ou marron, qu’ils viennent d’Adecco ou Manpower, tant qu’ils ne sont pas imposables. Il n’y a que le vieux qui aura sa part. « Un putain de biff, la mif, une ride en moins sur le visage de mon père. » Car il faut le voir sourire au petit frère chaque soir.

Le petit frère. Il est l’alibi de chaque crime. L’excuse du meurtre. Son pardon même. Le petit frère, au nom gravé dans la pupille quand l’oeil sera dans la lunette et que le viseur pointera l’ennemi. « Une balle pour chaque ennemi de mon frère » Braquer une banque, faire sauter un distributeur, écouler grammes sur grammes, trouver un job. Peu importe, tout pour le petit, sa playstation 4 ou ses Jordan XI. « Un biff en plus, la mif, un sourire en plus sur le visage de mon frère. » Il prendra le même chemin, il est destiné au même sort. Faire l’amour à la misère sous des trombes de liquide. Sur le poignet gauche, poignet droit, les menottes fraternelles. « De la fenêtre au terter, petit frère ira chercher l’oseille, de la fenêtre au terter, grand frère ira chercher l’oseille. » Que du matériel, rien qui ne rendra la mère.

L’absence de la mère. « Pas d’étoiles dans mon ciel…» Sauf elle, la seule à briller dans ces nuits sous alcool. Quand la Russie coule à grosses gouttes dans le gobelet, « ça pleure devant la lune. » Les sanglots sont plus beaux sous autotune. « La Petite Voix » chante si justement faux et les effets spéciaux dans les larmes tombent au sol pour chaque mort. Pour elle surtout. « Pas besoin d’la voix d’une femme j’connais pas celle de ma mère, pas besoin qu’on m’aime en fait ,j’ai juste besoin qu’tu quittes ma tête. » Déguerpir, oublier, s’évaporer dans un gros joint. Un peu de liquide lacrymal sur la dernière balle, impossible de manquer sa cible. «  J’ai des ennemis et j’ai pas d’mère, woulah woulah, peut être que j’manque de repères. » Alors c’est à l’autre famille qu’on s’accroche. La deuxième, la vraie.

4-4-2 SUR LE TERRAIN

Les frères. Le message est incessament répété sur QLF. « Que des frères igo pas d’ami », ou « Je vis je meurs avec mes frères, tu vas pas durer si tu comptes sur tes potes. » La force des coups pris et de ceux donnés, tout veut qu’à jamais les sangs se soient mélés.  Un bouteille pour deux, et un fusil pour tous. « Vous êtes nombreux, mon pompe demande vous êtes combien. » Descente en Espagne avec les frères. « On a rien, et on en veut encore. » Ensemble sur le terrain, l’équipe, c’est le Barça. 11 bonhommes pour un trophée.  Tenue de sport complète, casque intégral. « J’écoule toute ma salade, j’emmène la misère en balade, pour leur sourire gros j’carnarde. » Ceux qui lâcheront jamais. Bisou sur le front aux funérailles. Jamais de lame dans le dos. « Pas comme un frère un pote ça se remplace amigo. » Une femme aussi.

Les filles. Le plus grand danger, la plus grande folie, la pire passion. « Les sentiments ça ralentit, le cœur fermé, là j’suis à fond. » Facile à dire, dur de s’en prémunir… Elles ne sont rien, elle n’est rien. On tente de se le faire croire. « Chez moi le cœur est froid depuis l’oesophage. » Mensonges. Otage des succubes quand on s’y attend le moins. Alors on se replie sur soi même. Violent, vulgaire, misogyne. Un voile sur le cœur de cet album. « Elle t’a brisé le cœur fallait briser sa chatte. » Comme si ça changeait quelque chose. Il y a trop d’amour dans QLF, trop d’amour pour niquer autre chose que la misère. « Il n’y a que ses bras qui pourront m’apaiser. » La seule femme d’une vie.

JOUIR DE LA MISERE

La misère. Celle qui ne se noie pas, quand on ne lui demande que ça. Même dans des litres d’eau de feu, elle nage paisiblement. Jusqu’à irriguer chaque artère d’un corps qui se détruit. « Dans mes yeux c’est le vide, mon âme est perchée sur le toit. » A trop regarder la lune on se prend à rêver. Du soleil, du sable blanc, de la douceur d’une vie loin des Tarterets, toujours avec les siens. Pour quoi faire ? « Fuck ma bonté, avec ça fuck mes rêves! » Même aux Bahamas la hess colle aux basques. « J’emmène en croisière la misère. » Tout faire pour elle. Trop de sacrifices déjà, trop de dégats. La misère est une alliance portée depuis bien trop longtemps, un devoir conjugal largement rempli. « Plus j’écoule la verte, plus j’redonne le sourire à la misère. » Drôle de couple libertin, ou comment tromper la misère pour mieux mettre un coup à la monnaie. Un plan à trois, cercle de tous les vices. « Ce chemin étroit et sombre me séduit. »

Et cette nuit? Ce sera pareil. Tous les jours le même ménage. « Les démons se rendorment, j’pose les armes les anges se réveillent. » A moins vendre, on fume plus, l’équilibre est permanent. Il faut tendre l’oreille, ne pas tomber. Laisser parler chaque ange, chaque démon. « On navigue dans la tempête, j’ai beau poser le front sur le sol igo je m’entête, donne moi des ailes pour que j’m’envole, j’regarde le ciel cloué au sol. » Chercher ses limites, suivre son destin. Même pour tourner en rond jusqu’à demain, à l’infini, sous les étoiles mortes.  

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