Emmanuel Laflamme ou l’art de l’appropriation

mardi 7 janvier 2014, par Marine Cagniet.

Des années 1960 aux années 1990, la pensée et l’art post-modernisme se sont emparés des questions de l’appropriation et de la citation. En 1987, l’historien d’art René Payant déclarait que s’intéresser à la citation en peinture consistait à « travailler avec deux tableaux, où l’œuvre citante s’empare d’éléments de l’œuvre source afin de créer une nouvelle signification, un nouveau langage ». A la lecture du texte de payant, je n’avais qu’une seule image en tête, celle de la citation dans le street art. Si Pop Art utilisait des images de la société de masse, le street art reprend directement des images du Pop Art. Une manière de renouveler le message critique face à notre consommation car au delà de témoigner, l’art aujourd’hui critique. J’en suis venue à penser à Emmanuel Laflamme, artiste montréalais autodidacte qui collabore autant pour la publicité que pour les jeux vidéo et le cinéma.

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Né en 1984 à Montréal, Emmanuel se rend vite compte que ses cours d’Art Plastiques ne lui apportent rien. Il lâche l’école et décide de se former lui même. Il passera des heures derrière son ordinateur, à apprendre les différentes techniques de graphisme et retouche photographique. Au début de sa carrière, il passe des journées sur un seul montage, mais voyant qu’avec les réseaux sociaux on diffuse de l’art aussi rapidement qu’on l’oublie, il simplifie sa technique et décide de se concentrer sur l’accroche visuelle.

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Le jeune artiste réalise des montages où il assemble les symboles populaires afin de créer un nouveau message. Parfois, il reprend les chefs d’œuvres de l’Histoire de l’Art et les recontextualise dans notre société actuelle. Bien sûr, les compositions de Laflamme sont à prendre avec un certain second degré : ses messages contre notre société de consommation, ne sont pas pour autant une mauvaise critique, puisqu’il s’inscrit lui-même dans cette dite société. La Vénus de Botticelli est remplacée par une Nintendo, Marie s’émerveille devant la naissance de l’iPad, et Krishna une divinité Hindou se shoote au Sunny D. Les dieux anciennement idolâtrés sont remplacés par les nouveaux dieux, ceux de la consommation. Apple, Coca, Nike, autant d’images qui font aujourd’hui parties de notre quotidien et pour lesquelles nous vivons. C’est ainsi que l’on retrouve Blanche Neige, Adam et Ève, sur le point de s’empoisonner en croquant dans la pomme d’Apple.

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En utilisant des images déjà présentes dans la mémoire collective, Laflamme questionne aussi la notion des droits d’auteurs et d’authenticité : qui est à l’origine de l’œuvre quand celle-ci est un montage d’images pré-existantes ? L’histoire marrante qui lui est arrivé, c’est qu’une de ses œuvres soit prise une œuvre de Bansky, puisqu’on y retrouvé le célèbre rat, autant prisé par l’artiste britannique que par Blek le rat. L’image a fait le tour des réseaux sociaux, sans que personne ne sache que le véritable auteur était le jeune québécois.

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Au final, l’auteur de l’œuvre n’est pas important, ce qui compte pour Emmanuel, c’est la facilité de diffusion et de lecture de son œuvre. Parmi ses nombreux montages, on retrouve une image des Dents de la Mmer, où les baigneurs fuient une invasion d’extraterrestres, ou encore un Dark Vador se prenant pour Hamlet, pendant que Jésus et le Père Noel trinquent autour d’une bouteille de Coca. Autant de scènes incongrues, drôles et parfois insolentes, mais toujours accessible à tout public. On sourit en regardant ses mash-ups, mais dans le fond on ne peut s’empêcher de se questionner sur notre propre consommation. Preuve avec ce « Just do it » , où l’artiste à collé le slogan de Nike, sur un fond noir et blanc, où l’on voit des ouvriers travailler à  perte de vue. Il nous balance en pleine face, une réalité qu’Occidentaux préférons oublier.

MI Touring Nike's Factories

Pour en voir plus : son site.

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