Kenyon, ivre aux cocktails de genres

jeudi 14 novembre 2013, par SURL.

Il n’était pas prévu au programme. Remplaçant à la dernière minute le combo Noisia x Foreign Beggars, il s’est ramené sur la scène de La Machine et a mis le paquet. Un set dynamique devant le public du #CanalStreetLive qui, pour la majorité, ne le connaissait certainement pas. Une audience surprise et conquise. Ce jeune bonhomme en question n’a que 20 ans et s’appelle Kenyon.

Rap, ragga, dancehall, r’n’b, fast style : Kenyon, jeune rappeur rennais abonné aux premières parties et festivals, ne fait pas de distinction. Il prend tout, parfois dans un même morceau. Elevé comme tant d’autres artistes par les « masters » de la scène hip-hop américaine, ce n’est qu’au moment d’exercer sa propre musique avec sa bande de potes qu’il découvre le reggae dancehall. Il se risque alors à mélanger ce style avec un rap technique et imagé, pour obtenir, selon lui, « la meilleure représentation possible de ce qui l’a construit à travers ce qu’il fera ».

En 2005, il rejoint le groupe ECK – pour Etat Critik Krew -, réunissant MC Brid et Tomsaw aka le toasteur. Ensemble, ils vont écumer les freestyles radio et les scènes de Bretagne, jusqu’à faire la rencontre du Legal Shot Sound System, deux fois champion de France de « Sound Clash » – l’équivalent jamaïcain d’un clash de rap classique. Les choses se passent, le gars affûte ses armes lyricales sur scène à travers toute la France et s’invite en première partie d’artistes de renommée nationale ou internationale : de Medine à Nessbeal en passant par Mr Vegas, la Sexion d’Assaut ou les vétérans des Neg Marrons. Bref, à force de charbonner, son CV se remplit. Quelques prix vont rapidement suivre.

Chanteur versatile, Kenyon s’est vite forgé une forte réputation en matière de performance scénique. Preuve au mois de février 2009 :  il dompte le clash Yo ! Battle MC’s avant de décrocher les titres de champion de France et de vice-champion du monde du fameux End Of The Weak. Pendant la même période, il remporte le Buzz Booster, premier réseau de découverte hip hop dans toute la France – à l’initiative du collectif L’Original, à Lyon. A la clé : une tournée nationale dans tous les plus gros festivals achipé achopé, tournée qui va l’amener à se connecter et collaborer à des pointures : Dany Boss, Nakk, Taïro et le « pape de Boulogne » Dany Dan. « Exercice de style » ravit les puristes, l’alchimie entre les deux manieurs de mots détone.

Pas étonnant de le croiser à coté d’un autre lauréat du Buzz Booster, le très cool Némir. « Les Années Passent » réchauffe le mois de juillet, petit son tropical qui annonce son projet Le Cas Local Volume 2. 300 000 vues, y’a pire comme teasing. Ce deuxième épisode fait suite au projet initié en 2008. Entre temps, d’autres tentatives ont vu le jour, dont son premier album Soul Révolte en 2010, suivi d’un EP L’Etude de K en 2011. Clairement, l’attente a augmenté avec ce nouvel opus, publié le 23 septembre dernier.

Le ton est donné rien qu’en écoutant les toutes premières secondes de l’intro, sur une instru ultra technique de « Can U Keep Up » de Busta Rhymes et Twista. Un terrain propice pour étaler un flow technique et décontracté. Si des titres comme « On fait le taff » et « Ce Trip-là » respirent le rap traditionnel, l’artiste s’en sert comme tremplin pour inviter l’auditeur dans ses autres univers. Kenyon cultive ce côté chanteur, toasteur, pour une ambiance plus posée et surtout plus personnelle. Il aborde ses origines, sans plans love dans  « Plan B » ou « Loin de moi », etc. On retrouve aussi des reprises de tubes reggae dancehall comme « Gansta » avec les légendaires Barrington Levy et Vbyz Kartel, ou encore le « Gyal a Bubble » avec Taïro. Si ce cocktail unique donne un atout considérable à Kenyon pour foutre le feu sur scène, il a tendance à déboussoler son audience, notamment celle imbibée de rap. C’est tout le paradoxe de ces revirements qui enchantent le public en live mais peuvent donner une impression un poil désordonnée sur un album ou une mixtape.

Pas de doute : Kenyon, se classe parmi les potentiels virtuoses du rap céfran. Ce Cas Local Vol. 2 ne manque pas de qualité, une oeuvre éclectique voire insolite tant il y a un mélange de genres différents et variés. Trop presque. Un curseur encore à ajuster  ; gageons qu’il le sera pour prochain son album, prévu pour le courant 2014.

Article rédigé par Vincent Tonnerre

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