Dilated Peoples et Brother Ali, prêcheurs in Paris

mardi 19 novembre 2013, par Antoine Laurent.

Le groupe californien Dilated Peoples et Brother Ali, le rappeur qui n’est pas noir, ni blanc – « je ne suis ni l’un ni l’autre« , disait-il dans « Daylight » – , du label Rhymesayers, sillonnent ensemble les routes d’Europe. De passage en France, ils se sont arrêtés dimanche soir au Trabendo.

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Jason « Ali » Newman débarque, l’air jovial. Il est acclamé par la foule. Cette première partie, marquée par le sourire du rappeur, a des airs de vrai concert. Brother Ali réussit le tour de force d’emmener le public avec lui, de lui faire oublier qu’il n’est pas censé être l’highlight de la soirée. Lorsqu’il chante « Babygirl », qui raconte les émotions d’une jeune femme victime d’un viol, la salle se tait presque. Inondé d’une lumière bleue, Ali et sa longue barbe blanche impose au public un calme presque religieux – d’ailleurs, la plupart de ses morceaux sont ponctués d’un « bismillah« , “au nom de Dieu”, en Arabe. Il enchaîne sur un rire espiègle et s’adresse à la foule : « Put a smile on your face! ». Le rappeur du Wisconsin s’échauffe, son regard rouge devient incandescent. Dans un rythme effréné, il entonne « The Preacher » et ordonne au public de “feel so good”. Sur « Fresh Air », il se lache, se confie : “I love the life I live.” Tout le monde l’accompagne. La thérapie du bonheur made in Brother Ali continue avec « Forrest Whittaker ». « How many of you are beautiful and love themselves? Make some noise! How many are ugly like me and love themselves anyway? Make more noise!« , avant de terminer par un sonore « Hallelujah!« . Tout près de la scène, deux mecs en casquette et bonnet sourient. Ils lancent les paris sur la prochaine chanson – « Vu comme il est parti, tu penses que ce sera ‘Sunny’ ou ‘Oh Happy Day’ ? » Ce sera « Uncle Goddam Sam ».

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Court interlude, le public attend Dilated. Quand les trois gonzes arrivent, l’atmosphère change. Plus électrique, plus brute, l’ambiance décolle. Lorsqu’ils entament « You Can’t Hide, You Can’t Run », le public est conquis et le Trabendo s’enflamme. Evidence, DJ Babu et Rakaa clament à chaque interview qu’à un tel niveau de complicité, ils sont plus frères que potes. Effectivement, rarement le mot “groupe” a eu autant de sens en concert. Regards complices, synchronisation incroyable, les Dilated Peoples s’écoutent et ne s’étouffent pas. Quelques minutes de scratch, un remix des Roots et un superbe reprise de Gangstarr sur « Clockwocks » plus tard, Babu est la star. Le public scande « BA-BU, BA-BU« , jusqu’à ce que Rakaa lâche ses couplets avec un flow limpide, tranquille, sans anicroche.

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Un peu avant le concert, on avait passé quelques dizaines de minutes avec Evidence pour une interview. Il semblait alors amorphe, fatigué par la route, bien qu’ô combien aimable et intéressant. Sur scène, il saute partout, s’époumone, crache dans le micro. Il s’emballe tellement qu’il balance ses baskets et saute dans la fosse. Quelqu’un lui tend une fin de spliff : « Naaan mec je peux plus. » Il l’attrape en rigolant. « Bon, c’est le dernier. » The Weatherman a visiblement du mal à s’arrêter. Quand il rappe, c’est pareil : il annonce le nouvel album de Dilated Peoples pour janvier, et le groupe offre au public un extrait exclusif. Tout le monde se lâche. Hurlements, applaudissements, rappels ; c’est la fin du concert. Quand les lumières se rallument, flottement général, personne ne bouge. Après avoir fait transpirer et sauter plus de cinq cent personnes en rythme, Evidence, Babu et Raka réussissent un coup de maître. En arrêtant la musique, ils figent la salle – et l’instant.

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Rhymesayers, c’est une grande famille : pendant tout le concert, Dilated Peoples a encouragé le public a applaudir Brother Ali. La réussite du show s’est construite sur cet équilibre. Plus que Dilated d’un côté et Ali de l’autre, c’est le label qui était en concert, dimanche, au Trabendo.

 

Article rédigé par Laura Aronica. Merci à MPC Prod.

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