Houston, on a un problème : la menace Maxo Kream

vendredi 29 juillet 2016, par Kévin.
À force de creuser les filons musicaux des Internets, on finit toujours par tomber sur quelques noms mystérieux qui reviennent. Mais même la meilleure vigilance peut nous faire louper quelques perles rares. Par ses raps sombres, Maxo Kream est tout à fait le genre d’énergumène dont il serait facile – mais ô combien dommage – de passer à côté. Focus sur le jeune rappeur de Houston.

Avec sa mixtape Maxo 187 sortie l’an dernier, Maxo Kream mettait pourtant les petits plats dans les grands pour se faire connaître du plus grand nombre. Featurings alléchants – Joey Bada$$, les turbulents Sauce Twinz, Father, Le$ ou Fredo Santana – productions sombres et cohérentes par des jeunes pousses de talent… Toutes les balles étaient dans la cartouche pour viser le centre de la cible, et Maxo ne s’est pas gêné. La mixtape lui a ouvert les portes de quelques rédactions influentes, et l’a affirmé en talent précieux d’une nouvelle génération from Houston, Texas.

Sombres fables de rue

Sur Maxo 187, Maxo Kream cadre son registre pour ne se consacrer qu’à de sombres fables de rue, des histoires de deal trop riches en détails pour avoir été complètement inventées. L’écriture de Maxo est brute mais riche, décrit tout un contexte par le biais du vécu de son auteur. Le tout est parsemé de références populaires qui parlent à l’auditeur et lui permettent de s’intégrer dans l’environnement hostile décrit par Maxo : Pokémon, céréales Cheerios, NBA 2K, Freddy Krueger, Maman, j’ai raté l’avion… Ajoutez-y une pincée d’humour noir et grinçant pour avoir le package complet. Un exemple parfait était relayé par Captcha Mag en 2013 : la légende veut que Maxo soit tombé amoureux de la mode après avoir cambriolé une maison remplie de sneakers. Est-ce drôle ou effrayant ?

maxo kream focus 2016 2

Maxo Kream a sorti il y a quelques semaines le successeur de Maxo 187, la bien nommée The Personna Tape. Vue de loin, la cassette peut ressembler à un pas de côté pour le jeune rappeur : pas de producteur star – sans offense à Chuck Inglish – et des featurings rares et moins alléchants.  Au final, rien de très étonnant quand on saisit le concept de la tape, centrée autour du personnage de Maxo Kream. La cover rappelle les packs « Essentials » réalisés par quelques magazines américains : des affaires emblématiques dont le sujet ne se séparerait pour rien au monde. Chez Maxo, on y trouve quelques armes, des liasses de billets, deux gros oreillers garnis de verdure… Mais aussi du Karo, un sirop à base de maïs que Maxo évite pour sa consommation mais qu’il utilise volontiers pour couper le sirop antitussif qu’il vend à ses clients crédules. Vous étiez prévenus, vous connaîtrez jusqu’à la couleur de sa paire de chaussettes préférées en écoutant le rappeur texan.

Au milieu de ces astuces avisées et de scènes de vie, Maxo Kream évolue. Il varie les approches, passant de la première à la troisième personne quand il ne se glisse pas dans la peau d’un personnage fictif. Sur le lourd « Big Worm », un hommage au film Friday, il grimpe carrément sur une instru grime inspirée de Wiley et la maîtrise comme s’il avait kické la rime avec ses gars londoniens depuis le berceau. De manière générale, le son de Maxo était parfois décrit comme s’inscrivant dans le Houston fantasmé par la bande du A$AP Mob plutôt que dans celui de Scarface, Z-Ro ou Slim Thug. Il est surtout un mélange joyeusement foutraque d’influences variées au service de la lourdeur des ambiances.

Immersion en milieu hostile

La musique de Maxo met parfois mal à l’aise. Les clips sont souvent garnis de glocks et fermement inscrits dans la culture gang. Quelques références osées au terrorisme sur l’obsédant « Hit Mane », dans lequel il se met dans la peau d’un tueur à gages, laissent perplexe sur la possibilité de trouver tout ça simplement distrayant. Mais comme on le sent dans son interview sur le podcast « No Jumper », Maxo ne fait preuve d’aucun manichéisme quant à cette vie qu’il s’attache à documenter.

N’ayant pas l’air de se poser la question du bien ou du mal, il ne semble jamais avoir eu vraiment le choix et a grandi en s’adaptant à son environnement.  C’est comme ça, c’est tout. Dans certains quartiers de Houston, on mesure ses faits et gestes avant de les exécuter, car la sentence définitive n’est jamais loin. Et on sait combien cela coûte de protéger les siens. Le témoignage qu’offre Maxo Kream dans ce contexte est précieux, comme peut l’être celui de Kodak Black par exemple. On imagine le rappeur gérer ses affaires depuis un coin de rue, encerclé par des dingues armés et des zombies sous Zanax, relâchant la pression sous l’emprise de diverses substances. Sachant très bien que cela ne règlera pas tout : « Always lose something when I’m tripping on the bars [Xanax] / Lost a lot of niggas, yeah the pain I remember ».

Une personnalité qui tranche

Au micro, le rappeur développe des flows immédiatement reconnaissables, mi-grognés mi-rappés, qui rappellent parfois les livraisons furieuses de feu Bankroll Fresh ou la conviction de Waka Flocka. Au premier abord, sa musique peut paraître peu accessible. Ses livraisons, austères. Mais le charme opère au bout de quelques écoutes. On se retrouve pris dans un tourbillon rimes, un flow à géométrie variable qui nous embarque dans le tumulte des lyrics et nous réceptionne sur un matelas de velours. Là ou Maxo fait mouche, c’est qu’il paraît presque hors du temps tant son approche au rap est traditionnaliste.

Maxo fait comme si Drake, Future et Fetty Wap n’avaient jamais existé et se concentre sur un rap brut sans vocalises triomphantes ou dépressives. Et maintenant que le chant s’est à ce point immiscé dans le rap mainstream, un jeune talent comme Maxo Kream représente un retour aux traditions du rap qui rafraîchit plus qu’il ne détonne. Les rares fois où il s’essaie au chant, comme sur « G3 », ça donne quelque chose de vaguement hypnotisant qui n’est pas sans rappeler le « L$D » d’A$AP Rocky. Il y a référence plus traîtresse.

Vous l’aurez compris, ce rap n’est sans doute pas à mettre dans toutes les oreilles. Crue, sombre et terriblement riche en détails sur la vie de son auteur, la musique de Maxo Kream permet de rentrer sans détour dans l’imaginaire – l’ordinaire ? – du rappeur. Sans garantie d’en sortir indemne. Pourquoi s’y plonger ? D’une part, parce que la vie qu’il décrit reste le quotidien de certains même si l’on ferme les yeux. D’autre part, parce que Maxo Kream dévoile une humanité vacillante dans ce contexte dur, et que son rap frôle, consciemment ou pas, la confession. Instructif et salutaire : à nous de l’écouter.

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