Rencontre avec MC Baldassari, jeune française expatriée à Montréal qui refuse, malgré la nature de son oeuvre, que l’étiquette du genre soit collée à son travail. Une artiste qui dessine des femmes oui, une femme artiste qui dessine non.
On en a déjà parlé ici, et partout ailleurs. Depuis les années 1970, elles font l’objet, d’articles, de thèses, de débats politiques et sociaux, ces femmes artistes ou artistes femmes que l’on essaie de catégoriser malgré leur diversité. Sauf qu’ici, ce qui nous intéresse avant tout c’est la qualité de l’art proposé. On a eu la chance de discuter avec plusieurs artistes qui s’avéraient être des femmes. Pour beaucoup d’entre elles, leur genre avait son importance dans leur pratique artistique. Danger à pratiquer dans la rue, difficulté d’acceptation dans le monde du graffiti parfois encore trop considéré comme activité masculine, utilisation de l’art comme vecteur d’un message social et engagé…
Bien qu’on soit en 2015, les inégalités sont encore trop fréquentes dans le monde de l’art qui se voudrait ouvert d’esprit, et tout notre respect va à ces artistes, qu’importe leur genre, leur ethnicité, leur croyance, qui utilisent leur pratique pour changer les mentalités. Pourtant, ça nous aussi fait du bien de rencontrer des artistes qui font de l’art pour l’art.
C’est le cas de MC Baldassari, française qui déménage à Montréal après son BTS pour faire des études en Design Industriel. Quand on s’est assis avec elle pour discuter de son statut d’artiste femme, elle nous a simplement répondu : « Je ne m’étais jamais posé la question jusqu’à ce qu’on me la pose. » Bien qu’elle n’ait jamais fait de vandalisme, l’artiste a souvent travaillé pour des projets commandités dans la rue, soit pour des festivals ou dans le cadre du projet En Masse, regroupement d’artistes issus du graffiti, du lowbrow ou encore de l’illustration. Dans ce contexte, elle s’est souvent retrouvée à être la seule fille dans un groupe de gars et pourtant, elle ne s’est jamais sentie discriminée.
Que ce soit sur le plan esthétique ou dans sa vie d’artiste, MC aime les contradictions. L’allure tomboy et son franc parlé clashent avec ses compositions, où elle travaille la figure avec détail et délicatesse, utilise des couleurs pastels, des compositions florales… alors que ses oeuvres sont majoritairement réalisées sur du bois, du carton, du ciment, des matériaux bruts trouvés dans la rue. « J’ai commencé a dessiné des filles quand j’étais un vrai tomboy, inconsciemment j’exploitais ma féminité à travers mon travail. »
Pourtant, si l’artiste se concentre sur les figures féminines dans ses oeuvres, c’est plus par complaisance esthétique. La fluidité des courbes ou de la chevelure sont, pour elle, des éléments graphiques qui lui offre plus de diversité dans son travail. La chevelure démesurée de ses personnages devient en quelque sorte la marque de fabrique de l’artiste, elle en utilise la substance pour construire ses œuvres. Et même dans ses dernières créations où elle délaisse quelque peu la figure féminine pour se concentrer sur la composition dans son ensemble, la crinière des personnes occupe toujours une grande surface de la toile.
En effet, avec sa dernière exposition en date, Work in Progress, le personnage reste toujours présent mais l’accent est donné sur la composition. L’artiste pousse le détail à son paroxysme. Là où, avant, les formes géométriques et florale occupaient de ça de là l’espace, elles sont aujourd’hui utilisées comme véritable éléments architecturaux. On retrouve l’influence du Design Industriel dans des illustrations à la symétrie parfaite, les éléments affluant de tous cotés se fondent les uns dans les autres ce qui évite l’effet de surcharge. Quand on voit la remarquable évolution du travail de MC Baldassari, on est satisfait que l’artiste se concentre sur son art et sans penser au reste. « Je suis une artiste avant d’être une femme, de toute façon, l’art ne devrait pas avoir de genre. »