Kamaiyah va secouer la Bay Area

mercredi 6 avril 2016, par Florian Berger. .
Qui est Kamaiyah ? Biberonnée au hip-hop de Oakland et désireuse de ramener la musique « made in Bay Area » au centre des attentions, la rappeuse a dévoilé ce mois-ci une mixtape retentissante qui la place comme l’une des newscomers à suivre attentivement en 2016. Focus.

Il y a une dizaine de jours, alors que nous vivions nos derniers instants à l’heure d’hiver et que le soleil se montrait enfin à son avantage, nous tombions sur le premier projet de Kamaiyah, intitulé A Good Night In the Ghetto. S’en suit alors 50 minutes de déhanchement intempestifs et une certitude : enfin une emcee capable de porter l’étendard de la Bay Area. Quelques jours plus tard, Pitchfork, l’un des médias musicaux de référence, lui décerne le titre de « best new music » à la surprise générale. Juste avant cela, FADER l’avait déjà invitée au SXSW. S’en suit quelques chroniques sur divers autres sites, mais le buzz ne semble pas encore mettre en avant cette rappeuse pourtant prête à bousculer la hiérarchie. On en remet une couche en vous affirmant que Kamaiyah a tout pour s’imposer comme une artiste qui compte, à Oakland et ailleurs.

Who’s that girl ?

Qui connaît vraiment Kamaiyah ? Soyons honnête, peu de monde. Quelques interviews ont filtré sur la toile et seulement deux titres furent mis en boîte pour promouvoir A Good Night In The Ghetto. Le projet fait donc véritablement office de présentation pour l’artiste de 21 ans qui a préféré mettre ses talents en avant avant de se dévoiler davantage. Parfait pour une région exigeante qui manque encore cruellement de porte-drapeaux et qui est loin de se satisfaire des newcomers qui se sont fait connaître à l’échelle nationale – Kehlani, Iamsu! et G-Eazy en tête de file. Outre la critique unanime de sa mixtape par les médias, c’est surtout ce que dégage Kamaiyah qui séduit la nation des Golden State Warriors : une immuable authenticité dénuée d’intentions séductrices, un profil rare pour toute artiste féminine en 2016. Il suffit de regarder deux minutes les ravages du cas Kehlani, littéralement transformée en sexy starlette par une industrie cruelle avec tout ce qui ne rentre pas dans les nouveaux carcans de la réussite. Non, ce n’est évidemment pas lié uniquement à un désastre amoureux. Le Twitter de Kamaiyah est justement la parfaite illustration de ce point : une succession de pensées balancées à chaud où tout s’entremêle. « I don’t need nobodies cosign I’m my own cosign. »

Mais rien n’a été facile pour Kamaiyah. Son enfance a pour le moins été tourmentée : à l’adolescence, elle est priée par sa mère de quitter le foyer familial. Un choc dont elle dit aujourd’hui qu’il lui a permis de savoir ce qu’elle voulait réaliser dans sa vie. Le choix est alors cornélien : investir son argent dans la musique ou payer des factures. Son frère, qui croit beaucoup en elle, décide de l’héberger et la pousse à faire ce qu’elle a toujours eu envie de faire : rapper. Avec comme inspiration Missy Elliott, Lauyn Hill ou encore MC Lyte, la femcee essaye de se faire une place sur la scène locale dominée exclusivement par des hommes. Sa persévérance finit par payer : A Good Day In The Ghetto incarne tout ce qui a construit cette jeune femme et tout ce qui lui permet aujourd’hui d’envisager une carrière à la hauteur de ses propres attentes.

On s’enflamme pour Kamaiyah car elle regroupe et représente les codes du hip-hop made in Oakland. On retrouve à travers les 16 titres les influences funky de Mac Dre ou de Too Short, des rappeurs qui ont marqué la région et l’histoire du rap. Sur A Good Night In a Ghetto, comme son le titre l’indique, c’est la joie de vivre qui est mis en avant. Si elle fait de la musique, c’est pour transmettre de la joie et créer une bande-son positive pour les jeunes. Kamaiyah, c’est la fille avec qui tu as envie d’être pote, de descendre une bouteille de Jameson et de rider au volant d’une Cadillac.

DEVENIR LA PLUS GRANDE

Attachée à ses racines et à son entourage, sa mixtape est essentiellement composée de producteurs de la Bay comme CT Beats, ami de longue date qui a produit le monstrueux « How Does It Feel » ou encore le beatmaker d’Alameda, Trackademicks. Seule la star californienne YG apparaît en featuring sur « Fuck It Up » pour une connexion South Cali/Bay Area de premier choix tellement le track a tout d’un tube en puissance. Le véritable tour de force de la rappeuse est de piocher dans les sonorités funky et saccadées qui font la spécificité de la Bay Area toute en les remettant au goût du jour. Avec sa voix grave et groovy (il nous a fallu trois titres avant de réaliser que c’était une femme), Kamaiyah est un caméléon qui s’adapte sur des morceaux festifs mais sait aussi nous toucher sur des sujets plus graves avec « For My Dawg » où elle rend hommage à son frère, frappé par un cancer.

À l’image de sa mixtape, Kamaiyah est sincère et globalement joviale. Outre le fait qu’elle puisse rendre, à sa manière, ses lettres de noblesses à la Bay, celle que Pitchfork qualifie déjà de « star » pourrait bien prochainement croquer la scène internationale. Quand on lui demande d’ailleurs ce qu’elle souhaite être dans cinq ans, elle ne passe pas par quatre chemin : « Être la plus grande artiste féminine de la décennie. » C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

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