Disiz x Eff Gee x A2H

lundi 5 novembre 2012, par Julie Green.

Julie
Une chose est sûre : avec Extra-Lucide, Disiz prend définitivement le parti de sortir des carcans du rap. Au début, ça ressemble à une bonne nouvelle : un bon rap n’est-il pas un rap libre ? Sa démocratisation établie dans l’Hexagone, il peut désormais aller se frotter à la variet’ sans honte. Oui mais. Sur cet Extra Lucide flotte rapidement un sentiment d’inabouti, d’inégal où les refrains par exemple desservent bien trop souvent les couplets; certains pourtant mériteraient meilleure exposition, notamment « Je Les Garde », « Les Bienveillants », et surtout « Life is Good ». On a beau attendre Disiz pendant 25 titres – Dieu, 25 titres, pourquoi ?! -, au final cet album ressemble plus à celui d’un artiste pop qui se serait essayé au rap que l’inverse. Et ni les quelques titres au dessus – « Fukushima », « Combien de Temps ? », « Go Go Gadget » avec Orelsan, « Les Moyens du Bord », ou encore le super smooth « Elle t’a Eu »-, trop peu nombreux en définitive, ni les références geek bien senties, et pas même le très bon remix de « Toussa Toussa » (avec Mac Miller, là encore) ne viendront faire basculer cet album du bon coté  : au final, on se serait bien contenté de l’EP.

Florian
A la base, je suis un grand fan de Disiz, j’ai toujours apprécié ses albums, ses paroles et sa vision du rap. Après un bref passage raté dans le rock, l’EP Lucide m’avait fait bonne impression dans un rap français qui manque encore de piment. Arrive enfin Extra-Lucide, un album de … 26 tracks, c’est presque trop riche, qui sonne pour lui comme l’aboutissement, l’opus tant rêvé. Déjà, en écoutant les premiers extrait « Extra Lucide et « Best Day Ever », ça sentait le roussi : un Disiz qui tourne en rond et en légèreté, un parti pris qui ne me touche absolument pas. Je me lance donc dans l’écoute de l’album avec quelques réticences. Et là c’est le drame. Disiz fait du Disiz, mais destiné aux ados de 13-15 ans :  les pistes édulcorées s’enchaînent, à chaque fois il semble se poser en moralisateur, fais pas ci, fais pas ça, désolé mais ça m’horripile grandement. Viennent les featurings passables avec Mac Miller et Orelsan, le remix de « Toussa Toussa » est raté, tandis que « Go Go Gadget Flow » frôle l’inaudible. Préférez la version signée par Lupe Fiasco. Il reste encore une dizaine de tracks pour boucler cet album interminable, je me demande même si je vais avoir la force de le finir. J’y arrive malgré moi, heureusement car cela m’a permis de découvrir « Fukhusima », seul morceau qui en vaille vraiment la peine.

A ma grande peine, j’ai ressenti Extra Lucide comme un album fade, régressif ( « Tu tu tu tu tu tu brilles »), torturé entre des messages à vocation éducative et des punchlines de CM2. Par contre, il faut avouer que l’ensemble est aussi bien produit que formaté. J’ai cependant perçu le soin apporté à la musicalité de ce projet : on sent que l’interlude Peter Punk a renforcé les connaissances et compétences sonores d’un artiste qui y était déjà sensible. Au final, Disiz s’est peut-être enflammé en lâchant ce gros gâteau de 26 parts, à s’y brûler les ailes. Le pire de ça, c’est que les minettes et les pré-pubères vont adorer, ça va passer sur Skyrock ou NRJ toutes les heures. Finalement, c’est peut être la reconnaissance d’un nouveau public qu’il cherchait, voire le succès commercial, à défaut de préserver une discographie hip-hop excellente jusqu’à aujourd’hui. Après tout je ne suis qu’un auditeur parmi tant d’autres … Au revoir, Sérigne M’Baye Gueye, je vais relancer Disiz The End.

 

 

Julie
Par quoi commencer ? La beauté des prods et des refrains, la pureté de l’intention, la puissance du flow, les trésors de punchlines… A2H tape d’un grand coup sur la table avec Bipolaire. En deux mots : la classe. Le jouissif et tendu « Presque sur Toi » ouvre un album qu’on a clairement pas fini d’écouter cette année. Pendant plus d’une heure A2H va déployer ses ailes pour un voyage 4 étoiles dans les jardins du rap. Tour à tour est parfaitement groovy sur « Bipolaire » et « Mon Rap », pour ne citer qu’elles, appliqué sur « Laisse Faire » où il enterre le pourtant excellent Deen Burbigo, puis délicieusement festif et futile sur « Happy Face ». Techniquement au-dessus sur « Bande d’Enfoirés, on découvre aussi un rappeur sensible et touchant sur « Mme Middle Class », superbe hommage à sa mère et à cette classe moyenne trop souvent oubliée dans le rap. Délirant sur « Clio Grise », A2H s’offre même le luxe d’offrir une digne petite soeur aux « Filles du Mouv »de Gynecoavec le génial « Lea ». Se baladant sans cesse avec un naturel déconcertant entre l’old school et moderne, le MC est toujours juste, efficace, surprenant. Et bon, très bon. De ce bipolaire, on garde tout et on appuie sur repeat. Tous ensemble, please.

Florian
C’est avec une certaine excitation que j’attendais l’album du « A2  putain de H ». Après avoir été conquis par ses mixtapes, il se lance dans le grand bain avec son premier album Bipolaire. Il se montre au grand jour, se met à nu devant son public : un disque touchant et puissant, duquel on ne peut rester insensible. Alors c’est sûr, A2H a un flow assez particulier qui peut rebuter certaines personnes, mais pas moi. Il n’y a quasiment rien à jeter dans ce premier opus, le single ‘Laisse Faire’ avec Deen Burbigo, décidément dans tous les bons coups, frappe tel un bon uppercut. La signification de Bipolaire prend tout son sens avec l’enchaînement des tracks « Happy Face » et « Bande d’enfoirés » où l’on traverse différentes ambiances en l’espace de quelques minutes. Mais ma piste préféré est « Léa », un storytelling incroyable sur les filles en 2012 que A2H a parfaitement cerné. Un album quasi parfait qui surfe sur cette nouvelle génération, cet électron libre du rap français a tout pour faire grande carrière. C’est bien parti en tout cas.

 

 

Florian
Après l’éclosion de plusieurs rappeurs connectés à L’Entourage – 1995, Deen Burbigo, Jazzy Bazz, Guizmo we see you -, Eff Gee vient tout juste de sortir son premier projet Keskon Eff. Connu pour se faire lyncher régulièrement par les fans du collectif, soit-disant considéré comme l’artiste le plus « faible », Eff n’a rien à perdre, donc presque tout à gagner. Dès l’entame de l’album, j’aime beaucoup. Eff a beaucoup de choses à dire et montre un phrasé vraiment intéressant, ponctué de multiples sonorités qui respire le bon hip-hop. Son morceau « Ennemi Public » montre pour moi tout l’étendu du talent de ce garçon qui tourne en dérision sa « mauvaise » réputation. Beaucoup de rappeurs de L’Entourage viennent également apporter leurs soutien : Deen Burbigo, Nekfeu, Alpha Wann ou encore Jazzy Bazz. Le projet est concret, l’album tabasse. On ne peut que te prendre qu’au sérieux maintenant Eff.

 

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