Everydayz : « Je fais de la musique bâtarde de 2015 »

jeudi 2 juillet 2015, par Ken Fernandez.

Il est né sous le soleil de Perpignan. Depuis, il ne l’a jamais quitté. À l’occasion de son passage à L’Original Festival début juin, on a discuté avec le talentueux beatmaker Everydayz qui a abordé avec nous son projet Almeria avec le Lyonnais Phazz, le futur de Gros Mo, sa rencontre avec Black Milk et la nouvelle reconnaissance des jeunes producteurs de l’hexagone.

Toujours en famille. Avant même que PNL ne popularise le concept #QLF (comprendre « que la famille »), les gars du Perpi’zoo l’appliquaient déjà dans chacune de leur démarche artistique. Nemir, Gros Mo, Everydayz et plus récemment Poussière Urbaine (P-U CLAN) : à Perpignan, pas question de faire son truc dans son coin. C’est dans assez naturellement qu’Everydayz est venu pour chauffer L‘Original festival, le lundi 1er juin, accompagné de son pote Gros Mo. Le jeune beatmaker est devenu en quelques années l’un des talents à suivre du beatmaking français, mais pas que.

Entretien fleuve avec l’un des porte-drapeaux de la nouvelle vague de producteurs français, avec de vrais petits morceaux du #BOULEHYA par-ci, par-là.

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SURL : T’es venu avec Gros Mo ce soir. Pour vous c’est Casa Musicale for ever ?

Ben oui, même bien avant ça j’ai envie de dire. C’est pas seulement Casa for ever, c’est juste le délire de venir avec un pote. D’autant qu’on est souvent venus ici avec Nemir aussi. A chaque fois on sait que ça va être cool, qu’on va croiser d’autre personnes qu’on connaît, qu’on va passer un bon moment. C’est pour ça que Gros Mo est venu avec moi ce soir, pour kiffer.

Vous travaillez ensemble en ce moment ?

Ouais ouais, on fait des morceaux ensemble pour le projet de Gros Mo justement. Donc ouais, on est toujours connectés. De toute façon, on habite toujours à Perpignan donc on se voit tout le temps en fait finalement.

Le truc le plus dingue que vous ayez fait ensemble ?

Gros Mo : Je sais pas, violer des enfants ? Non plus sérieusement, pour moi le truc le plus fou qu’on ai fait ensemble c’est cette tournée, et toute la tournée dans son ensemble. Le « Ailleurs Tours », c’était vraiment fou.

Everydayz : C’est vrai que le « Ailleurs Tour », c’était compact. On peut dire que toute cette période était assez folle.

Gros Mo : Avec les premières parties de Stromae, avec les flops sur scène quand le public n’est pas près à voir des rappeurs, avec des euphories de malade. C’est pour ça que c’est toute la tournée « Ailleurs Tour » qui était une dinguerie.

Et toi justement Gros Mo, t’en es où ?

Je bosse sur un deuxième EP 7 titres, gratuit, pareil que le premier, qui sort bientôt. Il faut que ça sorte d’ici cet été, ce serait bien. Au niveau des productions, ils sont deux, avec En’Zoo et Everydayz, pareil que sur le Fils de Pute. On essaie de faire pareil avec Everydayz sur les tracks qu’on bosse en ce moment.

Vous vous êtes débarrassés de Nemir ?

Everydayz : C’est surtout lui qui s’est débarrassé de nous. Non non, il est toujours là, même si en ce moment il est pas à Perpi, mais il charbonne sur son album, il bosse à fond. On espère que le disque sortira à la rentrée. Plutôt rentrée 2016 a priori. Enfin, y a pas encore de date en fait, donc on attend juste avec impatience.

Tu viens de sortir le LP Almeria avec Phazz, tu peux nous raconter votre rencontre ?

C’est un pote de Lyon, je dirais même que c’est un pote de Lyon et d’Internet. Parce qu’on se croisait, mais là ou on a vraiment fait connaissance en s’échangeant des morceaux, en s’envoyant des messages, avec Soundcloud, Skype, enfin voilà, c’est vraiment là qu’on s’est connectés. Et à un moment donné, y a Hugo de La Fine Equipe qui m’a proposé de faire un projet. J’ai directement pensé à Phazz parce que je savais que ça serait cool de bosser avec.

C’est quelque chose qui se fait de plus en plus naturellement de rencontrer d’autres artistes sur le net ?

Oui, à fond, on a même des groupes de discussion sur lesquels on s’échange des idées, on suit ce qui se passe niveau nouveautés ou matos. La musique évolue tout le temps très vite donc tu arrives forcément à des problématiques. Le fait de se connecter à fond avec d’autres gars qui sont branchés sur le même truc que toi ça te permet de rester dedans.

On essaie aussi de se croiser. Lorsqu’un artiste fait un show dans la ville d’un pote ou d’un contact, on essaie toujours de se voir. Entre beatmakers, il y a une petite communauté qui s’est créée à force de se côtoyer et faire des projets, que ce soit en France ou ailleurs. On crée un tissu.

La musique en fait, c’est avant tout un truc de potes ?

Oui, avec les potes et les gens qui partagent les mêmes valeurs et les mêmes envies musicales que moi. Des gens qui ont envie de faire quelque chose qui leur fasse plaisir, de qualitatif. Moi j’aime bien bosser avec des gens qui ont comme motivation la qualité.

Comment juges-tu le beatmaking en France actuellement ? Comment le définir ?

Y a toujours eu des vagues, moi je fais des sons depuis une dizaine d’année et il y a des modes. C’est comme dans tout, comme dans le rap, dans les placements et dans les rythmiques, cela évolue selon les modes, les courants. Il y a tout le temps des évolutions dans la musique et nous on suit, on modifie, on essaie de créer. C’est comme le boom bap qui a une époque était la couleur dominante. Ensuite, moi j’aime pas trop parler de type de musique. C’est comme la trap, pour moi ça ne veut plus dire grand chose. Je préfère parler de musique actuelle. Pour moi, je fais de la musique batarde de 2015, mais je ne vois pas vraiment de genre en particulier.

Il y une grosse génération de producteurs et de beatmakers français reconnus dans le monde. Comment expliques-tu ce phénomène ?

Il y a de très très bon producteurs dans cette génération de ‘future beat’, comme on a voulu l’appeler, et il y en qui arrivent de plein d’horizons. Tu en as qui viennent de la bass music, tu en as qui viennent du hip-hop, d’autres gars viennent carrément du sound design et tout ce mélange de savoirs-faire actuels donne cette musique qui pour moi n’a pas de nom. On a voulu dire que c’est de la future base ou de la trap, ou je ne sais quoi, mais pour moi c’est juste de la musique électronique actuelle. Ensuite comme je disais il y a des modes donc c’est normal que les gens suivent. Par exemple si Drake sort un truc c’est normal qu’il influence le reste et vice-versa.

C’est ce que tu as appelles toi « briser les codes musicaux » ?

Pour moi en fait, il y a plus des gars à suivre que des styles. Par exemple Kendrick Lamar, son album « To Pimp a Butterfly » est fou. Pourtant quand tu l’écoutes, il y a plein de styles musicaux différent. Comment définir ou expliquer tout ça ? Je ne sais pas, mais le plus important c’est qu’au final le projet est dingue.

C’est qui pour toi les gars à suivre en ce moment ?

Ben Kendrick Lamar, c’est clair que c’est quelqu’un d’avant-gardiste de ouf. Ensuite, il y a Drake que j’adore, Rae Sremmurd aussi que j’apprécie beaucoup dans les jeunes à suivre. Sinon le dernier ASAP est quand même fou. « LSD » m’a mis une sacré claque. Après, en France, il y a Vald, franchement je kiffe, ça défonce. Enfin voilà, j’écoute pas mal de sons dans différents styles. Je pourrais pas vraiment te dire ce que j’écoute en ce moment, parce que j’écoute surtout Fip, donc ils passent un peu de tout.

T’as fait un morceaux avec Black Milk, tu peux nous raconter votre rencontre ?

C’est assez fou et même la rencontre est assez folle. En gros, Nasty, qui s’occupait du secteur hip-hop à la Casa Musicale, est aussi une personne très connectée au réseau hip-hop. Il a réussi à rentrer en contact avec le manager Europe de Black Milk à cette époque. Black Milk partait de Montreux Jazz pour aller à Barcelone et donc Nas’ a géré pour qu’il s’arrête en off un jour et qu’on fasse un morceau ensemble au studio de la Casa. Il est donc venu en toute décontraction à Perpignan, on a fait le morceaux. C’était assez surréaliste.

Et comment ça se passe une journée à Perpignan avec Black Milk ?

Beaucoup de son. On les a accueilli, on a mangé ensemble une bonne crêpe sur la place Rép, au « Happy Day » et on a taffé sur le son toute la journée. C’était vraiment une expérience de fou. Une journée épique.

Quelle est la différence entre faire tes sons et travailler avec un MC dans ton travail ?

En fait, le MC pour moi c’est un instrument de plus et c’est un instrument qui est lead donc tu n’organises pas la musique pareil entre la musique instrumentale et un son pour un rappeur. C’est pas les mêmes ressorts, c’est pas la même intention. Tu peux avoir une boucle très minimaliste qui se suffit à elle-même pour rapper alors que si tu enlèves le rap, cette même boucle n’aurait aucun intérêt. Vice-versa, tu as des morceaux instrumentaux qui défoncent et si tu mets une voix dessus, elle gâche totalement l’instru. Donc pour moi c’est surtout une différence d’intention.

Et qu’est ce que tu préfères ?

Honnêtement les deux, même si je crois qu’actuellement j’aime plus bosser avec la voix. Je pense qu’il y a aujourd’hui beaucoup de choses intéressantes à faire avec la voix, avec les auto-tune, les pitch, les screw, les repeat. Donc en ce moment oui, j’aime bien faire des sons pour des rappeurs.

Avec ta reconnaissance actuelle, est-ce que tu as été contacté par d’autres rappeurs pour bosser sur des projets communs ?

Oui, il y a des discussions. J’essaie par exemple de faire un morceaux avec Jazzy Bazz depuis quelques temps. Il travaille encore dessus, mais ça va se faire. C’est quelqu’un de minutieux, c’est cool. Enfin voilà, y a quelques projets de temps en temps. Ensuite le problème que j’ai avec les rappeurs c’est que j’ai un peu de mal à communiquer et souvent les rappeurs ont ce même problème, ce qui fait qu’à la fin on ne communique pas et ça reste en suspens. J’ai fait quelques tentatives qui n’ont jamais abouties. Justement, les seuls trucs qui aboutissent c’est avec l’équipe, parce qu’on se voit physiquement et c’est là où ça marche. Internet, c’est trop de latence.

On t’a aussi vu avec Ichon de Bon Gamin dans ton clip « Né sous le Sun » ?

Je kiffe grave ce qu’il fait. Enfin, même ce qu’ils font, que ce soit Myth Syzer, Bon Gamin, je suis grave fan, c’est vraiment frais. Ensuite, je sais pas pourquoi ça ne s’est pas fait, c’est toujours pareil, il faut qu’on se capte. Il y a plein de gens avec qui j’aimerais faire des morceaux et le pire c’est que je les côtoie. Mais on verra.

Et toi qui viens souvent sur Lyon, t’as pas eu de plans avec des rappeurs lyonnais ?

J’avais fait un son pour Nanoo l’Underground, qui était une super expérience. Un rappeur de Lyon qui tourne depuis longtemps.

Gros Mo : Ça déchire Nanoo l’Underground.

Mais c’est vrai que sinon entre les rappeurs et moi il n’y a jamais eu trop de collabs. Même si j’aimerais, c’est au feeling, donc faut être avec la personne à un moment donné, enfermé pour faire de la zik. Ça se fait pas sinon.

T’as étudié au Conservatoire de Lyon, c’est une démarche originale ?

Oui et non. Je vois autour de moi plein de personnes qui ont fait des études en lien avec le son. Il y a beaucoup d’autodidactes, mais que je qualifierais d’améliorés, de 2.0, qui ont essayé de grappiller. Aujourd’hui, tu es obligé parce que beaucoup d’instrumentistes se sont mis à produire. Ils ont déjà la connaissance musicale et produire, c’est pas non plus un truc de fou. Si tu t’y mets vraiment tu pourras produire des choses. Donc les gens qui font de la prod sont obligés de combler leurs lacunes.

Qu’est ce que ça t’a apporté ?

Pour moi c’est une démarche conservatrice de la musique. Il y a des musiques qui sont complexes, qui demandent un savoir faire pour les jouer donc ils forment des gens pour que cet héritage culturel soit perpétré. Et ils se sont ouverts aux musiques actuelles en créant un département, qui est quelque chose de récent et en développement. Ça m’a permis d’avoir accès à des savoirs classiques, mais sans aller en profondeur non plus. Cela n’a rien à voir avec des études de classique ou de jazz. C’est une version moderne du conservatoire.

Et comment est-ce que tu travailles ?

Ça dépend des projets, mais en général c’est des grosses sessions de studio de quatre-cinq heures. Tu fais une petite pause et tu rattaques. J’ai pas vraiment de méthode de travail particulière, si ce n’est s’enfermer et rester concentré sur ce que je fais.

Entre le studio ou la scène comme ce soir au Transbordeur, qu’est ce que tu préfères ?

C’est deux approches très différentes. Je dirais même contradictoires. C’est complètement l’opposé. Le studio c’est très introspectif, très calme, c’est un truc d’ermite. Alors que là, il faut faire vivre un spectacle donc c’est de la vie, du mouvement, du bruit. C’est à la fois antagoniste et complémentaire parce que c’est un kiff de jouer sur scène, partager ce que tu as préparé chez toi. La scène c’est comme un plat que t’aurais préparé et que tu sers aux gens en ayant envie qu’ils se régalent.

Tes projets pour les mois à venir ?

On développe « Almeria » avec Phazz, donc on va bouger un maximum pour faire des dates. Je vais aussi en faire en solo, je vais jour aux Francofolies, au Festineuch à Neuchatel et au festival La Calypso à Perpignan, c’est un petit festival indé mais dans lequel je crois à fond. Donc c’est surtout ça l’actualité. Ensuite, je sais déjà que l’année prochaine je vais tourner avec Nemir, donc c’est ça la suite vraiment réelle et concrète pour moi : essayer de booster au maximum le projet Everydayz, jusqu’à la tournée avec Nemir. Et de repartir sur un an de tournée intensive à développer notre bande, notre groupe et essayer de faire un bon show et de triper entre potes.

 

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