A-t-on raison d’être excités par l’album de Gunplay ?

lundi 1 juin 2015, par Kévin.

Cette fois-ci, on le tient : le premier album tant attendu de Gunplay devrait venir déflorer tes oreilles cet été. Après des années d’attente, une flopée de mixtapes et un changement de titre (Medellin est devenu Living Legend), les deux singles sortis récemment ne laissent que peu de place au doute : l’album studio de Richard Morales Jr., l’une des plus grandes arlésiennes du rap game, sera là à temps pour faire cracher les enceintes de ta 206 sur la route de la plage.

Avec une vingtaine d’années de rap au compteur, Gunplay demeure pourtant une énigme : ce personnage fascinant, débordant de charisme, et inscrit dans l’une des plus grosses écuries de rap des années 2010, n’a, soyons honnêtes, jamais su créer le projet qui mette tout le monde d’accord. Peut-on (doit-on ?) encore attendre quelque chose d’un album de Gunplay ?

« A rebel I be one day, on that track with Gunplay », clamait A$AP Rocky sur son titre « Ghetto Symphony ». Mais pourquoi donc ce MC reconnu par tout le monde comme faisant partie des meilleurs, ou en tout cas des plus trill, a-t-il autant galéré à sortir sa galette ? Plusieurs choses viennent à l’esprit. Déjà, une armoire à pharmacie bien trop remplie de substances qui n’ont pas tendance à booster la productivité, et des sévères problèmes d’addiction à la cocaïne qu’il s’est trainés pendant un moment. Ensuite, des activités illégales le conduisant à des flirts dangereux et incessants avec la case prison. Finalement, une personnalité bien ruff qui a rendu son label, Def Jam, frileux à l’idée de sortir un disque dont la promo déclencherait certainement plus de polémiques qu’elle n’engrangerait de bénéfices. Avec un mec capable de se faire tatouer un symbole nazi sur la nuque avant de t’expliquer que c’est, en fait, pour marquer son engagement dans un génocide contre la connerie, on peut leur accorder le bénéfice du doute.

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Réduit depuis 2009 à proposer des mixtapes souvent appréciées et à briller à travers ses featurings (dont le plus célèbre a contribué à populariser un petit jeune du nom de Kendrick Lamar), Morales, en plein déboires avec la justice, n’a rien fait pour développer sa carrière, malgré les soutiens solides qui le poussaient dans l’ombre (son label, Def Jam, et son pote de toujours, Rick Ross). On n’a d’ailleurs pas échappé à une tentative d’incursion commerciale vaseuse dans l’EDM qui nous a fait craindre le pire pour l’album à venir, si celui-ci finissait par arriver un jour. Finalement, la situation s’est compliquée au point d’amener le rappeur à sortir quelques titres sous son blaze alternatif, les patrons de chez Def Jam estimant par une froide matinée de janvier 2015 qu’un album de Gunplay se vendrait mieux si l’on pouvait écrire Don Logan sur la pochette. Ppouvoir assumer la promotion du disque sans se faire refouler par les médias, en somme ; difficile d’inviter sur les plateaux un artiste dont même le nom pose problème à l’antenne.

Quelques mois plus tard, c’est pourtant bien sous le nom de Gunplay que le Floridien a annoncé son album via deux singles prometteurs. Le premier, « Tell’Em’Daddy », est un titre où le MC use du flow rageur et tapageur qui constitue sa marque de fabrique pour faire la liste de tout ce qu’il représente (à le croire, ça en fait). Un titre que sa fanbase appréciera, mais qui ne convaincra certainement pas ceux qui ne font pas partie du cercle des initiés, ceux qui ne savent pas que Gunplay, c’est avant tout une interprétation, une manière de scander et d’aboyer des rimes écrites avec les tripes. « I’m the money under the table / And the one that buy the food. » Le rappeur du Maybach Music Group ne parle que de ce qu’il connait, et celui qui osera lui reprocher son authenticité pourrait disparaître dans de mystérieuses circonstances.

Le second single, « WuzHaninDoe » (comprends What’s happening though ?), en combinaison avec YG, ratisse plus large sur une production de l’inévitable DJ Mustard. Sur un titre qui pourrait tout aussi bien être une chute de My Krazy Life, Morales dresse l’inventaire d’une vie de thug bien remplie, entre filles faciles, corps tatoué, menaces et scènes de tir dans les blocks. Un track efficace et sans fioritures, capable de rassembler le public rap autour de ce personnage de gangster haut en couleur. Ironie de l’histoire, c’est ici YG, qui n’avait même pas dix piges quand Gunplay rappait déjà avec un associé ex-maton nommé Rick Ross, qui fait bénéficier de son aura un Don Logan que certains n’hésitent pourtant pas à qualifier de Living Legend.

A plus de 35 balais, le statut d’éternel espoir commence à être pesant pour l’auteur de « Bible on The Dash », qui n’a plus grand-chose à prouver, sans pour autant avoir jamais sorti d’album studio. Si les extraits distillés depuis quelques temps n’ont pas tous rassuré, les deux singles (à supposer qu’ils se retrouvent bien sur l’album dont la tracklist se fait attendre) ont confirmé deux choses. D’une, Gunplay est toujours capable de dompter n’importe quelle instru qui lui laisse la place de faire vrombir ses cordes vocales. De deux, en se payant la combinaison trois étoiles avec YG et DJ Mustard (les Simon & Garfunkel du rap west coast, osons-le), Def Jam a montré qu’ils étaient prêts à mettre les moyens pour offrir au public un album à la hauteur de ses attentes. Bien que sa sortie soit apparemment programmée le même jour que celle de la galette de Jeremih. M’enfin.

Alors que le disque semble enfin approcher à grand pas, l’état d’esprit des fans oscille entre euphorie et fébrilité. Don Logan réussira-t-il à inscrire son rap de rue sauvage et boosté à l’égo dans un long format officiel ? On sait les gens de chez Def Jam capables du meilleur, en respectant les choix des artistes ayant un univers fort (le dernier album de Common, l’EP de Vince Staples…) comme du moins bon, en vampirisant les artistes « éponges » (qui se souvient de la deuxième moitié du dernier Big Sean ?). Marqueront-ils l’album de leur empreinte, où ont-ils laissé le lascar travailler comme il l’entendait ? Gunplay faisant clairement partie de la première catégorie d’artistes, on se laisse aller à être optimistes. De toute évidence, quelle que soit la réponse, il semblerait qu’on n’ait jamais été aussi près de l’avoir. Alors comme tous les amateurs de rap US, on se remet « Cartoon & Cereal », on allume un cierge, et on attend juillet.

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