Pourquoi Tory Lanez galère-t-il autant à se faire un nom ?

mardi 14 juillet 2015, par Kévin. .

« La seule chose qui m’intéresse, c’est d’atteindre le sommet. » Le genre de phrases qui ponctuent régulièrement les interviews de Daystar Peterson aka Tory Lanez, jeune artiste de Toronto. Avec une telle dose de confiance en soi et autant de talent, comme se fait-il que ce nom ne soit pas déjà sur toutes les lèvres ? Focus sur cet artiste reconnu par ses pairs qui peine pourtant à élargir son public.

À seulement 22 ans, la liste des faits d’armes de Tory Lanez est déjà impressionnante. De YG à Meek Mill, les artistes établis n’hésitent pas à faire appel à lui sur leurs albums. Le Canadien dit même avoir écrit « Quintana Part.2 » pour Travi$ Scott, ou encore « Been Gettin’ Money » pour Jeezy. Ajoutons à cela quelques mixtapes et EP qui ont bien tourné chez un public restreint mais fidèle. Qu’est ce qui cloche ? Son plus gros problème vient des comparaisons inévitables liées à sa capacité à manier avec aisance chant et rap. Comparaisons qui le conduisent souvent à un autre artiste de Toronto devenu superstar en développant ces mêmes skills caractéristiques. Vous l’aurez compris, la question peut être résumée ainsi : Tory Lanez est-il le Drake du pauvre ?

Écartons de suite cette hypothèse. Il y a du Drake chez lui, oui, mais pas seulement. Tory Lanez joue au petit chimiste qui synthétise les différentes fragrances que l’on a pu sentir ces dernières années au contact du Canada. Ces sonorités caractéristiques, tantôt cosy, parfois sombres, souvent mélancoliques imprègnent les ambiances musicales créées par Daystar. Il y a, c’est vrai, du The Weeknd dans sa manière de partir dans les aigus et de moduler sa voix sur ses phases chantées. Lanez est aussi comparable à un PartyNextDoor, en moins expérimentateur, mais tout aussi imprévisible. Quand il rappe, son flow d’artificier rappelle parfois celui d’autres artilleurs de Toronto, de Jimmy Johnson à Jazz Cartier. Dans son dernier EP, Cruel Intentions, il s’amuse même à faire des pics dans les aigus à la Rae Sremmurd.

Bref : l’ami Tory vit avec son époque et n’est forcément pas insensible à ce qui se fait autour de lui. Surtout, le bonhomme est revanchard. À 18 ans, il se fait repérer par le jamaïco-ricain Sean Kingston, qui veut carrément le signer après avoir regardé un freestyle sur Youtube. Parce qu’il se voit refuser un visa qui lui permettrait d’exploiter au maximum ses nouvelles connexions, Lanez reste sur la touche et le deal ne donne rien. À cette époque où il aurait pu percer, le jeu des comparaisons aurait été plus difficile, étant donné que la plupart de ses collègues actuels baignaient dans l’underground. De cette période difficile où il a vu le succès s’approcher de lui sans être capable de le saisir, l’homme a gardé une motivation et une envie de réussir à toute épreuve. En témoignent ses textes, riches en egotrip, références automobiles et autres descriptions sur la lourdeur des liasses qui remplissent ses poches. Peut être la revanche sur une vie pas toujours rose qui l’a conduit à être sans abri à l’âge de 14 ans. De fait, la poisse qui lui collait à la peau à ses débuts semble enfin l’avoir quitté. À présent libre d’étaler son talent à la face du monde, Daystar est parti pour le takeover.

Ce qui fait sa force, c’est une polyvalence musicale poussée à l’extrême. Se sentant limité par la classification des styles, il a inventé le sien, qu’il nomme le swavey. Non content d’avoir une douce voix propice au néo-RnB feutré et ténébreux, il est aussi un rappeur qui en a dans le ventre. Vous êtes sceptiques ? Son remix de « Danny Glover » devrait finir de vous en convaincre. Finalement, il produit ou ajoute sa patte sur une bonne partie des pistes instrumentales qu’il utilise. Si l’on ajoute à ça qu’il a déjà créé à son jeune âge sa propre marque de fringues, on ne s’étonnerait même pas si l’on apprenait qu’il expose des toiles dans une galerie d’art. Toujours plus d’énergie, pour autant de talent.

En revanche, il lui a jusque-là manqué de trouver le son, ou la marque de fabrique, qui lui permette de s’émanciper de Toronto sans pour autant trahir ses origines. Cette audace, il l’a trouvée en allant fricoter avec des producteurs de musique électronique. Après avoir travaillé avec BenZel ou Snakehips, il a carrément sorti un EP en étroite collaboration avec le collectif WEDIDIT. Entre Baauer, RL Grime, D33J ou Shlohmo, le roster qui lui a préparé des instrus démentielles a de la gueule. Quand on sait que Shlohmo a permis à Jeremih de conquérir un public et de gagner de nombreux adeptes grâce à leur EP commun, un tel rapprochement a de quoi susciter l’enthousiasme.

Cruel Intentions est une œuvre collective créée dans les studios de WEDIDIT. Ne se contentant pas d’échanger des tracks par e-mail, Tory Lanez et ses producteurs se sont enfermés en huis-clos dans le studio pour tailler des instrumentales sur mesure. La plupart des parties vocales de l’album ayant été improvisées (Daystar se vante en interview d’avoir très peu écrit pour cet EP), les producteurs ont également donné leur avis sur le rendu final. Voilà de quoi assurer un certain quality control sur le produit.

Comme la plupart des derniers titres sortis par Daystar, l’EP est fortement teinté RnB. Tory Lanez y rappe peu et pour lui, si ça peut lui apporter quelques adeptes, pourquoi pas. Connaissant sa capacité à durcir le ton, on peut imaginer que plutôt qu’une page qui se tourne, c’est une porte qui s’ouvre à lui. Il suffit de l’entendre durcir le ton sur « In For It » pour s’en convaincre. Amateur de belles voitures, il a carrément nommé un titre « Honda Civic », un de ses modèles favoris qu’il a déjà maintes fois référencé dans ses textes. En version hybride, certainement, à l’image de son style musical swavey, suave, lourd et punchy.

Surfer sans complexe sur le courant mainstream n’est d’ailleurs pas un souci pour lui, qui rêve de collaborer avec Taylor Swift, Ariana Grande ou Justin Bieber. Le succès a failli lui échapper. Il en a fait un combat de tous les instants, assumant pleinement son côté entertainer du moment que le son tourne. Une position peu ambiguë qui lui vaudra sûrement d’être regardé de haut par certains puristes, mais qui lui aura aussi permis de devenir le nouveau chouchou d’un public branché. La philosophie de Tory Lanez ? « I’m going to be the biggest artist in the world one day, and I’m not gonna stop until it happen. » Êtes-vous seulement prêts ?

Le 29 août prochain, Tory Lanez est en concert à La Maroquinerie, à Paris.

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