Walk in Paris : du graff’ à la griffe

jeudi 27 juillet 2017, par Jordan Moilim.

À l’occasion la sortie de leur toute nouvelle collection, on a rencontré Léo et Gary, fondateurs de Walk in Paris, dans un café aussi parisien que leur manière de parler de la sape. Entretien avec les deux hommes derrière une marque qui a vu le jour il y a 4 ans, au détour des rues et ruelles du 18ème arrondissement de Paris, et qui revendique comme inspiration majeure « l’âge d’or du hip-hop » .

Dans le rap, s’il y a bien un dogme que tous respectent, c’est l’importance du style. Com8, Ecko Unltd, Rocawear… autant de marques qui se sont imposées dans une époque, dans un moment de l’histoire du hip-hop en popularisant par là-même la notion de « streetwear« . Alors que les liens entre mode et rap n’ont jamais été aussi étriqués, la relève s’empare de cette fusion et voilà que créateurs de mode accompagnent créateurs de rimes et vice-versa – un sujet déjà abordé dans notre dossier sur le streetwear français (2014) ou notre focus sur Benibla. Aussi En Marche que le Président, Walk in Paris n’est pas qu’une « marque qui marche », selon son slogan, c’est surtout l’affirmation d’un état d’esprit.

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Léo, c’est une gueule d’ange derrière laquelle on pressent un double quasi-maléfique, en éternelle quête de création. Sept piges, premiers pas de danses à Champigny-sur-Marne (94), avant de devenir l’un des danseurs de la troupe de Christine and The Queens durant sa tournée mondiale, rien que ça. Gary, c’est le mec qui mettait tout le monde à l’amende niveau style. Les sapes que toi tu ne pouvais pas porter, parce que trop originales, elles lui vont comme un gant, chiant. Passé par le graff’, passionné de griffes, quand il rencontre son acolyte, l’osmose est immédiate et très vite, l’idée de monter une marque émerge de leurs discussions.

« C’était trop bizarre, on venait tout juste de se rencontrer, et on se ressemblait de ouf dans notre style, on était les deux seuls sapés comme ça, et on s’est tout de suite dit qu’on avait quelque chose à créer ensemble », raconte Gary. Ce fut le début d’une amitié pour le moins stylée qui amènera à la création il y a cinq ans de Walk in Paris. Le nom rend hommage à la nonchalance de la jeunesse parisienne, aux ardents pratiquants de la flânerie. Le Walkeur c’est un type qui fait ses affaires, qui trimbale ses groles dans tous les recoins de Paname. Forcément, avec le bagage culturel trimbalé par les deux lascars, les modèles de fringues créés fleurent bon le hip-hop d’aujourd’hui, celui qui s’inscrit à la croisée des ondes et des influences.

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« On a vraiment voulu créer une marque qui se fixe une cible, ou un type de population culturellement parlant. Juste à l’image du rap finalement, aujourd’hui ça n’est même plus un genre cerné, c’est juste de la musique. Et dans cette musique il y a un peu de rock, un peu de skate, un peu de Belgique, un peu de Paris etc… » En résulte une identité bien particulière, un ADN qu’on n’explique pas mais que l’on comprend. Tout en sobriété, le duo d’apprentis modeux sort une première collection de hoodies, t-shirt, casquettes, d’une sobriété majoritaire avec toujours le petit détail, ou la couleur qui fait la différence. Toujours, toujours avec la culture du « trop grand », cette mode débarquée dans les années 90, pleine de largesse et de liberté. « T’apprends à faire des sapes comme t’apprends à faire du rap, t’observes, tu regardes, ça te passionnes, tu te lances. »

Être un titi parisien, c’est aussi pratiquer l’art de la débrouille. Loin des budgets publicité astronomiques de l’industrie de la mode, pour faire grimper cette marque qui marche, il fallait s’appuyer sur le réseau proche, pour toucher un public plus lointain. L’imbrication est aujourd’hui de plus en plus forte entre hip-hop et mode : Kanye West et Yeezy, Sneazzy au défilé Vuitton, Ichon avec Pigalle, mais à une autre échelle le moindre des rappeurs a aujourd’hui une influence modeuse ; à l’heure où tout se voit, tout le monde regarde ce qui est porté. De quoi laisser de la place aux marques novices à l’image de Walk in Paris. « Skepta pour nous c’était un gros coup, c’était exactement la personne qu’on voulait. C’est un mec hyper influent au Royaume-Uni, autant dans le rap que dans la mode, c’est dire. Alors quand je parviens à lui filer un hoodie en scred dans les loges, et qu’en plus on peut taper la photo, c’est forcément du lourd. » Logiquement les commandes depuis le Royaume-Uni s’affolent dans la foulée de la publication de la photo. « On a toujours marché de manière simple, on a des affinités avec certains artistes parce qu’on sait que même si on pratique pas le même métier, on est dans le même univers. » L’une des concrétisations : lorsque le rookie Sopico apparaît vêtu d’un hoodie Walk in Paris dans sa reprise du « Hasard ou la chance » sur Colors. Plus de 700 000 vues, et autant de gens qui remarquent la marque, cherchent à en savoir plus, et tombent sur des photos de Roméo Elvis, Christine and the Queens et autres artistes portant la marque, cercle vertueux.

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Se lancer dans la mode, pour refléter un mode de vie, c’est peut-être le secret pour ne jamais être démodé. Loin des expérimentations et pseudos interprétations de ce qu’est la rue aujourd’hui, Walk in Paris a l’avantage d’être portée par ces gens qui y sont dans cette fameuse « street ». Léo et Gary ont peut-être compris le plus essentiel : parler à tout le monde, en se passant de toute la superficialité qui entoure la plupart des marques inspiré de l’univers hip-hop, mais dont personne ne peut s’offrir la moindre sape. Le discours du duo fait écho à cette fameuse phrase de Saint-Laurent : « Quand on se sent bien dans un vêtement, tout peut arriver. » La marque qui marche.

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