Interview // Wax Tailor

dimanche 21 octobre 2012, par Joackim Le Goff.

Wax Tailor en quelques mots ? Un mélange subtil et harmonieux de beaucoup de genres et de plusieurs époques. Chef de file du trip hop français, un DJ et petit génie de la musique qui intellectualise chaque note de musique. Au cours d’une interview d’une heure dans un café de Saint Lazare, le monsieur nous fournit ses impressions pour la sortie d’un dernier album magnétique, fruit d’un grand talent et beaucoup de travail. Mais il nous raconte aussi son parcours et partage sa vision de la musique, celle d’un « metteur en son » perfectionniste. Un univers musical à découvrir, à redécouvrir et à connaître par cœur.
Interview réalisée par Laura Karpowicz / photos par Tiphaine Delpierre.

__________________

 

SURL : Bonjour Wax Tailor, merci de répondre à SURL !
Wax Tailor :
Je suis ravi. C’est souvent plus cool de faire des webzines plutôt que certains gros médias qui se disent professionnels.

Pour te présenter, pourquoi ce nom « Wax Tailor » ?
C’est super facile, c’est le nom qui résume le plus ma façon de travailler. Wax Tailor c’est tailleur de cire en français, la cire c’est les vinyles, c’est ma matière première : je fabrique mes instruments mes sonorités avec des vinyles.

« Fabriquer ? »
Tu vois quand tu samples, les gens pensent que tu récupères justes des mélodies mais en fait je vais chercher des sons. Par exemple, pour faire une ligne de basse, je vais fabriquer un instrument qui va me faire ça : je vais sampler des notes qui vont me permettent de jouer des cuivres. Pareil avec les cordes, la batterie…
Ça c’était le point de départ, « tailleur » c’était pour me la raconter (rires). Non en fait précédemment je faisais d’abord les textes avant la composition, « avant de faire le costume » c’est une petite phrase à la con qui est resté. J’aimais l’idée du sur mesure …

Et ça t’es venu comment la musique ? Comment devient-on Wax Tailor ?
C’est plus pour moi un accident, je me suis jamais dit « tiens un jour je vais faire de la musique ». En fait je suis tombé à l’adolescence dans le hip hop, c’était vraiment la culture hip hop qui m’intéressait au sens large. J’étais ado et il fallait que j’en sois.  J’ai essayé le graffiti, mes camarades graphistes m’ont conseillé pour le bien de tout le monde d’arrêter « c’est pas que t’es pas doué, c’est que t’es vraiment catastrophique »… J’ai essayé la danse mais j’ai bien vu que j’allais me blesser, j’ai tourné sur la tête jusqu’à 15 ans et j’ai compris que ça allait pas me rendre service… J’aurai bien fait DJ toute suite mais à l’époque c’était super cher, il fallait avoir des vinyles, j’habitais en en Normandie. Bref, j’ai fait MC et j’ai fait subir ça à des gens pendant longtemps parce que je n’avais pas le choix et puis un jour j’ai pu m’acheter des platines

Et ça se trouve ça, ta période rap français ?
Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat (rires). Non mais ça se trouve mais même pas t’y penses en rêves. Cela dit, il y a des dossiers plus douloureux et d’autres plus glorieux.

[highlight]J’ai eu une phase à 20 ans, où j’ai dit « Maman je vais devenir une star du rap, je quitte la fac ».[/highlight]

Comment tu qualifierais l’évolution de ta musique ?
Il y a un avant et un après Wax Tailor. Quand j’ai sorti mon premier disque ça faisait déjà super longtemps que je faisais de la musique, 10 ans que je faisais déjà les choses très sérieusement  Et  ça était le moment où j’ai eu des gens qui ont commencé à me suivre et où j’ai commencé à faire quelque chose qui me plaisait vraiment. C’était ma première satisfaction musicale dans le sens où je sortais du coté orthodoxe de la culture hip hop…  Il y a la religion hip hop avec des dogmes, le coté « plus vrai que les vrais ».

C’est-à-dire qu’avant tu suivais qui, un patron, la mode ?
Je changeais de patron tous les 3 mois. C’était plus les tendances d’une époque donnée, j’ai grandi au début avec des groupes comme Public Enemy et puis d’un coup t’as DJ Max qui arrivait puis Wu Tang, Pete Rock… Et au final tu retrouves devant ton sampler à faire le même son que t’avais entendu qui t’as mis une claque et t’as du mal à t’en défaire. Et puis un jour tu mûris et tu t’en fous, t’assumes … Wax Tailor c’est un peu mon acte de naissance qui veut dire « je vous emmerde » en gros.

Et tu vivais déjà à l’époque de la musique ?
J’ai eu une phase à 20 ans, ou j’ai dit « Maman je vais devenir une star du rap, je quitte la fac ». Je sais pas pourquoi elle y a pas cru, il y avait que moi qui y croyait. J’ai bien pris 2 ans où j’étais à fond, j’attendais de signer avec une maison de disque avec l’assurance de mes 20 ans je me disais qu’il y avait IAM, NTM et en gros j’arrivais « poussez-vous les gars ». Et il y a un moment où tu te rends bien compte avec les taffs alimentaires pour payer ton assurance, le quotidien que ça marche pas comme ça. J’ai décidé de rentrer dans la vie active et de là j’ai bossé pendant un an et j’ai crée mon label. J’ai sorti un album (ndlr : pas sous Wax Tailor), c’était le truc indé, pas le truc de star mais j’en ai vraiment fait mon affaire, j’avais la chance d’être dans le monde de la musique, je faisais des ateliers avec des gamins. Ca me convenait vraiment, j’avais trouvé mon équilibre entre le son et le boulot comme plein de monde. Au final à ce moment là, vivre de la musique ça veut rien dire. A ceux qui me demandent comment vivre de la musique, je réponds toujours la même chose « commence par faire vivre ta musique et un jour par un heureux accident tu en vivras ». Oui je parle d’ « accident » parce que même avec tout le talent de la planète, t’as aucune assurance…

 

[highlight]Je fais une grosse nuance entre faire de la musique et faire un album. Faire de la musique c’est un état normal, j’ai du temps, je fais de la musique. Faire un album c’est un processus.[/highlight]

 

Ainsi est né ton premier album Tales Of The Forgotten Melodies en 2005 ?
En fait mon premier album c’était peut-être mon dernier. Ca faisait un moment que j’étais dans la musique, j’avais déjà mon label, j’avais 30 balais, je lançais pas ma carrière. C’était un moment de maturité, je savais ce que je voulais faire. Faire un disque ça coûte une fortune, tu sais pas comment le financer, quand t’es pas né à Versailles dans une bonne famille même si ça n’empêche pas le talent, il faut se démerder pour sortir un disque (ndlr : BIMMM !!). J’ai produit ce disque, j’étais devenu rationnel et je pensais qu’il y en aurait pas deux. Et le truc m’est tombé dessus, j’étais dans la situation de beaucoup de musiciens à essayer de me rendre disponible… J’avais tout prévu : j’avais 2 ans d’ANPE, je sortais un premier EP là, je gère la promo, puis arrive l’été et je cherche du boulot. Et là le truc s’est emballé un peu et puis j’ai trouvé un tourneur qui me proposait des dates « tu vas jouer avec Herbaliser » et moi je me disais « mais je ne peux pas… »… Je ne suis pas intermittent : j’ai pas assez de dates, il faut que je remplisse mon frigo, donc je fais comment ? Alors un des coproducteurs du disque m’a proposait de taffer sur son label avec des congés sans soldes pour les dates. J’ai vécu 6 mois que je ne souhaite à pas grande monde, où je bossais comme un malade : week-end en tournée et la semaine au taff jusqu’à 2 heures du mat.

Puis l’évolution d’albums en albums ?
C’est plus une évolution d’envie. Il y a une certaine presse en France qui aimerait que tu surprennes pour surprendre « c’est pour quand l’album de dubstep ? », genre ça ne se renouvelle pas… Alors qu’objectivement je pense que ce sont des ignares : pourquoi tu réfuterais à un artiste quel qu’il soit de creuser le sillon, de chercher des petits portes et des nuances tout le temps ? Je peux clairement argumenter sur chaque disque que j’ai fait, après tu me dis « moi ça me touche pas », aucun problème, mais dire « oui ça change pas »… Il m’a fallu plus de 10 ans pour me définir une identité sonore, j’ai le sentiment que chaque album me définit et c’est ça ma question fondamentale.

Justement comment tu la qualifierais ton identité sonore ?
C’est difficile de parler de soi et il y a toujours des étiquettes, même si ça fait chier on en a besoin. Je te résume ce qu’on me dit : Wax Tailor : hip-hop orchestral ? Je valide. Trip Hop cinématique ? Ca veut pas dire grand chose mais admettons. Après Lounge musique : là j’ai envie de sortir des couteaux ! Dès que c’est un peu down tempo les gens te sortent « oui c’est un peu lounge… » : non ta gueule ! C’est la réflexion des gens qui aiment pas la musique qui te disent que c’est de la musique d’ascenseur. C’est un peu dû au fait que je me suis retrouvé sur les compiles genre « Lounge Machin » « Deluxe Lounge » avec des titres impensables genre « Ibiza Fever » !! (rires)

Du coup comment se réfléchit un album de Wax Tailor ?
« Ca se réfléchit », c’est exactement ça ! T’as des musiciens qui font de la musique, ils font pleins de morceaux, collectent des titres et ils se disent « tiens ça va faire un album ». Je fais une grosse nuance entre faire de la musique et faire un album. Faire de la musique c’est un état normal, j’ai du temps, je fais de la musique. Faire un album c’est un processus. L’année d’avant je deviens monomaniaque, quand on me parle j’écoute pas vraiment ce qu’on me dit, j’ai le cerveau branché là-dessus, je suis complètement obsessionnel. J’ai vraiment besoin d’avoir une idée, une vision d’où je vais. C’est pour ça que j’utilises souvent le terme de « metteur en son » : je suis pas que DJ, enfin ça veut dire pleins de choses, genre m’invite pas à une soirée je vais pourrir l’ambiance je joue que ce que je veux. Un peu musicien, instrumentiste mais m’emmène pas dans un solo où tu vas pleurer…

Tu te considères aussi un peu poète ? Je dis ça en référence à tes titres d’albums un peu baudelairiens.
Ca fait plaisir que ça soit relevé. C’est super important pour moi, c’est une porte ouverte vers l’imaginaire. Si le titre ne t’attrape pas, c’est que t’as raté quelque chose.

Donc tout est réfléchi de A à Z jusqu’aux pochettes d’albums ?
Ah mais c’est l’enfer ! Enfin c’est un plaisir mais il me faut des mois et des mois et je prends la tête à tout le monde ! Et je me prends la tête, j’arrête pas de parler parce que ça m’aide à réfléchir. Il y a des gens, ils doivent plus avoir envie de me parler quand je fais un album « Olala il va encore me garder deux heures ». (rires)

Parle-nous de ton dernier album Dusty Rainbow from the Dark ?
Il a été construit autour d’une histoire, mais c’est pas le point départ. J’ai envie de faire un album concept, c’est à dire qu’avec un narrateur avec un timbre, un son particulier. Dès le deuxième album en 2006, j’avais envisagé ça et au fur à mesure j’ai été confronté à des problèmes. Je me suis dit que j’étais pas prêt, je me suis concentré sur le troisième sur ce que j’avais envie de faire. Et fin de tournée 2006, je m’y suis mis. J’avais besoin d’un truc englobant, j’ai pensé au pouvoir d’évocation de la musique. C’est quelque chose qu’on m’renvoie tout le temps. J’ai des tonnes d’histoires que les gens me racontent sur ma musique. C’est fascinant à partir du moment où t’as libéré ta musique elle t’appartient plus : ça va de la cuisine à la chambre à coucher. Mais c’est cool !

Justement, je voulais…
Me parler cuisine, c’est ça ? (rires) Il y a un rapport intime à la musique et à la façon dont ça t’accompagne dans le quotidien. Je suis parti là-dessus. Du coup j’ai décidé de ne pas écrire l’histoire avant pour ne pas brider la musique qui doit être l’actrice principale. Pour être cohérent avec l’idée d’évocation, j’ai fait la musique avant l’écriture mais je me posais des questions. Eté 2011, en fin de maquette, une idée en appelant une autre j’ai écrit en 3 heures la trame de l’histoire, le titre et la fin. Dans la forme j’étais incapable de l’écrire, je voulais une version dans un anglais littéraire qui soit complètement imprégné par les codes du conte, je voulais limite q’un anglo-saxon se dise en le lisant que ça soit limite border cliché et que ça le renvoie à des tonnes de choses.. J’ai contacté Jennifer Charles avec qui j’ai déjà collaboré parce qu’elle a la sensibilité, la culture pour ça (ndlr : chanteuse américaine de jazz à la voix sensuelle). On a joué pendant 1 mois au ping pong, à faire des séances de boulot. Ca a c’était la phase 2.

La phase 3 c’est la réalisation de l’album, j’ai la musique, les voix, il faut que j’enregistre le narrateur, les invités. C’est le moment où les choses se compliquent.

Justement pour les invités comme tu fonctionnes ? C’est incroyable le nombre de talents qui ont été découverts grâce à toi ou en même temps que toi…
Je les menace, la violence. Bizarrement j’aime pas les albums à featuring, c’est souvent des caches misère où le mec est venu chercher 15 noms pour buzzer qu’il colle sur un sticker. Si ça va pas, c’est que ce sont des albums produit avec 15 -20 titres, il envoie les 15 titres à un mec qui sélectionne un morceau etc … A la fin t’as l’album qu’on a bien voulu te renvoyer. Moi en fait j’aborde le truc comme un réal, c’est-à-dire que j’envoie un titre, même si c’est parfois frustrant, et j’explique exactement pourquoi, le contexte, l’histoire, l’album : ça passe ou ça casse. Parfois pour des pas forcément le temps ou parfois ce sont de mauvaises raisons mais ça donne une bonne raison de pas bosser avec eux.

Ah oui, par exemple, balance un peu …
C’est surtout des histoires de management, surtout dans le rap. Quand je suis allé à New York en octobre, je ne ferai pas de délations mais il y a quelques personnes avec lesquelles je travaillerai pas. Des artistes largués, sur-couvés comme des enfants, dans leurs petites bulles et du coup ça le fait pas… Quand t’as une relation d’échange, il se passe quelque chose. Après on va pas se mentir quand t’as fait 10 featuring t’as pas le même sentiment avec tous, certains apparaissent et disparaissent. Genre Charlie Winston je l’ai rencontré en 2008 il était inconnu. Certains étaient là « Han Charlie Winston qu’est que t’as fait », parce qu’au moment où j’ai sorti le titre il était numéro un des ventes. Après, j’ai été honnête avec lui je ne suis pas fan de tout ce qu’il fait, souvent un peu trop lisse mais il a un grain de sa voix, j’ai pu l’emmener ailleurs. En tout cas, rien n’est factice.

Y a des gens comme ça, genre Norah Jones je suis content qu’elle ait bossé avec Danger Mouse ! Genre Macy Grey, ça serait bien qu’on lui fasse un disque, tout ce talent brouillé dans une machine à pop dégueulasse.

Pourquoi n’avoir jamais écrit en français ?
C’est pas un interdit, c’est pas jamais jamais. J’ai fait un titre y a 10 ans avec des discours mais il est jamais sorti. On a pas le même rapport la langue française à la langue anglaise. D’abord l’anglais en 4 mots t’as dis un truc, en français il te faut 4 phrases. Après c’est pas la langue la plus facile en musique, en français on cherche à tout comprendre : du coup dans le mix elle est forcément au dessus. C’est culturel. Dans le mix anglo-saxon, la voix est un instrument qui joue avec la basse du coup elle est dans le mix. C’est plus musical. Le fait de pas être anglais de langue maternelle, ça me permet de ne plus l’entendre. Je suis incapable de ressortir mes textes, je vois les gens au premier rang qui chante mes textes, je suis impressionné et pourtant tous les soirs je l’entends. J’entends pas les mots, j’entends la musicalité, le groove. Ca veut pas dire que je n’ai pas d’intérêt pour les mots, au contraire en français j’ai la dent dure.

 

[highlight]Le hip-hop n’est plus une culture en marge, il est ancré dans la société.[/highlight]

 

Et sinon tes tournées ? T’as pu faire un petit tour du monde… Genre l’Inde ?
L’Inde c’est le plus grand choc culturel que j’ai vécu. J’ai fait l’Amérique Centrale, du sud qui sont déjà dépaysants mais ça n’a rien à voir. L’Inde c’est dur, j’ai eu 3 jours de choc, t’arrives en tant que gentil occidental qui va dormir dans un trois étoiles dans un quartier sécurisé et tu vas te balader dans le quartier de New Delhi et tu te prends une grosse claque. Tu le sais mais t’appréhendes des trucs vraiment très durs. Et le fait d’être là et te dire qu’est ce que je vais faire. Un malaise très marqué.

Ton concert le plus marquant ?
Tout confondu je te dirai mon expérience symphonique. C’était dément scéniquement. Quand t’es ado, tu regardes souvent en arrière et tu dis j’ai vécu des trucs forts. Et ça c’est un moment de vie où tu dis que tu es en train de le vivre quelque chose d’incroyable en temps réel. J’étais spectateur d’un moment de vie fou. C’était comme je le voulais. C’était dur parce que c’était 4 dates, on en avait fait 100 avec toute l’installation, la fatigue et tu arrives à remotiver toute l’équipe sur 4 dates spécifiques. Mais on a tous était récompensé par ça.

Le prochain album est déjà en cours ? Tu y penses ?
Non, celui de Dusty Rainbow m’a pris beaucoup. C’est celui qui m’a pris le plus depuis tales sous tous rapports. Comme le premier je l’ai fait comme si c’était le dernier, celui-ci je l’ai fait pareil. Pas parce que j’avais envie d’arrêter mais pour la stimulation. Là en tant que producteur indé, j’appréhende plus les chiffres de ventes pas pour m’acheter une piscine mais pour des questions purement terre à terre « j’espère que ça va pas foutre en l’air mon label ». C’est une réalité mais je ne m’angoisse pas.

T’as pas peur qu’on te reproche d’être devenu trop grand public ?
Mais tu vois le reproche du truc commercial c’est très français. J’ai quand même revendu des trucs, des disques pour faire un premier EP en 2004 j’avais plus une thune. Du coup c’est pour moi une petite fierté perso la façon dont j’ai fait les choses, après c’est entre moi et moi. Du coup, le fait que je touche des gens, que je prennes du poids, n’a de sens que quand je regarde dans le rétroviseur. Genre un disque d’or ça veut rien dire, c’est plutôt comment tu fais les choses. C’est pour ça que je suis en kevlar face aux remarques suspicieuses genre « c’est bien fait mais c’est grand public » et les critiques qui se refont les dents quand un album commence à être connu… En France t’as une culture de l’artiste maudit. Aux Etats Unis c’est cliché inverse, un mec qui fait de la merde mais qui a réussi est respectable. Donc je suis au clair avec tout ça, je suis pour le truc qualitatif et qui arrive à toucher pleins de gens.

Et les artistes que tu admires en ce moment, ce qu’on peut trouver dans ton iPod ?
QuakerBrenk Sinatra. Après à la rentrée avec la promo j’ai pas écouté grand chose

Un artiste avec qui t’aimerait à collaborer mort ou vivant ?
Mort, Billie Holiday. Vivants y a plus du monde, le premier comme ça Thom Yorke (ndlr : chanteur et leader de Radiohead), je pourrai te dire aussi Damon Albarn (ndlr : compisteur pour Blur et Gorillaz). C’est diffcile parce que c’est déjà que je peux pas approcher tant que j’ai pas une idée précise. Genre Gorillaz j’aurais pu les recontrer en backstage mais j’ai refusé, parce que je sais que c’est chiant après un concert quand on te présente. Le mec a un talent monumental, qu’est-ce que moi je vais lui apporter dans son histoire ? Si un jour j’ai une idée, peut être que j’essayerai. Sinon, j’adorerai bosser avec Nas, mais j’ai essayé je ne peux pas, impossible. Il fait partie des gens intouchables : genre des gens qui le connaissent bien et avec qui j’ai bossé, j’ai proposé une mise en contact, ils ont ricané parce que c’est impensable. Genre les mecs ils ont ni portable, ni mails, ils ont un bouclier autour d’eux.

Quelqu’un que tu admires en ce moment ?
En tant que producteur on te rapproches de certains mecs et ton ego qui te fait « non mais pas au niveau de ce connard » et on te compare à des gens genre Danger Mouse; tu fais amende honorable, non lui c’est le meilleur, c’est le patron. Il a une palette incroyable, il est capable de faire un album avec MF Doom et de produire Norah Jones, il a produit Demon Days, un album juste monumental. Le parfait exemple d’un album commercial où n’importe quel puriste te dirait qu’il démonte, la parfaite jonction pop-hip hop, un tuerie ! Il était à la prod de Beck, Electric Guest, …

L’éternel débat: le hip hop, c’était mieux avant ?
Oui… Non. J’ai une nostalgie d’une époque du hip hop, y a des cycles. Dans l’histoire tu regardes, New York dort y a des moments où il se passe plus rien et bim Wu Tang débarque et puis la scène indé. T’as une sorte d’âge d’or du rap 92-94 on ne peut pas dire le contraire quand tu regardes la production globale. Mais j’aime pas la fatalité du truc : « j’écoute plus que mes vieux albums.. » . T’as eu en 2000, Edan, The Beauty and the Beat, qui est pour moi le meilleur, la Mecque du rap. C’est un connard ce mec, mais musicalement c’est brut. Non c’est pas ça, j’attends qu’on me fasse bander aujourd’hui. Et le problème c’est que ça fait 10 ans que c’est la « famille » qui fait vivre le rap américain puis les sphères alternatives indé c’est compliqué, les albums sont moins visibles   Enfin c’est un sujet où je peux parler des heures…

Je le savais en te lançant sur le hip hop …
C’est vraiment cet univers qui m’a construit complètement. Je lui dois tout à cette culture ou en tout cas beaucoup. C’est comme ton premier amour où il y a un truc qui te retient et que tu croises 15 ans après t’as toujours une espèce d’affection particulière et en même temps t’es pas toujours content de voir l’évolution… Après il y a plein de choses biens mais ce n’est plus une culture en marge, elle est ancrée dans la société. Mais je pense que c’est bien, mais ça veut plus rien dire « t’es hip hop ». J’ai rien à dire sur Booba ou La Fouine c’est les yéyé d’aujourd’hui, c’est la réalité des adolescents. Je me sens pas concerné.

En dehors de la musique, qu’est ce qui te fait kiffer ?
Le cinéma en premier lieu. C’est le rapport à l’image comme le clip qui arrive, c’est un gros boulot : deux mois et demi sur un format court. La bande originale c’est vraiment ce qui m’intéresse, c’est j’espère la prochaine étape (ndlr : il a déjà entamé avec la BO du Paris de Klapisch). Mais je cherche le bon moment, le bon film dans le sens où il faut que je le ressente. J’ai vraiment envie d’une vraie BO avec les moyens. Le paradoxe c’est que ceux sont plus les films américains qui me parlent, le cinéma français est un peu sclérosé même si c’est talentueux c’est très français.

Du coup, quels réalisateurs t’inspirent ?
Dans le fantasme absolu c’est Tarentino ! Il m’emmène où il veut, c’est tellement le mec qui est le plus proche de ma culture : c’est un DJ, c’est évident. Après il y a Gérard Mush, Klapisch ça m’a fait plaisir de travailler avec… Je pourrais aussi travailler avec un réal dont je ne suis pas fanatique mais qui a une film, une façon de faire…

Quels films t’ont marqué ?
Pour moi le fantasme ça aurait été de travailler sur Kill Bill parce que sincèrement je trouve que RZA a fait un travail de goret, malgré le grand respect que j’ai pour lui. Je dis pas que j’aurai fait mieux, mais j’aurais bien aimé essayer en tout cas. Je suis vraiment super fan de Tarentino, du coup j’appréhende quand il sort un nouveau film. Avant Kill Bill, il sortait de ce qu’on sait et j’avais peur et l’univers c’était pas forcément ma came et au final je me suis fait entarté. C’est la quintessence de tout recycler d’en faire son truc, de récupérer les BO d’Ennio Morricone… Enfin c’est un fou ce type ! C’est génial.
Après bosser pour David Lynch ça serait classe aussi. Tu me demandes de rêver donc je vais pas te dire un Max Pecas (Les Branchés à Saint Tropez) non plus ! Bon, si Burton m’appelle demain, je lui dirai pas que j’ai piscine. Mais bon ça marche pas comme ça, ça n’arriverait surement pas… C’est le réaliste qui parle.

Oui enfin regarde Mélanie Laurent, c’était la petite française qui a tourné avec Tarentino…
Tu remarqueras que je ne dis rien,  je ne fais aucun commentaires. Je suis trop bon client de ça, ça va encore être répété

Si t’as musique était un plat ?
(Rires) C’est super dur ! Tu réfléchis avec deux cerveaux un sur ta musique et un sur tes goûts… Je suis très dessert, une crème brûlée à la pistache avec un coulis de griotte, la jonction entre ma musique et mon estomac.

Et la question finale, t’es chauve depuis combien de temps ?
Ca fait vingt ans ! Non j’exagère mais 18/19 ans. Quand j’ai commencé le hip hop et j’avais pas les cheveux crépus. Donc il y a deux ans, j’ai 21 ans (rires) !

Article recommandés

Denzel Curry : ‘Si je ne sors pas tout ce qui est en moi, ça me tuera’
Depuis 2013, Denzel Curry s’efforce de transformer sa colère en musique. La fureur qui l’habite, dont les racines sont intrinsèquement liées à l’histoire violente de Carol City (Floride), a longtemps…
Kalash, assis sur la lune
Mwaka Moon, ou littéralement, la lune de l’Antillais. C’est ainsi que se nomme le quatrième album de Kalash. Le Martiniquais allie le mot le plus cynique qui soit pour s’autodésigner, et…

les plus populaires