Du Caire à Drake : mais qui est vraiment Ramriddlz ?

mardi 5 juillet 2016, par Cathy Hamad. .

Est-ce possible d’être fan d’un artiste sans le savoir ? Après s’être longuement penché sur le cas Ramriddlz, nous sommes en mesure de répondre positivement à cette question. Originaire d’une famille égyptienne du Caire attachée « à l’image et à l’éducation », Ramy Abdel-Rahman, de son vrai prénom, est un jeune artiste de Toronto dont on soupçonne d’être la nouvelle muse de Drake. L’explosion semble toute proche pour celui qui mélange, contrairement à ses valeurs familiales, humour potache, sensualité et ambiance tropicale pour un r&b diablement efficace. Focus avant le big bang.

Ramriddlz ressemble un peu aux potes que t’avais au collège. Tu sais, ceux qui pouffent de rire à la moindre allusion sexuelle avérée ou imaginaire. Mais quand la lourdeur prend la forme d’une musique mélangeant sonorités orientales, caribéennes voire hispaniques, elle devient tout de suite plus légère et prend une tournure plus qu’agréable. Puis l’agréable devient enivrant, addictif et on se retrouve sans le savoir à danser comme si l’on était sur une plage de sable blanc, un Mai Tai à la main. Ramriddlz est une machine à hits dont la planète ignore globalement l’existence, alors qu’elle passe toutes ses chaudes soirées d’été à se trémousser sur « Work », « Controlla » et « One Dance » (qui a offert à Drake sa première médaille d’or au Billboard). Autant de titres qu’on aurait clairement pu trouver dans le répertoire de Ramriddlz, mais qui gonflent aujourd’hui les réussites de Rihanna et Drake. Une seule écoute de Venis, le dernier projet de l’artiste proposé à l’écoute plus bas, suffira à vous en convaincre : on a l’impression d’être au milieu d’une belle balade tropicale de 40 minutes dans laquelle les trois titres cités plus haut s’intégreraient parfaitement. Ce n’est pas qu’une coïncidence : Drake, notre berger, a certes déjà prouvé son penchant pour les sons de cette teneur par le passé, mais il a également mis le grappin sur le diamant Ramriddlz alors qu’il n’avait même pas été extrait de son gisement – il n’avait alors qu’une centaine de followers sur Twitter. En même temps, l’ami Drizzy n’est pas allé chercher très loin pour dénicher cette perle d’origine egyptienne, car elle est aussi issue de Toronto. Focus sur ce jeune obsédé au métissage efficace qui pourrait bien, dans l’ombre de The 6, inspirer les plus grands.

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Du délire à l’adoubement par Drake

Les faits se déroulent en juillet 2015. Dans la première émission d’OVO Radio, Drake balance, l’air de rien, un nouveau son aux vibes caribéennes auxquelles le Canadien commence à nous habituer. Comme d’habitude c’est doux, c’est sexy, ça sent l’été. Pourtant, ce n’est pas exactement de lui. Drake ne s’en cache pas : il informe rapidement les Internets que le track est un remix de « Sweeterman », le premier morceau d’un total inconnu du nom de Ramriddlz. On sait Drizzy curieux et constamment à la recherche de la nouvelle pépite sur laquelle il va jeter son dévolu. Mais d’où sort cet artiste qui semble promis, du jour au lendemain, à une explosion similaire à celles d’iLoveMakonnen et PartyNextDoor ? À ce moment-là, Ramriddlz, de son vrai nom Ramy Abdel-Rahman, n’est encore qu’un parfait anonyme. Étudiant pas très sérieux en graphisme, il n’a qu’un seul titre à son actif dont il a réalisé le clip lui-même : « Sweeterman ». Un titre qui a l’originalité de faire se répondre différentes cultures qui se mélangent rarement en musique, qui saisit également l’exacte tendance du moment : la lascivité, l’exotisme et le chill. Pourtant, « Sweeterman » tient davantage du délire entre potes que du son élaboré. D’après l’artiste lui-même, « Sweeterman » est né pendant une après-midi d’ennui et de fumette où Ramy avait envie de faire des blagues de cul sur du son bricolé à l’ordinateur. Une bonne excuse ensuite pour organiser une grosse fête dans sa maison de banlieue de Toronto afin de tourner le clip, où il invite beaucoup de filles pour illustrer ses jeux de mots lourds mais bien trouvés. Paraît-il que la mère de Ramy, vingt ans, aurait très mal pris que son fils organise une soirée et invite des personnes sans son autorisation. L’interprète n’a rien du passionné musicien qui ambitionne de faire carrière depuis son plus jeune âge, donc. De quoi sérieusement s’interroger sur cette personne que Drake vient de placer dans la cour des grands.

Ainsi, c’est par accident que Ramriddlz devient artiste. Son nom de scène annonçait pourtant bien la couleur. Ramy et sa carrière naissante sont une énigme, un casse-tête, voire une plaisanterie. Lui-même ne sait pas trop expliquer ce qui lui arrive. Chaque réponse en interview se solde par des blagues ponctuées de gloussements, des jeux de mots, des clins d’œils à ses amis. Avec Ramy, rien n’est bien sérieux et le mutisme qui se cache derrière ces blagues font de lui un personnage assez mystérieux. Et impossible d’en savoir un peu plus sur les rapports qu’entretient le jeune talent avec Drake. Tenu par des accords avec OVO Sound, Ramy refuse de répondre aux questions sur le sujet. Pour l’instant, l’ado de Toronto surfe sur sa vague et, mystérieusement bien entouré, a sorti deux EP très efficaces depuis. Ses sons empruntent au chanteur son multiculturalisme étonnant : Ramy, qui a grandi dans la banlieue de Mississauga, en Ontario au Canada, est d’origine égyptienne, du Caire selon ses dires. Son entourage proche vient plutôt des terres africaines ou antillaises et l’initie au dancehall. L’ado mélange le tout sans vraiment de logique et cela forme un cocktail dont Drake raffole. La musique est teintée de sonorités orientales de la même façon que les paroles passent de l’américain à l’arabe juste pour la beauté de la rime. « Habibti too tipsy » (comprenez « ma chérie », en égyptien, « est trop pompette », en anglais), dit-il par exemple dans « Mañana ». Du coup, le corps ne sait pas trop s’il doit onduler du ventre ou secouer son fessier, mais impossible de rester immobile sur ces vibes suaves.

Depuis ses début quasi miraculeux sur le devant de la scène, ses prods et son chant sont devenus de plus en plus pro. Ses lyrics, en revanche, conservent tout de la période pré-pubère où absolument tous les chemins mènent à une boutade sexuelle. Ramy entend bien narrer l’ivresse charnelle sans poésie aucune. L’artiste offre ainsi des jeux de mots graveleux dans toutes les langues. Car si l’on devait retenir un seul thème cher à Ramriddlz, c’est bien celui de la femme.

Riddims érotiques et métaphores douteuses

C’est à cette créature divine que Ramriddlz a consacré ses deux premiers EP. S’il n’a pas encore donné sens à sa carrière, chacun peut statuer à l’écoute de sa douce musique que celle-ci est destinée à donner mouvement à toutes les courbes du corps. Le premier EP date de juillet 2015, soit quelques jours après le grand coup de pouce de Drake, et se nomme tout sobrement P2P, pour Pussy Too Pink. Un EP lascif au flow autotuné à mi-voix entre le chant gémissant d’un The Weeknd et la chaleur d’un Kranium, mais indéniablement sur le chemin de Drake et du succès. Le tout sur des prods punchy qui font de Ramriddlz la musique parfaite pour les soirées d’été. Un EP dans lequel il annonce déjà vouloir prendre Toronto d’assaut avec un accent jamaïcain. Mais sa soif d’œstrogènes ne s’est pas arrêtée là, c’est dire que l’ado a beaucoup d’amour à donner. Un an après sa découverte par Drake, Ramy sort un second projet à la couverture explicite et aux couleurs chaudes : Venis, que Urban Dictionary explique entre autres par « a funny way to refer to a vagina ». RamRod met tout au deuxième, voire troisième degré. Inutile d’essayer de trop intellectualiser la musique de ce jeune garçon qu’on ne saurait mettre dans aucune case. Ni totalement hip-hop, ni totalement r&b, ni totalement pop, ni totalement world music. Un peu de tout ça, pour sûr. Ramriddlz oscille sur un fil entre l’humour potache et le sensuel. Les inspirations sont toujours plus détonantes et viennent des quatre coins du monde. On y trouve de tout : une reprise de Grease dans « Come C Mi » et même un petit big up au Aïcha de Khaled dans « Mañana ». Plus travaillé, cet EP révèle un Ramriddlz prenant de plus en plus goût à ce qu’il fait. Sa marque de fabrique, les métaphores douteuses sur mélodies sensuelles, s’affine. Ses différentes cultures sont mises à profit pour enrichir chacune des sonorités. Chaque titre exploite d’une nouvelle manière son style particulier métissé. Ce mélange inédit donne toute sa crédibilité à ce kid de Toronto. Frais, Ramy est bon et le petit commence à faire des scènes un peu partout dans le monde.

Il est l’artiste des aftershows huppés des fashion week à Paris, à Londres… L’endroit où la nonchalance et l’amateurisme du garçon se transforment en style et personnalité affirmés. Ramriddlz est parfaitement cool avec sa gestuelle maladroite et désarticulée. Il danse sur scène exactement comme il le ferait dans sa chambre sans regards extérieurs. Il pousse des cris indéterminés, checke son public et chante à peine. Il semble agréablement surpris à chaque fois que sa propre musique démarre et se marre du début à la fin. Cela suffit à mettre l’ambiance : le public est souvent déjà chaud. Chemise ouverte, chaussettes remontées et moustache pas encore tout à fait homogène, Ramriddlz de sa voix qui ondule sélectionne les meilleurs de ses jeux de mots et ne manque pas de rappeler qu’il fait venir du haut de ses 21 piges, sans aucune pression, des ass from Beijing et des ass from Cairo. Ramy a la fraîcheur et la sincérité de l’amateur et prend les choses à la légère. De la même manière que d’autres jeunes talents comme Tommy Genesis (avec qui on le voit taper la pose sur Instagram), Ramriddlz est indéniablement très bien entouré de gens qui lui dégagent le passage pour une entrée réussie dans la cour du hype sans que lui ne semble réaliser vraiment ce qui se trame autour de sa séduisante proposition.

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Sa musique est exactement celle que les ingé sons passent entre les changements de scène en festivals ensoleillés. Ce moment où personne ne connaît l’artiste qui arrive mais tout le monde shazame celui de l’interlude pour de bonnes soirées en perspective. Ramriddlz paraît se sentir pousser des ailes depuis plus d’un an et réunit bien tous les ingrédients que la recette été 2016 requiert pour faire du bruit. On pourrait même dire qu’avec « Controlla » et « One Dance », surtout, le grand public écoute déjà la musique de Ramriddlz via d’autres artistes, sans connaitre l’existence de ce type fan d’ananas (d’où le côté sweet) qui s’amuse à rester mystérieux mais qui est bien convaincu d’être le sucre qui manque à ta vie. Calé pour l’instant sur un rythme d’un EP sexy par été, espérons que sa fougue ne retombe pas aussi vite qu’elle est montée.

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