Booba : Futur imparfait

jeudi 1 janvier 2015, par Simon Boileau.

Tu brûles de savoir si « depuis le crime paie zéro défaite » ça se vérifie toujours? T’es au bon endroit mec, le futur c’est ici et maintenant sur SURL. Azy poupée, mets-toi à l’aise, pose ton cul confortablement dans la DeLorean, embarquement immédiat. Bien sûr, tu connais le refrain, si tu kiffes pas, t’écoutes pas… mais tu lis quand même et pis c’est tout.

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La sortie d’un nouvel opus du Duc, n’en déplaise à ses détracteurs, c’est toujours un putain d’événement. Un genre de blockbuster rapologique. Une fois tous les deux ou trois ans Booba débarque de Miami pour sauver – ou porter le coup de grâce, c’est selon – un rap jeu français parfois bien monotone. Tel un Moïse noir et bodybuildé, il sépare à cette occasion le public rapeux en deux camps qui vont s’affronter jusqu’à trépas (sur les forums des internets, faut pas déconner non plus): les fan boys d’un côté, qui vouent un amour inconditionnel au météore, sa vie, son oeuvre et peut-être surtout ses pectoraux remarquablement bien dessinés. Et sur l’autre berge, les “puristes”, ceux qui vont encore trouver matière à regretter l’Élie des débuts, l’original, le gentil, le bon, l’espiègle, l’attentionné, le pur, le doux, celui que l’argent n’a pas pourri jusqu’à l’os et qui ne présente pas encore cette silhouette de gogo dancer qu’on lui connaît aujourd’hui, tout ça tout ça, mon cul sur la commode (eh sale hippie, « Cash Flow » tu connais? )… Ceux-là sont restés bloqués dans les 90’s, à l’instar de ce bon fillot de Jacquard égaré dans les couloirs du temps, c’est kif kif. Taille-toi les veines avec un vinyle de Manau si tu te reconnais.

En ce qui nous concerne, on aime bien l’époque Time Bomb, Mauvais Oeil tourne toujours dans ma Lambo…euh Clio. Néanmoins, c’est pas pour autant qu’on délire pas sur un tube postmoderne trop fruité comme « Scarface ». Élie qui pousse la chansonnette pour faire l’apologie des gros culs et de l’argent facile, ça nous fait marrer, la plupart du temps en tout cas.

Tout ça pour dire qu’on l’attendait de pied ferme, nous autres, cet album. On avait envie d’y croire. Il représentait un espoir, un échappatoire hypothétique dans un paysage rapologique français un tantinet déprimant voire franchement pathétique : Zifou sort un album, La Fouine et Bruel un featuring diabolique, Rohff perd ce qui lui restait de dignité… On espérait en silence que Futur saurait nous apporter ce son qui sort à 0.9 net, mais comme d’habitude les junkies que nous sommes se sont faits un poil bananer et vont devoir se shooter au pera coupé à la levure en se rappelant comme c’était chouette leur première dose.

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Définir Booba comme un businessman avant d’être un artiste ne surprendra personne, j’espère en tout cas. Le Blavog l’a même comparé à juste titre à Lex Luthor pour son côté gros méchant mégalo et plein d’oseille. Contrairement à ses confrères rappeurs hexagonaux, dont l’amateurisme est souvent criant, il gère promo, communication, marketing avec un professionnalisme éclairé. Il passe même de moins en moins pour un mongol dans les médias mainstream, c’est dire. Pourtant, on peut se demander si cela ne l’amène pas à rationaliser sa façon de créer, à se cantonner à ce qu’il sait faire. En effet, au bout de la première écoute de Futur, l’album apparaît comme cohérent mais sans grandes surprises. L’homme se sait attendu au tournant, et ne prend plus guère de risques: pas d’expérimentations qui pourrait déconcerter son public, pas de couleur ébène sur cet album. Ni sur l’ancien d’ailleurs.

 

« J’suis tombé dedans quand j’étais tit-pe, ASTÉRIX »

 

Par contre, il n’a pas perdu la main question egotrip, provocation et dédicaces aux chiennes de gardes et ça, ça fait plaisir à entendre. Plus en forme que jamais, il bouillave même tout ton arbre généalogique. Si les métagores de Booba ne font plus bander Thomas Ravier depuis déjà quelques années, cette nouvelle cuvée apporte tout de même son lot de punchlines, prêtant parfois à sourire. On retiendra par exemple son invitation des plus tentantes à se « laver la chatte au carwash », « Grand-mère sait faire un bon mafé » ou encore quelques piques malicieuses comme « Je ne parle pas au téléphone pour ne pas effrayer les RG / Je suis diffusé partout, toi t’es seulement sur FG ». Mention spéciale pour « Moi et mes kheys on part sur la Lune, amuse-toi bien en Meurthe-et-Moselle« , avec nos meilleurs sentiments pour les gens du nord-est. On dénombre également certaines phases petites et faibles (#WILLY DENZEY) comme « Nahel Bouk, Je suis plus Pro que ton Macbook ». Mais trêve d’énumérations, la palme de la punchline failed revient sans conteste à la déjà culte « J’suis tombé dedans quand j’étais tit-pe, ASTÉRIX ». Réponds à ça, Obélix…

Casting de rêve sur le papier, les featurings américains se révèlent médiocres dans l’oreille. Les grognements du gros Rozay ne suffisent pas à donner à « 1.8.7 » un caractère inoubliable. 2 Chainz assure mais idem, le morceau n’a rien d’exceptionnel. À l’inverse, des participants biens de chez nous font le taf : les hurlements de Mala sur « O.G. » font chaud au coeur et surtout, surtout, SURTOUT, la collaboration avec Kaaris s’impose comme le meilleur titre de ce Booba millésime 2012 (ex aequo avec « Caramel »). La connexion entre les deux gros pleins de biscotos du rap français s’avère très fructueuse et salement efficace. Ouais, ouais, ouais mec, balance « Kalash » dans tes écouteurs, tu m’en diras des nouvelles.

Bref, en ce qui me concerne, je retiens pour l’instant deux ou trois titres de Futur, non pas que le reste soit mauvais, mais plutôt un peu tiède, sans fulgurances. Peut-être qu’une écoute plus approfondie me conduira à apprécier certains autres titres à leur juste valeur… Toutefois, je vais me contenter pour l’instant d’attendre la sortie de l’album de Kaaris et de me répéter tout bas « Mais qu’est-ce j’vais faire de toute cette oseille ? » ad lib, ça suffira amplement.

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