Chronique : Ghostface Killah, 12 Reasons To Die

mardi 16 avril 2013, par Valentin.

Aujourd’hui, mardi 16 avril, sort le dernier album de M. Ghostface Killah : «12 Reasons To Die». Son dixième album et l’un des plus attendus de sa discographie. Un album concept, tiré du comic book du même nom sous l’égide de « Soul Temple Record Label ». Un album que l’on aurait voulu voir apparaitre plus vite dans les bacs mais en bon camarade du Wu-Tang, Ghostface n’a pas voulu empiéter sur la sortie de «The Man With The Iron Fists» (chronique ici) de son collègue RZA. Un disque qui nous engage donc dans une histoire ou Ghostface Killah incarne Tony Starks dans des péripéties à base de tueur à gages, de clan mafieux, de presse à vinyle et de fantômes vengeurs. On se plait alors à écouter ce conte torturé d’une pellicule qui n’a jamais existé pour un film que l’on aimerait voir. Alors plongeons nous dans les tribulations du Ironman en collaboration avec Adrian Younge pour un album Polaroïd de la folie meurtrière.

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L’album commence par des chœurs renvoyant aux génériques de films de super-héros, plus exactement un super-héros se relevant de ses cendres afin d’en découdre avec les bad guys, un Batman ou un Silver Surfer s’extirpant des décombres, le poing serré, marchant vers une vendetta sanglante au soleil couchant – oui, c’est profond les chœurs. Et c’est tout l’album qui nous raconte cette légende, un homme violent, désespéré puis trahi. GhostFace ou le Wu-Tang ont toujours été imprégnés par les univers de bande-dessiné ou du cinéma, le seul nom «Wu-Tang» faisant référence à «l’épée du WuTang» présente dans le film : «La 36e Chambre de Shaolin», et le nom de Ghostface Killah étant extrait du film «Mistery of Chessboxing» et de son héros «Ghost Faced Killer». Voilà pour les références et les inspirations, mais penchons nous désormais sur le contenu de cet album, qui s’annonce comme une disquette référence de sa discographie.

La force de cet opus est indéniablement dans sa continuité, dans cette histoire qui rythme et détermine le ton de chaque morceau : de la vie à la mort à la renaissance, l’artiste parvient à insuffler une véritable âme à chaque morceau et dès qu’un son se termine, on attend le prochain avec impatience afin de connaitre la suite. Épopée mystique orchestré par RZA, apparemment devenu un spécialiste des contes sanglants, ainsi que d’Adrian Younge, compositeur pour le film « Black Dynamite » – que je ne peux que vous conseiller – qui s’essaye maintenant au hip-hop après avoir réalisé le dernier album des Delfonics. Qui donc de mieux pour expérimenté son talent de producteur que le talentueux Ghostface ?

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Et on constate que la collaboration est plus que judicieuse, puisque l’on se trouve face à un album adulte, intelligent et décomplexé. L’artiste est parvenu à s’extirper de la relative monotonie de ces précédents albums en assumant des instrumentales  qui s’inscrivent à la fois dans les influences old school du temps passé au sein du Wu-Tang et dans des compositions avant-gardistes sorties tout droit du cerveau survitaminé de Mr. Adrian Younge.

Les featuring sont également rondement menés, on assiste à une véritable alchimie entre les protagonistes. Le titre «Enemies All Around Me» avec William Hart qui fait résonner sa voix soul dans les bas-fonds de ce morceau emplit de désespoir et de sonorités empruntés à un western nocturne. Mais je crois que la collaboration majeure de cet album réside dans le titre «I Declare War» avec Masta Killa. Premièrement car il  colle parfaitement tant au niveau des lyrics que de l’instru au thème de l’album et aux rythmes de l’histoire mais également car il est irréprochable, harmonieux et profondément juste.

Quand à RZA, outre son rôle de producteur exécutif, il est également le narrateur de cette fiction, à l’image d’un Morgan Freeman rythmant les épreuves du héros, il expose avec un ton neutre et une voix profonde la mort et la renaissance de la légende Tony Starks. Voila donc un album Hip-Hop qui ne s’arrête pas à sa simple définition, il s’illustre par sa grandiloquence et sa brutalité. C’est un album qui est à la fois d’une grande complexité et d’une efficacité étonnante, un album concept qui s’assume jusqu’au bout, un album qui conte un mythe et qui est en passe de devenir une légende.

Ghostface n’est pas mort et nous le prouve avec ce nouvel album qui parvient à se détacher de la monotonie relative des trois derniers albums studios. Les influences musicales et cinématographiques s’entremêlent afin de livrer un album-concept de qualité. Outre l’univers sombre et malsain et l’histoire profonde et rythmé, le flow est toujours aussi accrocheur, mais il est ici plus adulte, plus réfléchi, la violence s’exprime plus dans le backgroud et dans l’aspect s’incrivant à demi mot dans le courant horrorcore, que dans les cordes vocales de Mr. Dennis. C’est donc, à mon humble avis, un album qui est en passe de devenir un classique du genre et nous rappel bien que Ghostface Killah est aussi le créateur de l’album «Supreme Clientele» qui est sans conteste l’un des meilleurs albums solos du Wu-Tang.

On ne peut que vous conseiller d’écouter et de vous laissez transporter par l’univers cauchemardesque de l’album. Et si la passion vous prend en tenaille de manière trop oppressante, l’édition limitée de l’album est la plus complète que je n’ai jamais vu : Double vinyle, Double CD, Cassette collector avec tout les sons remixés, le n°1 du comics et des planches BD du comics. Bref, vous n’avez aucune excuse pour ne pas vous mettre un casque sur les oreilles et profiter de cette magnifique réalisation. Alors si vous cherchez douze raisons de mourir, c’est peut être l’album qu’il vous faut. Mais personnellement il m’a donné envi de vivre rien que pour attendre le prochain. Sublime.

On savait que le vinyle avait le vente en poupe et que les éditions collector des nouveaux albums ne se séparaient que rarement de leur petit LP à faire tourner sur la platine de grand-maman. Mais la cassette est quand à elle plus rare et il faut dire qu’elle fait son petit effet. Surtout quand elle ne consiste pas en un portage bête et méchant de l’album mais bien à une version remixé par le beatmaker : Apollo Brown. La révision de la copie est de bonne facture et est plus axé sur une vision old school, peut être plus consensuel. Elle tranche peut-être moins avec les productions « classiques » de Ghostface mais ravira surement une bonne partie des aficionados du genre. Une petite touche en plus pour un album qui a déjà tant à livrer

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