Les dix rappeurs du monde nouveau

mercredi 9 novembre 2016, par SURL.

En découvrant les résultats de l’élection présidentielle américaine, autant l’avouer, on a eu les fesses qui faisaient « bravo ». Mais rappelons-le, « la puissance ne respecte que la puissance ». Alors en bons français opportunistes, on a décidé de retourner notre veste avec autant de rapidité qu’un élu de droite fonçant vers les idées du FN. À mi-chemin entre Délivrance et le pire de Bubba Sparxx, on te propose une plongée en apnée dans le rap rural des USA. Une certaine vision de l’enfer… et de ce qui nous attend peut-être.

Oh, la vilaine gueule de bois que tu traînes ce matin. Ils étaient mignons hier soir tes espoirs pour l’Humanité et le « vivre ensemble ». Evidemment, difficile de voir arriver cet avenir digne de Idiocracy, le nez collé à ton Smartphone devant ton frappucino d’un de ces Starbucks interchangeables des centre-villes occidentaux. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir eu des signes avant coureurs, même dans ta douce patrie. Après tout, à quoi sert le progrès social et l’éducation quand on a Cyril Hanouna et Eric Zemmour ?

Combien de fois faudra-t-il te répéter que la vie est de droite ? Je comprends ta déception, mais voyons le bon côté des choses : Donald Trump c’est aussi un exemple pour des millions d’hommes blancs rêvant de pouvoir trouver un job sans réelles qualifications. Grâce à lui les maçons mexicains vont avoir un regain d’activité non négligeable, idem pour les marchands d’armes et les rappeurs américains, qui ne sont jamais meilleurs que sous les Républicains. Et il ne sert plus à rien de se moquer de la coupe de cheveux du mec qui détient les codes nucléaires de la première puissance mondiale.

Le monde change, chico. Froisse moi un peu cette chemise à carreaux et trempe donc tes Stan Smith neuves dans la boue. L’avenir appartient peut-être à ceux que tu traites en culs-terreux arriérés. C’est bien beau d’écouter Kendrick Lamar, Beyoncé ou Common débiter des lyrics conscients, mais souviens toi que la Terre compte aussi des mecs pour qui les mots « Apartheid » et « Amérique du Sud » désignent vaguement un médicament anti migraine et l’Etat du Texas. Et que ceux là, moins cyniques et arrogants que toi vis à vis du système, votent massivement.

Alors, puisque les Américains viennent de décomplexer le populisme, on a décidé, en bons opportunistes, de suivre la voie. Pour ne pas que tu finisses has been, on t’a concocté une sélection de dix rappeurs redneck qu’il va désormais falloir t’habituer à entendre. Le futur de la musique mondiale servie sur un plateau avant tout le monde. Sors ton Stetson et ton quad, et tirons ensemble des coups de feu en l’air pour fêter dignement la victoire de la démocratie.

Mini Thin

Mini Thin, c’est le real deal. Le rappeur de Virginie-Occidentale se décrit lui-même comme « moitié 2Pac, moitié Waylon Jennings », alias le chanteur de country derrière le générique de « Shérif, fais-moi peur ». On n’aurait pas dit mieux : Mini Thin n’est pas ton rappeur de campagne moyen. Il dit les choses, les vraies, que tu ça te plaise ou non. Son morceau « City Bitch » nous avait déjà séduit, surtout quand on le regarde avec le clip, mais c’est vraiment son remix de Wiz Khalifa intitulé « Buckwild & Free » qui nous a convaincu de mettre son nom dans cette liste. « White trash incorporated mini in the place I want a country girl I spit in the peoples face. » Son dernier tweet ? « THANK YOU MR. PRESIDENT!!! HILLARY HANG YOUSELF. » Pas l’temps d’niaiser.

Apalachee Falls

L’authenticité la plus pure. Les trois lascars d’Apalachee Falls et leur label Exodus Klan partagent leurs souvenirs et leur attachement à la terre avec un gout du vécu qui sent bon l’épi de maïs grillé et l’échappement de quatre roues motrices. Nonobstant le fait qu’insérer « Klan » dans un nom de collectif alors qu’on est blanc et américain soit aussi douteux que de déguster un paquet de bonbons à la sortie d’une école primaire, le leader Apalachee Don et son air d’Action Bronson vous aideront à effectuer cette transition rurale en douceur. Avec ses guitares sèches et ses solos enflammés, « Country Roads » redonne ses lettres de noblesses à un hybride rap rock trop souvent persécuté. L’hymne incontournable des baignades dans la rivière avec tous les cousins.

Outlaw

« Yuppies think its funny that my cousin is my brother! » D’entrée de jeu, Outlaw découpe la morale bienpensante des cols blancs à coups de tesson de Budweiser. Le rappeur du Kentucky offre à tous ses « mothertruckers » un remix de son tube en hommage au lifestyle des bleds paumés en compagnie des Redneck Souljers, pas les derniers quand il s’agit d’encenser les countrygirls au cul charnu. Entrepreneur s’il en est, Outlaw étend son business depuis sa grange en développant par exemple une ligne de textile idéale pour se fondre dans le décor lors de la prochaine chasse au bison. Plaçant des punchlines sur le tabac à chiquer au cœur de ses textes, le rappeur ne s’adresse pas à tous et vise directement les adeptes, quitte à en laisser sur le carreau. Le clip est là pour te rappeler que ça ne rigole pas : en cas de dégustation de smoothie ou de compliment sur le brushing de Clinton, c’est à l’arc qu’Outlaw te finira.

Demun Jones

Demun Jones n’est pas là pour faire des sandwiches. Hédoniste assumé délaissant le commentaire social et politique à ses compères détenteurs d’un baccalauréat, notre ami barbu s’interroge sur le vrai sens de la vie à l’ombre d’un chapeau de paille XXL. Le bonheur vrai ne se résume t-il pas à rouler en quad à fond les manettes et boire de la bière tiède dans une caravane ? « Ain’t a party if the trucks ain’t muddy », résume-t-il assez finement. Et ce sans négliger les bienfaits salvateurs d’une application régulière de boue sur le corps. Comme quoi, on peut soigner ses mauvais coups de soleil tout en restant fun.

Moccasin Creek

S’il n’avait pas percé dans le rap, Jeff McCool, seul rappeur du groupe Moccasin Creek, aurait pu aisément se fondre dans le paysage de la WWE. Avec son physique de catcheur, ce grand gaillard au blaze improbable impressionne. Tant par la circonférence de son ventre que par ses prestations musicales. Loin des turpitudes de la vie de quartier, le rappeur raconte son american way life avec une aisance et un flow à faire pâlir la jeune génération. Surtout, ce sont ses références courbaturés et impensables à John Wayne que personne n’aurait soupçonné entendre un jour dans un morceau hip-hop qui font rêver. Attention tout de même : pénétrer l’univers de Moccasin Creek c’est prendre le risque de côtoyer les méandres du rap où la flicaille a été remplacée par des alligators, le quartier par une forêt humide et la guitare électrique les basses ruisselante d’un Metro Boomin.

Tennesse Shine

« Seems like everyday I’m hearing about an other riot, Lord have mercy, I would say come to the South and try it. » Si pour votre mariage vous cherchez un groupe qui aime l’Amérique et qui n’a pas peur d’écraser les mouches avec leurs mains, n’hésitez pas à regarder du côté de Tennessee Shine. Ce trio sait comment charmer les invités et émoustiller les demoiselles d’honneur. Armés de leur guitare, les trois larrons représentent leur tieks avec un rap country teinté de rock qui vient s’amarrer sur le flow nonchalant et langoureux du leader vocal. Un mélange plutôt improbable, aussi surprenant que la dernière recette que t’as vu sur Tasty.

Haystak

Prenez un zest d’origine Libanaise, ajoutez-y un bol de Tennessee, une guitare à faire pâlir votre oncle fan de Johnny et vous obtenez cet Action Bronson des campagnes – oui, encore un. Son nom ? Haystak. Et sans mauvais jeux de mots, le Monsieur pèse. Précurseur du refrain chanté, ce bon vieux Jason Winfree nous balade dans les profondeurs des US à la découverte de son univers nocturne endiablé. Grand sensible, Jason chantonne pour dénoncer la condition des blancs défavorisés dans le Sud, obligés de se construire eux-mêmes. Un hymne à la joie repris presque en cœur une dizaine d’année plus tard par tonton Trump. Grosse mention spéciale au tourné de serviette du rappeur de Nashville qui à 2:31 démontre de quoi faire rougir Patrick Sébastien. Le style n’a pas de frontières.

Homegrown

Barbe rousse, bide à bière et gilet frangé sans manches : HomeGrown possède tous les apparats pour faire rayonner Albany, Georgia, dans le monde entier. Sur « Yee Yee », où il est entouré des meilleurs du comté (Shawty V et Shotgun Shane), il tricote la bande-son officielle de ces day-parties qui commencent accoudés aux coffres des pick-ups et finissent les quatre fers en l’air dans la boue. Le tout sur une intru trap aux petits oignons, à faire rougir de honte Sonny Digital et consorts. Après tout, pourquoi pas ?

The Lacs

Il est vrai que la Géorgie est la nouvelle plaque tournante du rap. Certains parleront d’Atlanta, mais ils se trompent : Baxley est clairement l’endroit où il faut être et The Lacs a bien l’intention de foutre définitivement sa ville sur la map. Le duo fait déjà trembler les campagnes et on entend leurs sons dans tout les pick-ups. « Keep it Redneck » est le son qui te rappelle d’où tu viens : tes premières lessons de quad sur les genoux de ton père, ton premier wheeling dans la ferme du voisin, tes premières Budlight… Putain, c’était mieux avant.

UpChurch

L’Amérique, la vraie. Au début, on se croirait dans une vulgaire parodie de Metallica période Garage Inc, mais il n’en est rien. UpChurch est ailleurs, au-dessus des nuages, flottant dans un univers ouaté qui aux premiers abords a tout du casting pour un porno redneck. « Sick of seeing skinny jeans smiling like a cover girl, I wanna see some kids outback with .22s poppin squirrels. » Au moins on est prévenus. Accompagnant son propos d’ images d’archives noir et blanc, le rappeur originaire du Tennessee multiplie les références à Johnny Cash, tout en arborant le drapeau confédéré. Prends ça Snoop Dogg, t’aurais pas fait long feu à l’époque.

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