Bonjour Le Figaro, vous n’avez pas honte ?

vendredi 19 février 2016, par Jean-Pierre Elkalash.

Quand il ne s’entraîne pas au tir au pigeon dans nos locaux, Jean-Pierre Elkalash nous livre des éditos sanglants qui font rarement dans la dentelle. Les rafales de son calibre n’engagent que lui. Comme Chuck Norris, il sait où il met les pieds, et c’est souvent dans la gueule. Que le monde se tienne à carreau.

Résumé des épisodes précédents.

Suite à ma chronique de BigFlo & Oli et les menaces de mort de trois fans qui s’en suivirent, j’avais décidé de m’exiler quelques mois, loin des frasques de SURL. Voyant le printemps arriver, j’ai retroussé les manches de mon spleen pour finalement jeter mon dévolu sur l’Île Maurice, afin de mieux préparer la prochaine journée de la femme avec mon attachée de presse hongroise Tatiana. C’est donc oisivement installé devant une eau turquoise, un Sex On The Beach en main, qu’une salve de SMS vint troubler cette douce torpeur tropicale…

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16H25 : Je me décide à hiérarchiser mes soucis du moment. Satisfaire les énormes besoins sexuels de Tatiana attendra. En premier lieu, trouver rapidement matière à cette chronique tant attendue par les lecteurs de SURL.

16H26 : Je commande donc un Daiquiri banane. Je retourne dans ma chambre d’hôtel, trébuche sur des cadavres de Heineken et finit par m’affaler sur mon lit king size.

20H34 : Je me réveille enfin et reçoit par mail un extrait de l’article du Figaro qui parle de gangsta rap avec OrelSan et Gringe en couverture. J’ingurgite deux Advil, trois Temesta et un Imodium – on est à l’Île Maurice, on ne sait jamais – envoie le mail suivant à la rédaction du célèbre quotidien français.

« Kikoo les Figolu. Comment ça va ? Moi qui était en manque d’inspi, quel cadeau vous me faites là !

Comment les raclures de bidet que vous êtes osent t-ils s’en prendre encore au rap ? Depuis toujours, vos interventions crispantes de braves artisans franchouillards du journalisme figurent pour moi sur l’échelle de l’horripilation ordinaire, à égalité avec les chansons de Zaz, le Raï’n’B et les couvertures du Point. Mais là, l’envie de vous faire cracher par les narines l’andouillette sauce moutarde qui vous obstrue le cerveau s’en est trouvée décuplée après avoir assisté à cette nouvelle démonstration de mauvaise foi. J’avais jusque-là décidé d’ignorer votre présence, un peu à la manière des Indiens qui vendent des roses en soirée et qu’on rembarre par habitude. Et puis cette semaine, le gangsta rap, énième victime pilonnée sous vos plumes d’open space, m’a décidé à sortir de ma réserve et des replis duveteux de ma sculpturale secrétaire.

Intéressons nous au titre de l’article : « Sexisme, drogue et violence : le ‘gangsta rap’ fait des émules chez les ados. » Un pitch qu’on pourrait aisément traduire en langage adulte par : « Ils sont noirs, armés et n’aiment pas les femmes. Faisez gaffe les gens. » On sait tout de suite qu’on va se taper des barres – que dis je, des poutres voire des colonnes de LOL. Petit extrait du papier en question : « Éric Faveyn, vice président de la Ligue de l’enseignement, soulève la question du sexisme que ce genre de musique véhicule. ‘Il suffit de laisser traîner son oreille dans un collège pour constater que cette question est majeure, note-t-il. ‘Il faut savoir qu’aujourd’hui les jeunes passent plus de temps devant les écrans qu’à l’école ou en famille.’ » Bon, vous ne m’en voudrez pas si je vous remixe, dans la plus grande tradition hip-hop et que je vous renvoie la balle dans la gueule façon smash gagnant. En inversant un peu le point de vue, ça donnerait ça : « Julie Nodino, vice présidente de l’association Vieillesse et Dignité, soulève la question du populisme que ce genre d’article véhicule. ‘Il suffit de laisser traîner son oreille dans un club de Scrabble pour constater que cette question est majeure, note-t-il. Il faut savoir qu’aujourd’hui les vieux passent plus de temps devant les journaux qu’au marché ou en famille. Ce sont donc les créateurs, les diffuseurs de ce genre d’articles qui fabriquent l’essentiel des représentations chez les vieux, sans la mise à distance et le jugement critique que l’on peut attendre des médias et de la famille.’ » Au passage un journal de droite parlant d’un rap bafouant les « valeurs républicaines » (sic) c’est un peu le cercle vicieux de la pervenche verbalisant ceux qui la traitent de salope. Vous avez peut-être aussi le goût du trottoir, va savoir.

Pour une fois, j’ai presque éprouvé de la sympathie pour l’ensemble des rappeurs que vous brocardez à longueur d’articles comme un chauffard repassant trois fois sur sa victime. Après tout, vos positions réactionnaires reçoivent les faveurs d’un certain public qui en redemande toujours – comme quoi la merde a bon goût. Les raccourcis faciles et la stigmatisation d’une certaine population, c’est pourtant bien un trait que vous partagez avec toute une frange du rap de droite que vous conchiez. Je comprends que vous soyez jaloux à l’idée de devoir partager un public ras des pâquerettes avec Maître Gims, mais rassurez vous, vous resterez le numéro 1 dans le cœur des amateurs de terrine de panse de bouc et celui des derniers fabricants de saucisson lyonnais brioché.

Chers ambassadeurs de cette France flétrie dont le quotidien tourne en boucle, sous perfusion de télé réalité et de géranium, merci encore pour ce shoot d’inspi.

Je ne vous salue pas, j’ai les mains pleines de crème solaire.

Bisous poujadistes & headshot. »

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