ShowYouSuck : rap et pizzas, l’équation parfaite ?

vendredi 28 mars 2014, par Cedric.
Crédit photo cover : Dakota Blue Harper

En matière de blazes, les rappeurs font souvent preuve d’une grande imagination. Bien plus que leurs collègues de la variété française (coucou Maître Gims). Mais à ce petit jeu, Clinton Sandifer a pété tous les scores “j’ai pensé que ça serait amusant si les fans étaient obligés de me dire que je suis mauvais, et ce même s’ils ne le pensent pas. J’ai donc choisi le surnom de ShowYouSuck”. Si cette #privatejoke ne rend pas justice au talent du bonhomme, elle a le mérite de mettre en avant son humour, un humour qui est partie prenante de son rap. C’est bien simple, que ce soit pour le choix de la cover de ses projets, ou pour les titres de ses morceaux, le mot d’ordre est le même : il faut faire marrer l’auditeur. Dans ce domaine, ShowYouSuck fait partie des meilleurs. Ca méritait bien quelques lignes de présentation.

Photo / Virgil Solis

Photo / Virgil Solis

Des rappeurs comme lui, on n’en voit pas tous les jours. Entre ceux qui font l’apologie de l’argent, ceux qui font l’apologie du sexe, et ceux qui font l’apologie du découpage sur corps humain, les rappeurs qui sont persuadés que l’humour à sa place dans le rap forment une caste à part. Et très peu médiatisée. A part R.A. The Rugged Man, Tyler, The Creator, et dans une moindre mesure notre ami Alkpote, les rappeurs qui mêlent lyrisme et humour restent tapis dans l’ombre. Pourtant, ce ne sont pas les plus mauvais. Il n’y a qu’a écouter ShowYouSuck pour s’en convaincre. Bien que son pseudal laisse penser le contraire, ShowYouSuck est un très bon rappeur. Sa longue discographie et sa fanbase grandissante sont là pour en témoigner. On est loin de la boulimie rappo-merdique d’un Lil B et de la dévotion religieuse des fans du Based God. 

 

« Le rap peut-être bien autre chose que ce que vous avez l’habitude d’entendre. »

 

Dans le game depuis 2001, le rappeur à sorti pas moins de 7 projets dont 5 mixtapes très bien fournies. Chacune de ses sorties a été l’occasion pour lui de voir sa fanbase s’étendre, probablement séduite par le côté fun du rappeur autant que par la qualité de ses morceaux.  Déjà, comment rester insensible à sa série de mixtapes One Man, Pizza Party ? On n’a pas encore écouté un seul de ses morceaux que l’on est déjà attiré par la cover toute dégueulasse rappelant un buddy movie raté, et par le titre qui contient le mot « pizza ». Pourquoi pizza ? Sa réponse est sans détour « qui n’aime pas la pizza…? » En effet, pas grand monde, et c’est pourquoi on a vite fait de déguster ses différents projets, les uns après les autres, comme des gorets. Et les apprécier comme des grands chefs.

Il faut dire que ce qu’il nous sert n’est pas rébarbatif et indigeste. On ne reste pas cloitré dans un style unique avec ShoYouSuck. On multiplie les expériences sonores. Notre amateur de pizza aime mélanger des sonorités venant de l’âge d’or du hip hop à des sonorités plus contemporaines comme la trap, l’electro ou encore la punk-hardcore. Sans oublier les bruitages un peu particulier que l’on peut retrouver dans ses chansons – qui en feront sursauter plus d’un, no spoil. Un mélange qui donne à chaque morceau une saveur particulière et unique.

On ne s’attendait pas à moins en face d’un tel personnage, totalement hétérodoxe aux autres rappeurs dans ce rap game. Les rappeurs sont censés faire certaines choses, avoir une certaine image. Lui s’en écarte totalement. Il n’y a qu’a voir les sujets de ses textes « dans mes chansons je parle de skateboard, de films et séries des années 80/90, de relations amoureuses – et sexuelles – avec des femmes, de jeux vidéos et de tout ce qui me fait marrer ». Loin des ateliers vente de stups et hustling de nos chers rappeurs.

Tout cela n’est peut-être qu’une histoire d’influences. Des mecs comme Rick Ross C-Murder, Prodigy, Dontcha ou Fredro Starr, ils ont grandi dans la rue, ils ont connu la violence, ils détestent la police. Normal que leurs propos soient crus et violents, que leurs instrus soient remplies de crasse et laissent des marques comme après une bonne vieille rouste donnée à une balance, que leurs idoles soient des gangsters véreux et des rappeurs qui prônent l’euthanasie par arme à feu. En matière d’influence, ShowYouSuck fait voguer son rap à contre courant. Ce n’est pas pour autant qu’il considère ce qu’il fait comme autre chose que du rap « j’ai lu des articles qui disaient que ce que je faisais, ce n’était pas du rap, pensant peut-être me complimenter pour mon travail. Mais moi, j’ai trouvé ça insultant. Ce que je fais, c’est du rap, car le rap peut-être bien autre chose que ce que vous avez l’habitude d’entendre »

Photo / Mishkanyc

Photo / Mishkanyc

Oubliez les storytellings sur la fusillade du lundi soir à Compton, ou les histoires de deals foireux qui se sont terminées par un lynchage au poste. ShowYouSuck vous fera voyager dans son univers fantasque fait d’émissions TV des années 90, de pop art, de films, de jeux vidéos et de sujets amusants qui font le buzz dans le rap game. Par exemple, ShowYouSuck est plus enclin à parler du cul tordu de Miley Cyrus que du meurtre de Doe B. Si c’est marrant et bien foutu, on ne va pas s’en plaindre. Musicalement parlant, les influences de ShowYouSuck sont plutôt à chercher du côté de Toro y Moi, Pharrell Williams, ASTR, ou Violent Femmes, que du côté de Tupac, Nas ou Gucci Mane. Ce qui explique aussi, outre le ton pacifique et décalé de ses paroles, l’éclectisme dans ses morceaux.

Quoi qu’il en soit, son petit parcours nous prouve que jusqu’à présent, ShowYouSuck n’a pas renié ses influences, et plutôt que de se travestir et jouer les gangsters, il a su rester vrai. Et bien plus crédible que d’autres acteurs du milieu (coucou officier Ricky). La suite du programme pour le rappeur ? Un album, qui devrait sortir dans le courant de l’année, intitulé RAD, et le développement d’une marque de vêtement, Slurpcult, élaborée avec quelques copains. Et s’il a le temps, un court-métrage « j’ai développé un amour inconditionnel pour les films donc je veux aussi faire un court-métrage cette année ».Un agenda plutôt chargé, mais quand on aime ce que l’on fait, peu importe le temps consacré, pas vrai ?

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