Rewind : ‘Lifestyle Ov Da Poor And Dangerous’ de Big L

mercredi 3 avril 2013, par Valentin.

17 ans après le décès de Big L, nous avons choisi d’aller chercher dans nos archives poussiéreuses l’une de nos chroniques (publiée en 2013) passant en revue l’album le plus abouti de la carrière de Big L : Lifestyle Of Da Poor And Dangerous. Véritable symphonie des bas quartiers new-yorkais, l’album relate avec âpreté le quotidien d’un enfant insolent du rap, laissé pour mort sur le pavé un soir de février 99.

Le 15 février 1999, Lamont Coleman a.k.a Big L tombe au coin de la 139th West et Lenox Avenue, abattu de 9 balles dans le corps. Jour amer pour le hip-hop qui voit  tragiquement disparaître l’une de ses figures majeures.

Alors qu’il allait signer chez Roc-a-Fella Records, Le rappeur laisse derrière lui deux albums : Big Picture, disque qu’il a enregistré en studio mais qui n’est apparu dans les bacs qu’un an après son décès et Lifestyle Ov Da Poor And Dangerous, toujours considéré comme son œuvre majeure, bout d’histoire qui restera à jamais dans la mémoire collective. Cela fait désormais 16 ans que l’icône s’est éteinte et c’est à cette occasion que nous souhaitions revenir sur sa Chapelle Sixtine, dans laquelle tout aficionado de hip-hop aime à se recueillir.

L’album Lifestyle Ov Da Poor And Dangerous sort en 1994 et est paradoxalement accueilli de deux façons distinctes. Il fut applaudi largement par la critique ainsi que par la sphère underground reconnaissant déjà l’album comme un classique du rap east coast. Malgré cela, l’accueil fut plus mitigé en ce qui concerne le plus grand public. On lui rapprocha un côté trop hardcore, trop ancré dans les productions « made in Harlem » de l’époque. Il s’est seulement classé à la 149e place du Billboard 200 et à la 22e place du top r&b/hip-hop Albums. Pas vraiment une entrée fracassante dans les charts, donc.

Voilà pour les chiffres. Mais soyons un peu sérieux : même s’il ne connut pas le même succès que des albums tel qu’llmatic de Nas ou Ready to Die de Notorious BIG, il est incontestable qu’il a marqué de son empreinte le rap de la côte Est. Pardon, le rap tout court. Non, la musique plutôt. Enfin, notre vie quoi.

 

« I’m so ahead of my time, my parents haven’t met yet »

 

Deux morceaux ont traversés les ondes pendant une courte période : « M.V.P » et « Put It On ». Ces tracks restent les seuls à avoir eu droit à leurs clips vidéo, réalisés par Mr. Coleman en personne. Ce sont d’ailleurs les deux titres les plus soft de l’album. « M.V.P » n’est pas sans rappeler les samples et les voix féminines déjà présents sur l’album Ready To Die. D’ailleurs, la ressemblance avec le morceau « One More Chance » de B.I.G s’avère plutôt frappante. Lord Finesse s’explique à propos de ce morceau : « Colombia Records a voulu quelque chose avec une accroche, quelque chose d’un peu catchy, qu’ils auraient pu passer à la radio. » On ne peut d’ailleurs que vous conseiller le visionnage des deux clips, véritables capsules temporelles du style, à base de manteaux XXL, de combinaisons et de bob Kangol. Car oui, si tu es un rappeur des années 90 et que tu n’es pas passé par le bob Kangol, tu n’as pas eu de vraie carrière.

Quant au titre « Put It On », avec Kid Capri en featuring, il constitue un vrai hymne à son époque. L’instrumentale y est mémorable, le flow indémodable.
 D’autres morceaux s’inscrivent dans une volonté beaucoup plus underground, avec l’aide de Killa Cam ou Trooper J que l’on retrouve sur « 8 Iz Enuff » ou « Street Stuck ». Une place plus importante est alors accordée au flow de ces machines à verbe et l’instru, sans se faire spécialement remarquer, fait son taf et soutient les rimes avec efficacité.

1355432408_big-l

Mais notre descente dans l’underground ne s’arrête pas là : en s’inscrivant dans une mouvance horrorcore, Big L nous entraîne avec brutalité dans son freak show. Car quand on parle d’horrorcore, on se réfère souvent à des groupes tels que Flatlinerz ou Gravediggaz. Pourtant Big L, ce fan invétéré des films d’horreur, fut également une figure de proue de ce style, à la croisée des chemins entre Freddy Kruger et Jason Voorhes. Des morceaux tels que « All Black », « Da Graveyard » ou « Lifestyle Ov Da Poor And Dangerous » s’illustrent par la puissance de leurs percussions et la violence des lyrics. Alors posez-vous dans une cave sombre et laissez vous porter par l’univers cauchemardesque du prodige.

En résumé, il est délicat de formuler une seule véritable critique sur cet album où tous les morceaux bénéficient d’une véritable identité et possèdent un caractère marquant et profondément singulier. Éventuellement, on pourrait chipoter en déplorant l’absence des excellents « Unexpected Flava » ou  « Devil’s Son » qui ne figurent pas sur la version finale de l’album. Si cela vous manque vraiment rabattez-vous sur la compilation In Memory Of Big L sortie en 2004 et regroupant les titres phares du prince de quartiers sombres.

 

« Fuck love, all I got for ho’s is hard dick and bubble gum »

 

Durant sa courte carrière, Mister Coleman a su s’entourer des meilleurs. Que ce soit du point de vue des producteurs avec Showbiz, Lord Finesse ou encore Buckwild, ou bien pour les featurings avec des têtes d’affiche tels que Jay-Z, Killa Cam, 2pac ou encore Guru. Big L est donc bien une pierre angulaire de ce hip-hop mid’ 90’s qui, vingt ans plus tard, conserve la même saveur et la même authenticité. C’est à ce moment là que l’on pourrait glisser un simple « R.I.P Big L », mais comme il l’a dit lui-même : « You can’t kill me i was born dead. »

Article recommandés

Big K.R.I.T. brille plus que jamais sur ‘4eva Is A Mighty Long Time’
Après deux albums remarqués en major, Live From The Underground et Cadillactica, Big K.R.I.T. a mis fin en 2016 à sa collaboration avec le géant Def Jam. Mais n’ayez aucune…
Après deux ans d’attente, le premier album d’OverDoz ne déçoit pas
Si vous étiez au taquet sur les Internets au début des années 2010, au milieu de cette émulation autour de nouveaux rappeurs et groupes émergeant de tous les côtés des Etats-Unis,…

les plus populaires