‘Beyrouth Street’, plongée au coeur du hip-hop libanais

jeudi 27 avril 2017, par SURL. .
Si les Etats-Unis et la France semblent être deux piliers incontournables de la culture hip-hop, celle-ci n’a pas manqué d’essaimer dans tous les environnements propices à son éclosion. Peu connue du grand public, la scène libanaise est pourtant débordante d’énergie et de créativité. Rappeur, animateur et cinéaste, Salim Saab a documenté cette vitalité dans son film Beyrouth Street. Entretien.

Le monde moderne a vu éclore bien des cités mythiques à travers le monde. Sur les bords de la Méditerranée orientale, Beyrouth, la capitale du Liban, fait partie de celles-là. Héritière d’une histoire à la richesse démesurée, parfois douloureuse mais toujours pleine de vie, celle que les phéniciens avaient nommée Berytos demeure une place culturelle incontournable du Monde Arabe.

Ouverte sur le monde, la métropole libanaise et sa jeunesse ont embrassé le mouvement hip-hop comme l’on découvre un grand oncle revenu de très loin. La diaspora libanaise est une – sinon la – plus étendue du monde. On compte près de 14 millions de personnes originaires du Liban à travers le globe pour une population locale de moins de 6 millions d’individus… Sans nulle doute, ces connexions sur les continents Américain, Africain et Européen ont permis l’importation dans les années 80 de la culture hip-hop à Beyrouth.

Plus de 30 ans de vie du mouvement plus tard, un jeune activiste, journaliste, MC et désormais cinéaste libanais nous plonge dans son Beyrouth Street, un documentaire 100% hip-hop au cœur de « la ville qui ne meurt pas ». Nous avons rencontré Salim Saab à la suite de l’avant-première de son documentaire au Cinéma Montaigne de Beyrouth. Entretien.

SURL : Pour les plus novices d’entre nous, rappelles nous qui tu es et quel a été ton parcours.
Salim Saab : Salim Saab alias Royal S. Rappeur, journaliste et animateur radio sur Radio Monte Carlo Doualiya et Radio Aligre. J’ai commencé par le rap au milieu des années 90. Au début des années 2000, j’ai monté une structure avec mon frère : West.B Production. On sortait des mixtapes et par le biais de cette structure j’ai sorti mes premiers disques. En tout j’ai sorti trois disques (albums et EP). En parallèle à ça, j’écrivais pour la presse hip-hop, notamment dans Tracklist et The Source France. J’ai interviewé pas mal de monde que ce soit en rap français ou US. De Ja Rule à Ashanti en passant par La Rumeur, Ali et d’autres… Après avoir sorti mon dernier CD en 2008, j’ai décidé de monter un projet d’émission de radio car ça me tentait depuis un certain temps. Et en 2010 j’ai proposé une émission à Aligre FM, Old School/New School. Ils ont tout de suite accroché ! Dans cette émission j’ai reçu toute la scène rap français, surtout les anciens. Mais beaucoup ont également fait leurs premières apparitions radio chez moi, comme 1995 ou Guizmo. En 2013, j’ai commencé à animer une émission sur les cultures urbaines mais dans le monde arabe, via la radio panarabe Monte Carlo Doualiya. Puis en 2016 j’ai eu l’idée de réaliser un documentaire sur le hip-hop au Liban. Parce-que je suis d’origine libanaise et que je voulais faire connaître le hip-hop libanais, son énergie, sa richesse et sa créativité. La première projection a eu lieu à Beyrouth le 13 avril et c’était un franc succès. Salle comble, 250 personnes !

Que gardes-tu de ton passé d’activiste hip-hop et de rappeur?
Mon passé de rappeur et d’activiste hip-hop ? Je suis toujours rappeur et plus que jamais activiste hip-hop. Et pour longtemps !

C’est ton premier documentaire, comment prépare-t-on un tel projet?
J’ai toujours fonctionné de façon autonome, donc j’ai tout simplement pris ma caméra et j’ai sillonné Beyrouth, ses rues, ses open mic, pour filmer la scène hip-hop dans toute sa globalité : rap, graffiti, danse, beatbox et DJ. J’ai eu près de 30 heures de rush… Si ce n’est plus ! Et j’ai ensuite divisé le documentaire en cinq parties. Une partie pour chaque élément du hip-hop en incluant des lives et des moments de vie. C’était énormément de travail car je devais condenser ces 30 heures de rush en une heure mais au final ça glisse et les gens qui l’ont vu n’ont pas été déçus.

Beyrouth est une ville mythique, qu’est-ce que le hip-hop lui a apporté ?
Le hip-hop apporte de l’unité au sein d’une partie de la jeunesse à Beyrouth. Ça apporte de l’art, de l’énergie, quelque chose qui occupe de façon positive dans un environnement assez anarchique. « Peace love and unity » ! Les bases du hip-hop.

Comment imagines-tu la suite ? Pour Beyrouth et sa scène, pour les artistes, pour toi ?
Beaucoup de boulot en perspective : je réfléchis déjà à un autre docu. La scène hip-hop au Liban se porte bien et s’exporte même. Des rappeurs comme Chyno ou Malikah font des concerts un peu partout en Europe, les graffeurs pareil. Spaz et Exist étaient au Brésil récemment et ont tout défoncé. Lethal Skillz mixe entre la Malaisie et le Liban. Ça va plutôt bien !

Où et comment voir le documentaire Beyrouth Street ?
Il y a des projections un peu partout. Le 26 Avril à l’Institut Du Monde Arabe de Tourcoing, bientôt en Jordanie et au Caire et bien sûr des dates parisiennes arrivent. Peace !

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