Rock en Seine 2017, édition grand(e) cru(e)

mardi 29 août 2017, par Jordan Moilim. .

Arborant les allées du parc national de Saint-Cloud sous un soleil de plomb, SURL est parti goûter la cuvée 2017 de Rock en Seine. Une cuvée avec du caractère : une chouette dose de turn up, du mélange, et une belle robe sentimentale venant adoucir le tout. On vous raconte.

À l’image d’une année mouvementée pour le rap belge, la programmation rap du festival est inaugurée par les désormais notorious Caballero et JeanJass. Un concert auquel nous n’avons malheureusement pas pu assister – quelle idée de les programmer à 16h15 un vendredi –, comme tous les gens qui doivent bosser pour survivre et qui ne peuvent quitter le bureau après le déjeuner pour aller en festoch’. Mais on s’est renseigné et ironie du sort, les deux compères auraient déboulé avec une heure de retard sur le programme à cause d’un problème automobile, et se seraient retrouvés obligés de performer sur la scène sponsorisée Firestone, une… marque de pneus. Le coup de la panne, le duo n’en n’avait pas vraiment besoin pour pécho son public. Josman enchaînait le soir-même, trois heures après les darons de The Pharcyde, mais notre incapacité à voir le duo de belges préférés d’Alkpote sur scène nous a poussé à faire l’impasse sur ce day one de Rock en Seine

Le lendemain, c’est au tour du californien Vince Staples d’enflammer le festival. Avec la sortie de Big Fish Theory, on s’attendait forcément à un show qui risquait de mettre tout le monde d’accord tant les vibzes dansantes de son disque, similaires à celle d’un Kaytranada, sont irrésistibles. L’artiste fut fidèle à lui-même, concentré dans son set et a enchaîné ses morceaux quasi-machinalement. Pour la communion avec le public, on repassera. En résumé : un bonheur pour les initiés que de voir l’artiste lâcher ses gros bangers comme « Blue Suede » ou « Norf Norf », moins pour les néophytes face à un rappeur davantage dans le don que dans le partage avec une scénographie pour le moins, minimaliste.

« Vite, Columbine va commencer »

Une heure plus tard, alors que le soleil se couche doucement sur le parc – laissant penser aux instagrammeurs en herbe qu’ils sont photographe pro – tout le monde s’agite vers la scène du Bosquet. « Vite, Columbine va commencer. » Beaucoup de jeunes, quelques moins jeunes, et finalement une vraie belle surprise. Il fallait les voir, ces regards attendris d’adolescents qui scandaient les premières paroles du morceau « Enfants terribles » en brandissant leur iPhone en guise de briquet. Il y a avait quelque chose de ce qu’on appelle la « communion ». Pour le groupe, une belle présence sur scène et la conscience qu’il fallait être à la hauteur. Il n’y avait plus qu’à se laisser porter par le public. Un joli moment qui nous rendrait presque nostalgique de nos premiers concerts, ceux où on était au premier rang, attendant en tremblant que notre idole débarque.

Dimanche, Roméo Elvis était, lui, arrivé à l’heure. Très attendu par la scène parisienne, le gamin de Linkebeek a fait le taff. Certes fatigué car il enchaînait sa troisième scène d’affilé, il a tout de même trouvé les ressources nécessaires pour ambiancer un public voué à sa cause. La rançon du succès :  engager un refrain et laisser le turn up faire les choses, en ayant quand même le plaisir d’annoncer sa prochaine date au Bataclan. Du gros pogo sur un « Sabena » énervé, des refrains à n’en plus finir sur le classique « Bruxelles Arrive » et forcément une pincée d’émotion sur le duo avec Angèle, sa soeur, sur le morceau aérien « J’ai Vu ». Un set en pilotage automatique, une recette bien dosée, rondement menée, et qui goûte bon jeunesse bruxelloise.

Pour ceux qui avaient encore la force pour un énième pogo, Denzel Curry était prêt à en découdre. Il avait annoncé la couleur avec son EP 13 sorti récemment : il est encore plus revanchard, encore plus énervé, et va tout faire péter sur scène. Chose promise, chose dûe : le Floridien a envoyé la purée. Fidèle à l’époque de « Threatz » – mais qu’est devenu Robb Banks ?! – et du génialissime Nostalgic 64 que l’on vantait à sa sortie en 2013, le show fut d’une punkitude sans nom. On vous le dit clairement : personne n’en n’est sorti indemne. Voir une foule brûlante hurler « y’all niggas ain’t U.L.T », lâcher ses meilleurs moves main en l’air sur « This Life », pour finir avec un Denzel Curry en transe sautant dans le public entre deux pogos sur « Look At Me Now » de son pote Xxxtentacion, moment qu’il a choisi pour brandir inexplicablement sa Cortez, ça chauffe la rétine. Rassurez-vous, il n’a clairement pas rappé à côté de ses pompes, et la Cigale le 22 novembre risque de se transformer en four à bois.

B Real, après quelques bongs, se déchaîne sur les bongas

On rate malheureusement Rejjie Snow, parce qu’il faut bien bosser à un moment et que les pogos en continu, c’est plus de notre âge. Il était par contre difficile d’éviter Cypress Hill sur la main stage. Moment plein de souvenirs qui traversent les générations, jeunes et vieux incollables sur « Tequila Sunrise ». Un show rodé, il n’y a pas à dire : ça marche, on se fait encore avoir. À l’américaine, pas trop se compliquer la vie sur la scèno, refaire la bonne vieille confiture dans les bonnes vieilles marmites, et on s’enquille les tartines avec plaisir. B Real, fidèle à lui-même qui, après quelques bongs, se déchaîne sur les bongas. Il a d’ailleurs troqué sa casquette du jour pour un joli chapeau publicitaire distribué par un sponsor du festival, assumant un peu plus sa part de beaufitude – celle qui fait sourire chez les gens, pas l’autre. Sen Dog et Bob assurent, continuent de prendre leur pied et on ne va pas se le cacher, nous aussi.

Avec toutes ces émotions, un peu de douceur s’impose. The XX vient conclure le festival, et de quelle manière. Atmosphérique. Oui, nous avons flanché, oui, nous avons complètement chaviré. Tout commence, logiquement, avec la légendaire « Intro ». Première note, tout le monde d’accord. S’en suit certains moments ;  dansant, yeux fermés, comme sur l’excellent « Dangerous » durant lequel Jamie XX harangue la foule avec ses percussions. Et d’autres instants complètement silencieux, captivés par la douceur de Romy Madley-Croft qui interprète – seule à la guitare – « Infinity ».  Un concert d’une rare tension émotionnelle, complétée par une maîtrise musicale qui a convaincu les 30 000 personnes rassemblées au domaine national de Saint-Cloud. Après ce genre de moment, on se dit que le rap doit encore apprendre à gérer ces grandes scènes, ces grands rendez-vous, pour qu’il puisse se targuer lui aussi de créer des instants hors du temps d’une telle envergure. À l’année prochaine.

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