Freshmen XXL 2009 – Que sont-ils devenus ?

lundi 24 février 2014, par Sylvain Caillé.

Depuis 2008, le célèbre magazine cainri XXL s’amuse à élire chaque année une sélection non-exhaustive de dix rappeurs en passe de devenir incontournables. Au fil des années, cette sélection a pris de l’ampleur, au point de devenir une référence dans le milieu : les Freshmen XXL Of The Year. Chaque année, ces bleus représentent l’avenir de la nation en terme de rap.

Après avoir passé en revue l’évolution de la première sélection du magazine XXL, la génération 2008, on s’attaque à la promo suivante. Sur les dix rappeurs promis à la gloire éternelle, combien suscitent encore l’attention cinq ans plus tard ? Début de réponse ci-dessous.

 

BOB

2009

Âgé de 20 ans lors de sa nomination, Bobby Ray affiche déjà un background musical assez flatteur. Il vend son premier beat à 14 piges. A 18 ans, il est repéré lors d’un live dans un club tenu par T.I. et signe un mois plus tard sur le label Atlantic Records. Talent précoce. Son premier single sous AR, « Haterz Everywhere « , attire l’attention des grands et atteint presque le Billboard Hot 100 Singles. Très prolifique, B.o.B. enchaîne les projets avec une aisance surprenante. Surtout, alors que la trap monopolise les ondes d’Atlanta, B.o.B. ramène une touche funky façon « I’ll be in the Sky »  qui rappelle presque deux légendes de sa ville. Oui, on pense à Outkast. Son apparition sur le célèbre Paper Trail de T.I. – plus de trois millions de copies écoulées – l’envoie illico sur la photo de classe XXL.

2014

B.o.B. a totalement embrassé son personnage pop, celui qui lui a ouvert en grand les portes du succès. Au début pour le meilleur : son délire schizophrène sur la mixtape B.o.B. vs Bobby Ray renforce son niveau de coolitude, à l’instar d’un « No Mans Land » country-pop  sympatoche. Malheureusement, cette facette radio-friendly va rapidement annihiler son intérêt artistique. Son premier album B.o.B Presents: The Adventures of Bobby Ray cartonne auprès du grand public et donne envie de vomir aux fans de la première heure. Grâce à de puissants singles édulcorés, putain Bruno Mars, il vend plus de 500.000 exemplaires aux US en moins d’un an et sa notoriété dépasse les frontières. Une belle réussite commerciale pour celui qui devient le rappeur le plus PEGI+3 du circuit. La suite ? Un Strange Clouds aussi fade que son single éponyme, qui écoule tout de même 300 000 copies aux States. Malgré quelques minces lueurs d’espoir, « Play The Guitar » invite Andre 3000, la carrière du bonhomme désintéresse les rap addicts. En l’absence de single aussi fédérateur, les amateurs dérochent également. B.o.B tente de se maintenir en travestissant sa musique au gré des modes. Pas de bol, son troisième LP Underground Luxury tape un gros bide : à peine 75.000 exemplaires en un mois. Ça fait mal, ça fait mal.

Résultat : Pass

Qu’on adore ou qu’on abhorre, B.o.B. a prouvé qu’il avait une carte à jouer dans l’univers du rap. XXL a vu juste sur le coup. Le rappeur est taillé pour les charts et même si on aimerait crasher son putain d’Airplane avec Tyler The Creator, on ne peut pas renier l’efficacité commerciale. Heureusement, ça ne dure pas éternellement. Comme quoi, y’a une justice.

KIDCUDI

2009

Au moment de sa nomination en tant que Freshmen XXL ’09, Cudi n’a pas encore droppé son conceptuel Man On The Moon. Signé sur GOOD Music après avoir tapé dans l’œil de Kanye West avec sa mixtape A Kid Named Cudi et son tube « Day’n’Night« , Scott Mescudi trace sa route auprès des grands. Il travaille même en studio avec Yeezy et Jay-Z, respectivement sur 808s & Heartbreak et Blueprint 3. La classe. Mais c’est surtout grâce aux Crookers que l’Europe va découvrir le jeune prodige de Cleveland. Les DJs Italiens s’emparent du Day’n’Night et le propulsent au rang de hit planétaire, l’hymne officiel de l’été 2009. Dans l’histoire du disque rap, on a rarement vu une meilleure préparation de terrain pour le lancement d’un rookie album.

2014

Plusieurs millions de singles vendus et quelques albums plus tard, Cudder n’est plus à présenter. Porté par les producteurs Emile Haynie et Plain Pat, Man On The Moon impose un style emo, une mini-révolution. Une énorme fan base soutient . Que ce soit « Day’n’Night », « Make Her Say » ou « Pursuit Of Happiness« , tous connaissent un succès fou, tout comme l’album qui s’écoulera à plus de 830.000 exemplaires en quelques années. La suite, on la connaît. Happé par la drogue et emprisonné par son succès, le Cleveland boy au « Mojo So Dope » sort la deuxième partie de son histoire avec Man On The Moon II. Un album bien plus personnel et touchant, qui scorera moins que son premier volet. On tape quand même plus de 500.000 ventes. Cudderisback, et en force puisqu’il signe son projet le plus abouti. Il en profite pour diversifier ses actifs, participant à la série How To Make It In America et collaborant avec Surface 2 Air. A ce moment là Cudi réussit tout ce qu’il touche avec brio. Mais depuis, le rappeur n’a jamais réussi à retrouver le niveau qui était le sien à l’époque. En quête d’indépendance et à la recherche de nouvelles sensations, Cudi lâche ses producteurs bien-aimés pour s’allier avec son ami Dot Da Genius en 2012. Sous le nom de WZRD, ils sortent un album expérimental de moyenne facture qui ne trouvera jamais son public. Une erreur, prolongée en 2013 par son départ de GOOD Music et son troisième solo Indicud : en plus de ne pas dépasser les 250.000 ventes aux USA, il laisse un goût amer dans la bouche des fans, éternellement en attente du retour d’un Cudi inspiré.

Resultat : Pass

Le débat ne se pose pas. Cudi est arrivé en 2009 avec un style et une énergie unique. Son ascension fulgurante est aussi saisissante que sa descente aux « enfers », toutes proportions gardées. Quoi qu’il en soit XXL ne s’est absolument pas trompé en le sélectionnant pour sa Class Of ’09.

 

ASHER ROTH

2009

On va pas se mentir, il a longtemps été difficile pour un rappeur blond, blanc et gringalet, de percer dans le rap game, à défaut de s’appeler Eminem. Jusqu’à MySpace. Une plate-forme géniale sur laquelle Asher Roth met en scène un nouveau trait du rappeur : l’étudiant chill. D’abord repéré sur le web par Scooter Braun – le mec qui a découvert Justin Bieber – la légende raconte que, suite à un 16 freestylé dans le bureau de Jay-Z, Hov lui aurait rétorqué « Ok, you’re nice« . Cee-Lo et Akon reconnaîtront aussi le talent du rookie. Culotté, il transforme « Roc Boys » en « Roth Boys » sans pression. Don Cannon et Drama l’adoubent sur la tape Greehouse Effect.  Il crève définitivement l’écran grâce à l’hymne étudiant « I Love College« .  Persuadé d’avoir déniché le nouveau Eminem, bien que leurs styles n’aient rien à voir, XXL coche son nom pour sa class of ’09. En plus, son LP Asleep In The Braid Aisle a quand même craché 200 000 exemplaires dans le pays. Coolest dude de la promo.

2014

Quatre ans et demi plus tard, on attend toujours le deuxième album du rappeur. Une fois le buzz consumé, il n’a pas réussi à rebondir sur son succès éphémère. Comme bon nombre de rappeurs, il est rangé au placard par sa maison de disque et ses managers. N’étant pas considéré comme prioritaire dans l’industrie du disque, Asher s’exerce en enchainant les projets gratuits avec ses potes. Un super EP avec Nottz en 2010, une terrible mixtape produite par Blended Babies en 2011 et le volume 2 de sa GreenHouse Effect tape, toujours couvé par Don Canon et DJ Drama. A cela s’ajoute trois singles enregistrés – dont deux avec Akon et Meek Mill – et laissés consécutivement à l’abandon par ses labels. Au final, Asher Roth à toujours été prêt à dropper son second disque, c’est juste qu’il n’en a jamais eu l’occasion. Depuis peu il a décidé de se libérer des contraintes des majors puisqu’il évolue désormais en roue-libre et devrait sortir son album sophomore dans le courant de l’année 2014.

Résultat : Demi pass

Son parcours suit l’inverse du chemin classique emprunté par les rappeurs. Au lieu de sortir de l’ombre, le white boy a quitté le feu des projecteurs juste après son ascension. Involontairement certes mais le résultat est sans appel : no money in the bank. Pourtant, il donne dans la musique de qualité et ne copie-colle pas les recettes du moment, l’antithèse d’un B.o.B. Seulement, vue la pente descendante sur laquelle il se trouve, pas sur que le MC revienne au sommet un jour. Mais en a-t-il envie ?

BLU

2009

Blu c’est le gars productif de la promo. Il n’était pas encore freshman qu’il sortait déjà des projets dans tous les sens. Le plus souvent en collaboration, comme sur son premier jet avec Exile : Below The Heavens. Un masterpiece d’indie-rap acclamé par la critique en 2007. Depuis, pas moyen de passer à côté du rappeur californien. Si tu te tiens au courant des sorties musicales tu n’as pas pu le rater. Il nous a particulièrement tapé dans l’oeil en 2009 lors de la sortie de son projet Her Favorite Colo(u)r. Sensiblement plus âgé que ses collègues élus, Blu cultive à merveille son statut d’électron libre du hip hop. Incompatible avec les grosses maisons de disque, il agit dans l’underground le plus total jusqu’en 2009 où il signera finalement chez Warner pour passer un cap.  Sa prolificité, collant parfaitement avec son style unique et décalé lui vaudra une convocation dans la seconde génération de freshmen XXL.

2014

Quelques années plus tard, Blu n’a absolument pas changé. Grand amateur de collaborations, le MC remet le couvert avec Exile en 2012 pour le super Give Me My Flowers While I Can Still Smell Them, et travaille avec Nottz en 2013 sur l’EP Gods In The Spirit. Le problème avec Blu, c’est qu’on ne peut pas parler de performance commerciale. Jamais. Presque aucun chiffres de vente ne trainent sur internet, on suppose donc que chacun de ses projets s’écoulent doucement, trop doucement. Si au premier abord Blu semble être une pépite de rappeur, on s’aperçoit vite que son style le confine à un rôle mineur dans le mouvement hip hop. Il doit certainement être l’un des freshmen XXL les plus prolifiques toutes générations confondues, et paradoxalement être le moins vendeur de tous. D’ailleurs, son désaccord avec Warner ne nous étonne même pas. Deux ans après sa signature, il quitte le label sans même avoir sorti d’albums dessus. Plus tard dans une interview il n’hésitera pas à balancer « Warner sucked! Kweli left, Tick who signed the Beastie Boys left. The president was fired or left.  His son, the VP of Sire left. Them niggas got bought out by Russians who didn’t give a fuck about nothing but Rick Ross so.. ».

Resultat : Fail

Au vu des critères XXL, Blu n’a pas explosé après sa nomination, c’est même un peu l’anomalie de cette sélection. Néanmoins on peut le féliciter pour sa vision du hip hop et son authenticité. Blu ne voit pas la musique comme un gagne pain, mais comme une passion. Une idéologie que beaucoup de rappeurs actuels ont oublié. Par contre, l’Histoire n’oubliera jamais la honte digitale qu’il s’est infligé en s’adressant à Schoolboy Q. HE AINT EATIN.

FACTZ

2009

Malgré son pseudonyme sympathique, Mickey Factz est l’un des freshmen les moins connus de sa génération. Il attaque 2009 avec un statut d’outsider indépendant empilant les mixtapes depuis quelques années. Promis à un grand avenir, le rappeur réussit péniblement à dropper quelques singles salvateurs qui lui permettront d’améliorer sa visibilité auprès des majors : « Rockers » sur la bande son de Fight Night Round 4 et « Rockin N Rollin » en featuring avec The Cool Kids qui sera clippé et diffusé sur MTV. En manque d’inspiration et visiblement choqués par la puissance de ce dernier morceau, XXL pose ses cojones et appelle le MC pour rallier la cause des freshmen XXL.

2014

En 2010 il signe sur Battery Records – filiale de Sony Music – un label qui prétend comprendre sa vision des choses et voit en lui en artiste prometteur. Mais depuis sa nomination chez XXL, Mickey s’est égaré. Perdu dans les abysses du peu-ra, le bonhomme rame de toute ses forces pour exister, à coup de mixtapes et de ré-éditions. En 2012 il sort Mickey MauSe, un projet gratuit initialement prévu pour sortir sur son label, mais considéré trop artistique et donc sorti par le rappeur lui même en indé. Baladé à droite à gauche, le MC peine à s’imposer en interne dans un label qui ne le prends pas au sérieux. De fil en aiguille et à force de restructurations des maisons de disque, il reste chez Sony Music Entertainement mais cette fois-ci switch sur RCA Records, autre branche du groupe. Toujours sans succès. Fin 2013, alors que plus personne ne l’attend, Mickey Factz revient aux affaires en sortant un single – avec Yelawolf – censé être sur son premier skeud intitulé The Achievement et prévu pour 2014. Pour le moment on en a pas encore vu la couleur, mais il semblerait que le rappeur soit bien parti pour dropper son premier album, après des années de galère.

Résultat : Fail

Mickey Factz n’était pas à la hauteur de ses camarades. Attendu comme the next big thing, ce n’est pas un hasard si il n’a toujours pas sorti d’album. Only the strong survive.

CORYGUNZ

2009

Fils du MC Peter Gunz, Cory Gunz fait parti de cette jeune génération de rappeurs « fils de » – Lil Romeo on te voit. Des héritiers qui profitent volontairement ou par défaut de l’ancienne notoriété de leurs parents pour faire carrière dans l’industrie musicale. Bien aiguillé dans ce rap-biz, Cory signe très jeune sur Casablanca Records et Def Jam (UMG). Nous ne sommes qu’en décembre 2005 et le rappeur aiguise déjà son sens du flow sur une trilogie de mixtapes intitulées The Apprentice. Le fils Gunz se rapproche même de l’entourage de Jay-Z en réalisant la part two du morceau « If It’s Lovin’ That You Want » de Rihanna. Si il est reconnu par ses pairs pour ses qualités de MC, le petit manque encore de singles accrocheurs. C’est alors qu’intervient le grand tournant de sa carrière. Nous sommes en février 2008 et internet, MTV ainsi que toutes les radios du monde entier sont en émoi après la sortie du mégatube « A Milli » de Lil Wayne. Cory Gunz participe à la version d’origine – celle qui ne sera pas retenue sur Tha Carter 3 – en posant un couplet tout à fait honorable qui lui permettra d’apparaître sur un tas de mixtapes et de copiner avec le florissant collectif Young Money. Ni une ni deux, XXL Magazine flashe sur le Son Of A Gunz et l’honore du titre de Freshmen XXL pour sa classe de 2009.

2014

Aujourd’hui, on se demande parfois ce qu’est devenu Cory Gunz. En 2010 il signe enfin sur Young Money, collectif en pleine effervescence à l’époque, mais qui possède déjà ses propres talents en quête d’émancipation. Pas facile alors de se faire une place auprès des Drake, Tyga ou Nicki Minaj. Un an plus tard, Lil Wayne l’aide à débloquer son compteur but en l’invitant sur le über hit de son Carter IV : « 6 Foot, 7 Foot« . Déposée par Bangladesh, cette prod boucherie-charcuterie atteint facilement le sommet des charts, permettant au fils Gunz d’avoir comme papa Gunz, un gros tube au palmarès. Dans la même année, Cory lance son reality show sur MTV intitulé Son Of A Gun qui le met en scène avant et après sa signature au sein du label de Lil Wayne. Si le jeune MC sort ses mixtapes au compte-goutte – Son Of A Gun en 2011 et Datz WTF I’m Talkin Bout en 2013 -, celles ci se diffusent extrêmement bien sur Internet. Toutefois, toujours pas d’album en vue pour le petit protégé de Weezy, cinq ans après sa nomination.

Résultat : Fail

Avec un seul gros single sur le CV, le fils de Peter Gunz semble emprunter le même chemin que son père, celui de l’oubli. A la différence que papa, lui, a sorti un album. On se demande si un jour Cory sortira le sien. Au pire, il finira par présenter le pré-show des BET Awards. Bow wow, prépare-toi.

ACEHOOD

2009

« We the best ! Def Jam ! I introduce you to Ace  !  ACE, LET’S GET MONEY !! » L’inimitable DJ Khaled n’a pas besoin de longs discours pour introduire son poulain Ace Hood sur « Cash Flow« . Débit mitraillette, refrain de T-Pain, la machine à fric tourne à fond. D’ailleurs, il n’a pas traîné pour atteindre les rotations MTV Joueur de foot US prometteur flingué par une blessure, l’étudiant floridien se ré-oriente vers le rap comme beaucoup d’autres. Il croise DJ Khaled dans les studios d’une radio locale en 2007 et le séduit en freestylant sur l’instru de « I’m so Hood ». Seulement deux mixtapes suivent sa signature chez We The Best, avant de plonger dans le grand bain avec l’album Gutta. Le projet vend pas des masses mais tourne bien, même que le track « Top of the World » est retenu sur la bande-originale de NBA 2K10. Banco.

2014

Alors qu’on attendait qu’il se couche gentiment, Ace Hood relève à chaque fois la tête hors de l’eau. Twitter se fout de sa gueule avec le hashtag  #youknowyouacehood, mais Ace cumule les singles qui fonctionnent : « Overtime », « Hustle Hard », et les interventions sur les compilations de son boss Khaled. Le rapprochement avec YMCMB lui a permis de contrebalancer un charisme assez limité. Ses bonnes mixtapes Starvation compensent des albums plus conventionnels. D’ailleurs, le gars en a profité pour sortir un carré d’as labellisé « Bugatti ». Un banger furieux avec Future qui remporte le jackpot, plus de 46 millions de vues sur le clip Youtube.

Résultat : Pass

Eternel one hit wonder, Ace Hood n’a pas à rougir de son parcours. Tout le monde ne s’attendait pas qu’il charbonne encore en 2014, « Everyday ». Surtout qu’il a dégusté, traumatisé par le décès d’une de ses filles en mai 2011, après sa naissance. Par contre, porter des fausses Rolex qui tombent en ruine devant les caméras télé, c’est un motif de licenciement pour faute grave.

WALE

2009

Découvert par Mark Ronson en 2006, Wale profitait d’une notoriété locale grâce au gentil morceau « Dig Dug », hommage au percussionniste Go-Go Ronald Dixon. Grâce à l’aura du gouru Ronson, Wale flirte avec toute la scène hype, remixant Justice, ou s’invitant au live de Mark Ronson au  Highline Ballroom avec Amy Winehouse et consorts. Immédiatement poussé par les médias, il se glisse dans la catégorie des « cool, smart, up-and-coming hip-hop artist who might actually be Drake » dixit son manager. Ajoute à ce buzz bien formaté quelques mixtapes et un « Breakdown » qui squatte le soundtrack de Madden NFL 2009 : terrain super fertile pour la sortie de l’album Attention Deficit. Cerise sur le gâteau ? Papa Ronson convainc Lady Gaga à poser en featuring sur le single « Chillin ». Idéal, sauf que… l’album vend 28 000 copies la première semaine. Une énorme gifle en réponse à un projet mal marketé, qui manque de cohésion et dont le seul bon morceau est dominé par Gucci Mane. Tant pis, les médias l’aiment toujours assez pour rejoindre les Freshmen XXL 2009.

2014

Délaissé par Interscope, fusillé par Kid Cudi, le milieu ne donnait pas cher de sa peau. A l’exception d’un certain Rick Ross. Rozay le rachète pour le façonner en lieutenant du crew MMG. Bénédiction pour Wale, qui réadapte sa musique en fonction des besoins de sa nouvelle écurie. Sa cible : un public plus féminin. Au diable l’intégrité. Forcément, ça marche : son album sophomore Ambition écoule 500 000 copies – dont 164 000 la première semaine, merci « Lotus Flower Bomb ». The Gifted, troisième essai solo, se maintient en vendant 158 000 exemplaires aux US sa première semaine. Des projets qui s’écoutent sans peine, malgré une identité complètement sacrifiée par rapport au Wale d’origine. Oublies les inspirations Go-Go de sa région, le business avant tout.

Résultat : Pass

Assurément meilleur businessman que rappeur, Internet retiendra éternellement son affreux Cypher en 2009. Wale accepte de se faire régulièrement bifler par le Internets, sauf face à Sir Michael Rocks, mais moins par Complex. Prêcheur du sa propre paroisse, Wale le mal-aimé encaisse les chèques à défaut de comprendre les critiques qui s’attaquent à son art. Tous des haters.

CURRENSY

2009

Un vétéran. La trentaine approche et Curren$y a déjà prouvé sa valeur auprès de tous les pontes de la Nouvelle Orléans. D’abord auprès de Master P, en tant que membre des 504 Boyz, ensuite à côté de l’inévitable combinaison Birdman / Weezy. Signé chez CMYMB, il apparaît sur les cassettes de ses patrons et même sur l’immense Carter 2. Seulement, comme souvent dans ce genre d’écuries, ses efforts solo passent au second plan, son LP ne voit pas le jour. Lassé mais désormais aguerri, Spitta poses ses cojones sur la table : il se barre fin 2007 avant d’inonder Internet de mixtapes en 2008, près d’une dizaine. Il enchaîne en 2009 avec ses deux bons premiers albums digitaux, This Ain’t No Mixtape et Jet Files. Impossible de ne pas le retenir après tant d’abnégation. 

2014

Un temps proche de Dame Dash, avec lequel ça se finit forcément au tribunal, Curren$y a imposé la JET Life à la face du monde. Un crew de jeunes loups formé autour d’un Spitta toujours plus productif, bossant avec des maîtres tel Alchemist ou Harry Fraud.  Au-delà de la musique, Curren$y a développé un véritable mouvement basé sur un mode de vie chill et aisé, en maîtrisant à merveille sa marque sur le web et les réseaux sociaux. Le gars se permet même de lâcher ses projets en torrent. Sortie en janvier, sa dernière galette The Drive In Theatre pète les scores sur Dat Piff & Co. La cohérence paie.

Résultat : Pass

Soyons sérieux, peut-on juger autrement un rappeur honoré par Forbes ?

HAMILTON

2009

Découvert au détour d’un cypher avec Game et Kanye West en 2008, Charles Hamilton est un jeune rappeur semi autodidacte. Entouré d’instruments de musique depuis son enfance, le fan de Sonic a toujours beaucoup travaillé en solo pour apprendre à en jouer. Hamilton est un acharné, comme l’indique le nombre de ses mixtapes sur sa page Wikipedia – 101 à ce jour. Tout commence plutôt bien pour lui. Après avoir rencontré son futur manager Le’Roy Benros, il se rapproche d’Interscope et signe un deal pour rentrer dans le game. Nous sommes en fin 2008 et Charles Hamilton, en plus de lâcher un digital album enregistré avant sa signature, sort son plus gros hit aka « Brooklyn Girls« , qui sera repris par la série Entourage. Jusqu’ici tout roule pour le natif de Cleveland, logiquement récompensé d’une nomination chez XXL.

2014

Et là, c’est le drame. Alors qu’il s’apprête à dropper son premier album, This Perfect Life avec Interscope en juin 2009, le processus se fige et Charles Hamilton se fait même éjecter du glorieux label. La raison ? Une série de mauvais choix et de dérapages successifs. En tête de gondole, l’incompréhensible nomination du défunt J. Dilla comme producteur exécutif de son album qui fera jazzer la rap sphère. Interprété comme un terrible manque de respect à Jay Dee, Hamilton se fera salement lyncher sur le web. Epié comme jamais, le rappeur enchaine les fails à une vitesse monstrueuse. Dans la même année, il se fait afficher par un de ses college kids fans en freestyle, est accusé de plagiat ou encore se fait frapper par Briana Latrise lors d’un battle en pleine rue. Ridiculisé et moqué, Hamilton attise malencontreusement la haine de ses opposants qui n’auront jamais digéré l’affront fait à Dilla. Grillé, le fan de Sonic ne parviendra jamais à remonter la pente. Même si depuis il continue à sortir des mixtapes, le rappeur s’est fait évincer du système, game over. Complex en a même préparé une rétrospective. A son propos, 50 Cent lancera dans une interview « You don’t come back from that ». Fatal.

Résultat : Fail

C’est dingue comme d’une année à l’autre la côte de popularité du rappeur a chuté. Internet est un outil cruel qui a contribué à anéantir la carrière du MC. A tel point qu’on peut aujourd’hui certifier qu’XXL s’est bien planté en misant sur lui. Epic fail.

Bilan

Après une première édition 2008 soldée par une sélection de rappeurs pas très visionnaire, XXL persiste et signe avec cette classe de 2009. Cette fois, le changement est radical. XXL a  changé son fusil d’épaule en choisissant des rappeurs plus jeunes et moins expérimentés que lors de son premier volet, déjà adeptes du potentiel web pour diffuser leurs contenus et construire leur personnage

Au final, mis à part Cory Gunz, Charles Hamilton et Mickey Factz, tous les freshmen XXL 2009 ont obtenu leur grade et sont toujours relativement présents dans le rap game, exception faite de Blu, trop marginal pour le diplôme. Si on peut regretter l’absence de Drake, qui aurait rendu cette dream team fragilement épique, il faut quand même reconnaître que cette promotion à de la gueule, du moins en terme de business accompli. De ce point de vue, c’est même une des meilleures du palmarès. Soutenus par de gigantesques fan base, ces ex-rookies compilent des dizaines de millions de vues sur Youtube et écoulent leurs albums à base de centaine de milliers d’exemplaires pour les meilleurs d’entre eux. En 2014, soit cinq ans après leur mise en lumière, la Class Of ’09 tient toujours debout. Congrats.

Article co-rédigé avec Joackim Le Goff, illustrations Antoine Laurent.

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