« Cher Gucci Mane »

vendredi 27 mai 2016, par Kévin. .

Jeudi 26 mai, milieu de soirée. Gucci Mane est libéré. Le rap s’enflamme, les larmes coulent, l’alcool est versé sur le sol. Troy Ave tire dans le tas. Tout le monde est pris de court, personne ne sait vraiment comment réagir. Nous sommes en pleine interview de Caballero et JeanJass quand, sur la terrasse du Wanderlust, Lomepal nous interrompt pour annoncer la nouvelle. Forcément, le ton change, les questions deviennent obsolètes. Nous les saluons, rentrons chez nous, contactons les illustrateurs de Whip pour qu’ils nous dessinent un pépite et entamons la rédaction d’une lettre ouverte. Welcome home, Gucci Mane.

Cher Gucci,

C’est hier soir, faisant défiler ma timeline dans un bâillement, mug de tisane à la main, que j’ai appris ta libération. J’avais un peu honte d’être dans cet état, moi qui me promettais de me reprendre en main avant que tu nous rejoignes. Il faut dire que depuis que tu es parti, je ne suis plus le même. J’ai relayé mes gobelets rouges au fond du placard, perdu ma boulette au fond du linge sale qui s’accumule depuis des mois. Ma pile de mixtapes – gravées sur CD, le temps ne les aura pas – commençait dangereusement a prendre la poussière. Mais te revoilà, et le moment de me faire violence est arrivé. Gucci est revenu. Au nom du burr!, du lean et de l’ice cream cone.

Je parle de moi, mais au fond, j’imagine que ça t’intéresse peu. Je t’avais pourtant instagramé mon tatouage avec ton visage sur mon biceps – ou ce qu’il en reste – mais peu importe. J’ai d’ailleurs vu que tu avais bien fondu pendant ton passage par la case prison et bien qu’inquiet, je m’en réjouis. Puisse cela te donner quelques années supplémentaires dans ce monde. Danny Brown disait limiter sa consommation de sirop pour éviter de finir avec ton bide, et j’imagine qu’au fond de ton cœur de brute, ça t’a blessé. Tu vas maintenant pouvoir les bouffer tout crus, et qui sait, profiter de ton nouveau souffle de jeune homme pour faire des prouesses au micro. Je ne te ferai pas l’affront de te demander ton secret minceur, j’imagine que les repas de cellule et la sobriété forcée n’ont pas été de tout repos. Et j’aimerais éviter de me vider de mon sang dans un caniveau de la zone 6.

Bref. Toi qui as rejoint le studio quelques minutes après être sorti, j’imagine que c’est de rap dont tu veux que je te parle. Et mon brave Gucci, il s’en est passé des choses depuis ton absence. Tes protégés, Young Thug et Chief Keef en tête, ont pris leur envol. Thugger fait des duos avec Jamie xx et meugle sur les albums de Kanye West et Chance The Rapper. Oui c’est soft, mais aujourd’hui c’est accepté, car tu as fait de la trap la face visible de la lune. Si la lune était le rap. Je m’égare. Si tu cherches Chief Keef, il y a de grandes chances que tu le trouves dans une villa californienne avec un grec un peu bizarre qui joue au papa gâteau – mais c’est une longue histoire, je te la raconterai plus tard. Ne t’inquiète pas, tous les soldats de la street n’ont pas déserté. Heureusement qu’il y a PeeWee. Je me plais a penser que tu me demanderais des nouvelles de Makonnen, que tes ingés son ont plusieurs fois greffé sur tes couplets pendant que tu tirais ta peine. Sache juste que Drake l’a largué, et qu’il ne devrait pas te coûter très cher au mercato. J’ai aussi vu que tu connaissais déjà Post Malone. C’est un peu le phénomène, et tu l’appelleras sûrement pour quelques refrains. Je ne t’en voudrai pas trop. A condition que tu m’épargnes Lil Yachty, ou a minima, que tu lui offres une cure de protéines avant de l’embaucher.

Sinon, tu te souviens quand tu avais aidé ce petit gars, Future, avec une bonne vieille mixtape du père Gucci ? Je t’avais d’ailleurs trouvé gonflé de nous infliger tout cet autotune. Sache qu’un petit détail a changé : Future, maintenant, c’est le roi. Il prend plus de drogues que tu n’en as jamais pris, et s’est créé un personnage de damné féroce qui fonctionne du tonnerre. Je t’imagine sourire à la lecture de ces quelques lignes. Brrrr. À ce propos, j’espère que Metro Boomin te fera confiance. Il t’expliquera. Et au fait, Future n’est plus avec Ciara : ça t’évitera de mettre les pieds dans le plat. Et Waka Flocka ? Dis moi si tu veux qu’on en parle, je sais que c’est toujours compliqué entre vous et honnêtement, ça fait longtemps que j’ai arrêté d’essayer de comprendre. Si tu pouvais lui faire lâcher Flockaveli 2, je t’en serais reconnaissant. Sans te donner d’ordre. Le caniveau, zone 6, toussa toussa.

Mais assez parlé des autres. Je t’avoue que rien que de t’écrire, ça va déjà mieux. Je commence a retrouver du poil de la bête. J’ai d’ailleurs installé un fond d’écran EA sports, ça ne trompe pas. On ne devait pas tarder à avoir le nouveau projet de Mike Will, lui qui t’attendait pour l’occasion. Un bon soldat, ça oui. Zaytoven aussi t’a été fidèle, remarque. Il a fait quelques projets avec d’autres, mais il fallait bien qu’il vive non ? En parlant de producteurs, j’ai hâte de découvrir les petits nouveaux que tu vas nous faire découvrir. Et pareil pour les rappeurs. Entre nous, je suis sur que tu as déjà quelques idées de jeunes qui tabassent à mettre en avant. Ne m’en dis pas plus : je le saurai bien assez tôt. Depuis quelques temps tes projets commençaient à se faire plus rares. Tes ingés son, aussi doués soient-ils, devaient commencer a être à court de matière première. Je compte sur toi pour les abreuver jusqu’à ce qu’ils se noient dans les semaines qui viennent. Mais vu que tu as déjà visité le studio, ton repère, à peine sorti, je ne m’inquiète pas trop. J’espère surtout que tu resteras de ce côté-ci des barreaux un bon moment. Te connaissant, tu dois avoir quelques casseroles en réserve. Rien que d’y penser me donne envie de retrouver ma tisane et ma couverture.

Bon c’est pas tout, mais j’imagine que maintenant que tu es sorti tu as d’autres choses à faire que lire ma correspondance. Ne t’en fais pas pour moi, ça va mieux je te dis. J’ai ouvert les volets, la lumière est douce. Et j’ai déjà commencé à préparer ma chronique pour ton prochain projet, qui impliquera sûrement les mots « trap », « god », et « out ». Le rap sans toi, ce n’était plus la même chose. Content de te revoir parmi nous.

We gucci, mayne.

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